Le Guadeloupéen Gaël Musquet veut faire des Outre-mer des « points de suivi et d’observation du ciel et de l’espace »

Le Guadeloupéen Gaël Musquet veut faire des Outre-mer des « points de suivi et d’observation du ciel et de l’espace »

« Hacker citoyen » et fondateur de HAND, le Guadeloupéen Gaël Musquet rejoint aujourd’hui le Campus de l’Espace d’où il surveille la constellation européenne de satellites de positionnement, Galileo. Une nouvelle mission pour ce génie des données et de l’informatique qui le mène à mettre les Outre-mer au premier plan du suivi et de l’observation du ciel et de l’espace. « On est le seul pays au monde à disposer d’autant de positions stratégiques toutes longitudes », nous assure-t-il. 

Quelles sont vos missions pour Galileo ? 

Je suis hébergé sur la base militaire aérienne 105 et je m’installe aussi sur le Campus de l’Espace à Vernon. Depuis quatre ans, pour l’armée de l’air, je travaille sur la supervision aérienne : j’écoute les ondes radios des avions et hélicoptères pour savoir ce qui se passe dans l’espace aérien.

Au-delà d’un certain plafond, nous avons les satellites avec lesquels nous faisons le même travail. Parmi ces satellites, il y a la constellation Galileo que l’on écoute pour à la fois savoir si elle est en bonne santé. Il y a eu une panne l’année dernière. Étant un système de navigation civil, nous sommes quelques civils aujourd’hui à avoir des récepteurs qui n’écoutent que la constellation Galileo.

constellation

Au titre de l’ensemble des expérimentations que j’ai sur l’ensemble de la base aérienne 105, je déploie des stations qui écoutent cette constellation et qui vont permettre de rendre compte et voir comment les ondes et les trames informatiques de Galileo sont transmises. La prochaine station sera à Mayotte, ensuite en Guadeloupe puis en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

Toutes ces données vont être archivées, centralisées sur un site global pour voir s’il y a des erreurs, des pannes ou des arrêts pour faire de la maintenance technique. C’est un système complet, qui fait à la fois de la supervision aérienne et de la supervision spatiale avec un volet sur la navigation Galileo.

Qu’est-ce que Galileo plus précisément ? 

Galileo est un système de positionnement par satellite. Pour revenir en arrière, en 1902, la montagne Pelée en Martinique est entrée en éruption. Cette catastrophe naturelle a entrainé la mort de près de 30 000 personnes et a rayé de la carte la ville de Saint-Pierre pendant plusieurs années. Dès cette année-là, l’État a envoyé un scientifique militaire nommé Gustave Ferrié et qui a utilisé pour la première fois la radio en situation de crise. Il l’a fait entre la Martinique et la Guadeloupe plus précisément. Ces travaux ont également permis de sauver la Tour Eiffel puisque les émetteurs radio ont été installés sur le monument. Les communications émises depuis la Tour Eiffel sont devenues stratégiques.

Parmi ces communications, il y avait les horloges. Grâce à la Tour Eiffel, on a réussi à propager le temps par télégraphie sans fil et c’est ce système qui a permis aux bateaux de connaître leur longitude : à l’époque on savait calculer les latitudes, on savait moins calculer les longitudes. Gustave Ferrié est devenu le patron du Bureau des Longitudes qui aujourd’hui encore défini ce qu’est une latitude, une longitude, une position géographique sur la planète. Il est important de savoir cela car c’est le travail de base qui a donné naissance au système de positionnement par satellite américain (GPS), russe (GLONASS) mais aussi chinois (Beidou) et japonais (QZSS).

Évidemment, l’Union européenne a lancé sa propre constellation : Galileo. Il s’agit d’une constellation de satellites lancés depuis Kourou et . Contrairement aux autres États, le système européen est civil, et non militaire même s’ils en ont un intérêt. À ce titre, il y a beaucoup de service qui servent au positionnement, à la synchronisation du temps, … Ces satellites ne donnent pas que la position : ils ont des horloges atomiques très précises qui permettent de calculer le temps entre les satellites et le téléphone par exemple pour en déduire la position. Et donc, ce que nous faisons c’est enregistrer en permanence ces données temporelles que l’on distribue et qui servent entre autres, à avoir une heure très précise, à synchroniser des horloges, notamment de la bourse par exemple. Un défaut de fonctionnement de ces satellites provoquerait un défaut de synchronisation des flux financiers, ou même les fibres optiques transocéaniques puisqu’il faut que l’heure d’arrivée de l’information entre les deux côtés de l’Océan soit la même. Donc ces données temporelles sont vitales.

Ces satellites sont très vulnérables et des pannes sont déjà arrivées, notamment en raison des vents solaires. Mon rôle, au sol, et c’est aussi le rôle des Outre-mer, c’est de pouvoir montrer comment on peut monitorer, suivre, utiliser ces données de positionner pour pouvoir garantir qu’elles sont fiables, stables et ne varient pas dans le temps.

Il faut donc que les Outre-mer y jouent un rôle ? 

On est le seul pays au monde à disposer d’autant de positions stratégiques toutes longitudes. Et quand on voit tous les lancements déployés aujourd’hui, qu’il s’agisse d’État ou d’entreprises privées comme SpaceX, on se rend compte que des choses qui furent accessibles qu’à des grands empires sont de plus en plus accessibles à des entreprises privées. Cela va de soi que grâce aux Outre-mer, la France dispose de points où on peut observer ce qui se passe dans l’espace. Ces données sont importantes d’autant plus que nos territoires sont parmi les plus vulnérables par rapport au réchauffement climatique, aux phénomènes climatiques majeurs, aux menaces sur les ressources halieutiques, au braconnage, à la pêche illégale, à la pollution.

IMG_20170521_213238

Nous avons donc des positions à la fois stratégiques mais aussi fragiles et c’est normal qu’en tant que tel, nous soyons les premiers, les prioritaires à travailler sur ce sujet. Tous les territoires d’Outre-mer ont pour vocation à héberger, à servir de points de suivi et d’observation du ciel et de l’espace. C’est ce que je vais faire sur le Campus de l’Espace à Vernon, et que je fais déjà sur la base aérienne 105. Et il est naturel qu’en tant que Guadeloupéen, je puisse transposer tout cela dans nos territoires. Je serais d’ailleurs à Mayotte en octobre pour pré-déployer un certain nombre de ces dispositifs. Non seulement Mayotte a une position dans l’Océan Indien qui permet de voir des choses qu’on ne verrait pas dans d’autres pays, mais aussi parce que c’est un territoire vulnérable avec la récente éruption volcanique sous-marine.