Elie Domota, porte-parole du mouvement LKP ©AFP
Le 20 janvier 2009 débute en Guadeloupe une mobilisation sociale sans précédent. Le département connaîtra 44 jours de grève générale. A l’occasion du dixième anniversaire de cet évènement, Outremers360 revient sur ce mouvement social. avec Axelle Kaulanjan, co-auteure avec Mylène Colmar d’un Abécédaire du LKP, Clés analytiques et critiques du mouvement paru en 2012.
La flambée du prix des carburants et l’opposition des gérants de stations-services à l’installation de stations automatisées seront les éléments déclencheurs de ce mouvement social. Très vite, plusieurs organisations syndicales et associations de la société civile vont former un collectif nommé LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon) et mené par Elie Domota. Ce collectif dressera une plateforme de plus de 140 revendications allant de la vie chère, la valorisation de l’identité, l’accès de l’emploi des guadeloupéens, à la formation et la santé. Pour Axelle Kaulanjan, la situation reste inchangée en 2019. « Aujourd’hui, les problèmes ne sont pas réglés fondamentalement. De nombreux points de revendications de la plateforme traînent encore aujourd’hui en longueur. Dix ans après, le bilan n’est pas probant» affirme Axelle Kaulanjan.
(Erratum: Ce sont 10 000 jeunes (et non 100 000 jeunes) qui ont quitté la Guadeloupe entre 2009 et 2019. Les statistiques de l’Insee prévoit un départ plus conséquent de jeunes d’ici 20 ans)
Un mouvement singulier
Etudié à la lumière du mouvement des gilets jaunes qui se tient actuellement en France, le mouvement du LKP reste une mobilisation sociale particulière et singulière. «Ayant observé le LKP, le LKP était structuré avec un porte-parole et un leadership qui n’était pas contesté. En face, les gilets jaunes forment un collectif disparate qui n’a pas un corpus idéologique qui n’est pas bien défini et avec un leadership qui n’est pas claire. Autre différence, le LKP malgré le caractère musclé de certaines actions, avait une sécurité organisée. Il y a deux ou trois morts par rapport aux manifestations parce qu’il y a eu une personne assassinée, Jacques Bino et puis une autre personne décédée sur un barrage écrasée par une voiture. Mais lors des manifestations-même du LKP, il n’y a pas eu de morts. Or, nous sommes à une dizaine de décès lors des manifestations des gilets jaunes», note Axelle Kaulanjan
« Grosse fracture sociétale»
Face à la persistance des problèmes, Axelle Kaulanjan ne pense pas qu’un tel mouvement pourrait voir le jour à moins d’un «drame» ou «une forte injustice». « Les Guadeloupéens sont blasés, découragés. Il y a eu une grosse fracture sociétale après le mouvement LKP entre les gens qui se sont mobilisés et ceux qui n’adhéraient pas au LKP. Il ne faut pas oublier le traumatisme collectif de l’assassinat de Jacques Bino qui a véritablement choqué les Guadeloupéens. Cela ne veut pas dire que les Guadeloupéens ne vont pas se remobiliser (…) car il y a encore de mouvements sociaux ponctuels et des grèves très dures en Guadeloupe. On sent bien qu’il y a quelque chose de latent en Guadeloupe, une frustration et une grogne bien présentes. Mais de là, à savoir si les gens passeront à l’action, la question demeure. Je ne vois aucune organisation assez fédératrice qui puisse faire le job. Il faudrait, à mon avis, un drame ou une forte injustice qui puissent fortement choquer les Guadeloupéens pour avoir une mobilisation de cette ampleur».