15 août 1944 : « À travers mon père se raconte l’histoire de ces 2 500 antillais engagés volontaires ou partis en dissidence pour défendre la Mère Patrie »

15 août 1944 : « À travers mon père se raconte l’histoire de ces 2 500 antillais engagés volontaires ou partis en dissidence pour défendre la Mère Patrie »

Daniel Jean-Joseph s’est engagé pour combattre aux côtés de la France libre. Sa fille raconte…

Ce jeudi 15 août, le Président de la République commémorera le 75ème anniversaire du débarquement en Provence et les soldats africains, antillais, malgaches, réunionnais et océaniens qui s’engagèrent pour libérer la France, « Mère Patrie ». Invitée à cette commémoration, Catherine Jean-Joseph, fille d’un engagé antillais « recruté et incorporé à la base navale de Fort-de-France », témoigne pour son père et ces 2 500 engagés antillais qui ne reçurent ni médaille ni reconnaissance pour leur courage et leur amour de la France. 

Le 14 août 2019, Daniel Eusèbe Jean-Joseph, mon père aurait eu 95 ans. Cet anniversaire, tout comme celui de ses 20 ans, est loin d’être anodin. Il y a 75 ans, le destin avait décidé que ses 20 ans serait la veille du débarquement en Provence.

En 1943, Daniel Eusèbe Jean-Joseph sait inéluctable son prochain appel sous les drapeaux, et qu’il sera probablement versé comme la plupart des appelés dans l’armée de terre. « Or, j’ai en mémoire des récits de guerre de mon père qui a connu l’horreur des tranchées, j’ai donc pris la décision de m’engager dans la marine Nationale par devancement d’appel », me racontait-il lors de nos rendez-vous hebdomadaires du samedi avant la messe de 18h.

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Le 1er mai 1943, il est donc recruté et incorporé à la base navale de Fort-de-France et embarque après 20 jours de formation sur le croiseur Émile Bertin. C’est ce croiseur, alors le plus rapide du monde, qui en juin 1940, avant l’arrivée des allemands, quitta précipitamment la rade de Brest avec les 254 tonnes d’or fin de la Banque de France, et reçu l’ordre de se diriger vers Fort-de-France.

Oui car les hommes Jean-Joseph sont une lignée de combattants pour la Mère Patrie. Mon grand-père, Louis Jean-Joseph, revint gazé des tranchées de Verdun. Son fils, mon père, donna cet amour intransigeant pour son pays, la France, en combattant non seulement pendant la seconde Guerre mondiale mais aussi en Indochine. Ses frères, Juvénil et Bernard Jean-joseph, se retrouvèrent dans ce même élan en Indochine et en Algérie.

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Daniel Jean-Philippe lors du ravivage de la flamme du soldat inconnu en novembre 2011

Oui notre histoire familiale est une épopée, c’était l’histoire dans la grande Histoire de France.

À travers mon père se raconte l’histoire de ces 2 500 antillais engagés volontaires ou partis en dissidence pour défendre la Mère Patrie. Aucune trace de ces hommes dans l’histoire de France, aucune médaille d’anciens combattants ne leur fût attribuée jusqu’à il y a 6 ans. Nombre d’entre eux ont été marqué au plus profond de leur chair par ce manque de reconnaissance et sont morts sans jamais la voir.

En novembre 2011, huit mois avant le décès de mon père, le préfet de Paris le mit à l’honneur lors du ravivage de la flamme du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe. Daniel Eusèbe Jean-Joseph représenta les dissidents. Il écrit alors dans le livre d’or : « Aujourd’hui est le plus beau jour de ma vie ».

Catherine Jean-Joseph est arrivée dans le Sud hier, pour la commémoration du 75ème anniversaire du Débarquement en Provence

Catherine Jean-Joseph est arrivée dans le Sud hier, pour la commémoration du 75ème anniversaire du Débarquement en Provence

Dans l’avion de la République Française qui m’amène ce jour sur les traces de mon père en Provence, à l’invitation du Président Emmanuel Macron, je suis encore émue et me dis que je ne suis pas là par hasard. Je sais qu’en tant que gardienne de sa mémoire, je mérite cet honneur et tous ceux qui viendront en honneur de ceux comme mon père, son père avant lui, mes oncles qui au péril de leur vie ont fait qu’aujourd’hui la France soit une Nation debout et fière…

En 2016, je recevais des mains de la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, la Médaille de Chevalier de l’Ordre National du Mérite pour mes 28 années de bons et loyaux services dans l’audiovisuel français. Cette médaille c’est aussi à mon père que je la dédiais, car je lui dédiais l’Honneur qu’il avait tant, trop attendu.

Catherine Jean-Joseph Sentuc.