Agnès Buzyn a appelé lundi à bâtir un nouveau plan chlordécone, prévu en 2020, «plus ambitieux», «l’urgence» étant selon la ministre de la Santé l’accès à une alimentation non contaminée par cet insecticide utilisé aux Antilles jusqu’en 1993 et toujours présent dans les sols.
«Nous devons construire un plan encore plus ambitieux (…) ce plan chlordécone, nous voulons le co-construire avec les habitants (…) c’est un impératif», a déclaré la ministre lors de son audition à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête parlementaire sur le chlordécone qui persiste dans l’environnement pendant des centaines d’années.
«Ce que vit la population antillaise est insupportable», a-t-elle estimé mais «si toute la population suit les recommandations, nous avons les moyens d’agir». «L’urgence, c’est le zéro chlordécone dans l’alimentation», a insisté Agnès Buzyn après avoir rappelé que l’insecticide était non seulement «un perturbateur endocrinien mais aussi un cancérogène de niveau 2B» (cancérogène possible) selon la classification de l’OMS.
Elle a détaillé certaines mesures déjà préconisées: «absolument éviter les légumes racines, faire tester son jardin, acheter des légumes et fruits contrôlés», et donc pas ceux vendus sur le bord des routes. Reprenant à l’identique les formulations utilisées par Emmanuel Macron il y a un an à ce sujet, Agnès Buzyn a déclaré que «l’Etat (devait) prendre sa part de responsabilité» dans ce dossier et évoqué «un aveuglement collectif».
Le chlordécone a été interdit aux Etats-Unis dès 1975 et en France en 1990 mais il a été utilisé aux Antilles jusqu’en 1993 en vertu d’une dérogation. «Cette reconnaissance d’une responsabilité collective (…) date d’une époque où la santé publique pesait moins dans les décisions qu’aujourd’hui», a avancé la ministre.
Selon Santé publique France, «plus de 90% de la population adulte» en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone.
Au sujet des conséquences sanitaires, Agnès Buzyn a reconnu qu’il y avait «encore beaucoup à faire pour améliorer nos connaissances» et fait état de nombreux travaux en cours. Exemple: «Nous ne savons pas à partir de quel seuil de présence dans le sang il y a un toxicité avérée de la chlordécone».
La ministre a aussi rappelé un certain nombre de faits déjà établis: incidence sur le développement des enfants exposés pendant la grossesse, augmentation des risques de prématurité notamment.
Concernant le cancer de la prostate, dont l’incidence parmi les populations antillaises est l’un des plus élevés au monde, elle a cité une étude réalisée en Guadeloupe entre 2004 et 2007 qui «a montré un risque plus élevé de survenue du cancer de la prostate». «Les taux d’incidence se situent parmi les plus élevés au monde mais ils sont en diminution», a-t-elle fait valoir.
Sachant qu’une grande partie du territoire susceptible d’avoir été pollué n’a pas été testé, la ministre a souhaité «une vraie cartographie des sols contaminés», en indiquant que cela dépendait du ministère de l’Agriculture.
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Avec AFP