Notre confrère Guyaweb a publié ce samedi 21 mars une interview du directeur de l’Institut de Pasteur de Cayenne Mirdad Kazanji. Dans cet article, il souligne que l’origine du Covid-19 découvert en décembre 2019 à Wuhan (Chine), provient de la chauve-souris. Propos intéressants lorsque l’on sait que l’Institut Pasteur est très en avance sur le fait de l’ancienneté de ses recherches sur la chauve- souris.
Le réseau mondial des Instituts Pasteur- auquel l’Institut Pasteur de Cayenne appartient-, a récemment confirmé que la chauve souris est bien à l’origine de cette pandémie. «Quand on a obtenu la carte génétique de ce virus, on a comparé le génome de ce virus à ce qui existe dans sa famille. On a comparé toutes les séquences disponibles dans les bases de données pour comprendre la séquence la plus proche. Aujourd’hui on constate que 96 % d’homologie (d’identité) sont proches d’un virus de chauve-souris. On ne connaît pas encore la première personne (le cas index), donc on a émis l’hypothèse que c’est un virus probablement zoonose – virus qui vient des animaux notamment des chauves-souris – qui est passé à l’homme, sans avoir exactement la date» indique le directeur de l’Institut Pasteur de Cayenne à Guyaweb.
Si la transmission de ce virus à l’homme est récente, son existence est toutefois ancienne. « Il existe depuis la nuit des temps chez les chauves-souris, comme d’autres virus que l’on ne connaît pas encore. Il y a sans doute des millions de virus qui ne sont pas encore caractérisés ou connus dans tout le règne animal, pas uniquement les chauves-souris. Avant il était vraiment spécifique aux chauve-souris et maintenant il est capable de rentrer dans la cellule humaine.C’est le chaînon qui nous manque aujourd’hui. Par ailleurs l’on sait que c’est un virus respiratoire qui s’est adapté à l’homme et est capable de rentrer dans la cellule humaine »,ajoute Mirdad Kazanji, directeur de l’Institut Pasteur de la Guyane. « Ce n’est pas un virus inventé, c’est un virus qui existe depuis la vie sur terre, mais la transmission à l’homme est un événement récent», poursuit-il.
L’Institut Pasteur de Cayenne est l’auteur d’une étude Virome sur la diversité virale chez 3 espèces de chauves-souris. Il est également spécialisé dans l’axe de recherche sur la biodiversité des virus et de leurs réservoirs ainsi que sur la compréhension des mécanismes d’émergence et de réémergence qui sont analysés sous des angles génomique, immunologique, protéomique et grâce à la bio informatique.
«Plus l’homme perturbera les écosystèmes naturels, plus il délogera ces virus»
La multiplication de nouvelles épidémies sévères comme le SRAS, l’Ebola, le Maburg-toutes issues de la chauve-souris- sont notamment à prévoir. «Dans l’avenir on risque de voir davantage ce qu’on appelle des maladies émergentes, qui changent d’espèces, qui passeront de l’animal, de la chauve-souris, des mammifères sauvages à l’homme» confie Mirdad Kazanji.
Ce dernier établit un lien entre l’apparition de ces nouvelles formes de maladies et la perturbation de la biodiversité. «Plus on perturbe la nature, plus il y a un risque de transmission des agents pathogènes entre l’animal et l’homme. C’est ce que l’on vit aujourd’hui.»
Des chercheurs de l’université de Berkeley en Californie ont constaté que lorsque l’habitat des chauves-souris est perturbé, elles ont une réaction de stress et répandent encore plus de virus dans leur salive, leurs urines et leurs déjections. C’est là que d’autres animaux peuvent être contaminés et ensuite transmettre la maladie à l’être humain.
Selon le dernier bilan officiel en Outre-mer, le Covid-19 a fait deux victimes parmi 241 personnes contaminées. La Réunion est pour l’heure le premier territoire touché avec 71 cas recensés, suivie ensuite de la Guadeloupe (58 cas).
Dominique Martin-Ferrari