20 décembre: La Réunion commémore la Fet Kaf

20 décembre: La Réunion commémore la Fet Kaf

©Abdellah Boudour Twitter

La commémoration de l’abolition de l’esclavage est célébrée le 20 décembre à La Réunion, date effective de la libération des esclaves dans cette île (en 1848). Appelée « Fet Kaf », cette journée se traduit par de nombreuses manifestations dans les différentes communes.>

Chaque année à la date du 20 décembre, la  population réunionnaise rend hommage à la mémoire des esclaves et célèbre la liberté sur tout le territoire. A Saint-Denis par exemple, s’est tenue la grande Marche de la Liberté. Un « village 1848 » a même été installé autour de la stèle de Géréon et Jasmin, deux esclaves décapités il y a 205 ans, à la suite de la révolte de Saint-Leu en 1811.

Cette commémoration a également eu une résonance dans l’hémicycle du Palais Bourbon à Paris. Le député de la Réunion Jean-Hughes Ratenon (France Insoumise) a rendu hommage à ses ancêtres lors de la séance aux questions au gouvernement. « Je suis fils d’engagé et d’esclave, je suis Réunionnais et fier de l’être. Je ne suis pas mendiant, mais je suis un nègre, un résistant, un insoumis. J’ai donc cette responsabilité de me souvenir et d’agir pour le respect de la mémoire de mes ancêtres », a déclaré le député, avant d’être vivement applaudi par l’Assemblée.  Jean-Hugues Ratenon a demandé au gouvernement la sauvegarde de l’ancienne prison Juliette Dodu, car ce « bâtiment datant de plus de 300 ans, témoin de ces crimes atroces, d’actes barbares qui ont eu lieu durant toute la période esclavagiste est menacé par un projet immobilier ». 

Des esclaves-marrons au patrimoine mondial de l’UNESCO

Le 20 décembre 1848, l’abolition de l’esclavage a été proclamée par le Gouverneur de la Réunion, Sarda Garriga, permettant à plus de 62 000 esclaves de retrouver leur liberté. Certains esclaves n’ont pas attendu cette date pour profiter de leur liberté. Anchaing, Cimendef, Marianne, Mafate, Dimitile, De Cotte…des esclaves, qui ont dessiné une épopée marronne à travers les sommets, les remparts et les pitons qui portent aujourd’hui leurs noms.

Selon la légende, Anchaing et sa femme Heva, fuyant l’esclavage, vécurent avec leurs enfants sur le piton éponyme culminant à 1356 m au coeur du cirque de Salazie.

Le piton d'Enchaîné au sommet duquel l'esclave Anchaing semblerait avoir vécu.© Jean-Marc Astesana

Le piton d’Enchaîné au sommet duquel l’esclave Anchaing semblerait avoir vécu.© Jean-Marc Astesana

Selon les écrits du journaliste et poète réunionnais Eugène Dayot en 1848: Mafate provient du nom d’un chef marron et vieux sorcier des eaux puantes, épris de liberté et de pacifisme. Ce dernier aurait tenu son camp dans le fond de la rivière des Galets près d’une source thermale qui fut identifiée par l’expression Ran mafac pour signifier « eau puante ». Le chasseur d’esclaves François Mussard rapporte en effet qu’il a tué un certain Maffack au pied du Bronchard en septembre 1751. Aujourd’hui, Mafate est l’un des trois grands cirques naturels du massif du Piton des Neiges.

© Commons Wikimedias

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Situé dans les hauts de l’Entre-deux, se trouvent les pentes du Dimitile. Le nom de Dimitile est cité dans une déclaration faite en 1743 par Jeanneton, une esclave qu’il avait enlevée et qui évoque ses déplacements incessants. Ce même nom est par ailleurs associé à un autre îlet et bras de la Rivière des Remparts. La mémoire de Dimitile, le guetteur, est préservée aujourd’hui par l’association Capitaine Dimitile dans le lieu éponyme. On y trouve la reconstitution d’un camp de marrons et aussi une stèle dédiée à Dimitile ainsi qu’à deux grands marrons : Laverdure Le Roy et sa femme Sarlave La reine. Un hommage rituel y a lieu tous les ans.

Plus récemment, le centre l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise, le Parc national de La Réunion et la Cité du Volcan ont décidé de nommer le cône édifié lors de l’éruption du 11 septembre 2016 « Piton Jacob», du nom de l’esclave qui a « découvert » le Pas de Bellecombe en 1768.