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Pour la centième fois, une fusée Ariane 5 s’élancera mardi du pas de tir de Kourou en Guyane française, une étape symbolique importante pour le lanceur lourd européen soumis à la rude concurrence de l’Américain SpaceX.
Il sera chargé de placer sur une orbite de transfert géostationnaire deux satellites de télécommunications pour trois opérateurs (le géant Intelsat, le Japonais Sky Perfect JSAT et la société azerie Azercosmos).
« Pour ce 100e vol, le lanceur travaille entièrement pour le marché non européen. C’est symbolique du rôle que joue Ariane 5 à la fois à l’export et vis-à-vis des satellites de télécommunications », déclare à l’AFP Stéphane Israël, président exécutif d’Arianespace, société française chargée des lancements. Ce sera aussi le 300e lancement réalisé par Arianespace depuis le premier vol d’une fusée Ariane en 1979. Outre Ariane 5, la société exploite depuis la Guyane française la fusée russe Soyouz et la fusée légère européenne Vega.
En service depuis 22 ans, Ariane 5 est auréolée depuis plusieurs années d’une réputation de fiabilité. Mais l’heure de la retraite approche. Trop coûteuse à produire, pas assez polyvalente, elle va devoir céder peu à peu la place, entre 2020 et 2023, à sa remplaçante Ariane 6, plus adaptée au paysage spatial mouvant et très concurrentiel de ce début de siècle.
Le décollage de la 100e Ariane 5, dans sa version ECA, la plus puissante, est prévu mardi à partir de 18h53 heure de Kourou (21h53 GMT, 23h53 heure de Paris). La performance demandée au lanceur est de plus de 10.800 kg. Jusqu’à présent, Ariane 5 a réussi parfaitement 94 lancements sur 99. Il y a eu deux vrais échecs, deux échecs partiels et en janvier 2018, la fusée a placé sur une orbite dégradée deux satellites mais ceux-ci sont parvenus ensuite à rejoindre l’orbite visée.
Preparations for the 100th #Ariane5 flight marked a key step today at the Spaceport: the heavy-lift vehicle moved to the launch zone for its Sept. 25 dual-payload mission at the service of @INTELSAT, #SkyPerfectJSAT and @AzercosmosOJSCo! #VA243 pic.twitter.com/zEgDfAeM9v
— Stéphane Israël (@arianespaceceo) 24 septembre 2018
Grenouille porte-bonheur
Succédant à Ariane 4, moins puissante, Ariane 5 a connu des débuts difficiles. Lors du vol inaugural en 1996, la fusée explose peu après le décollage. Nouvel échec cuisant en 2002 pour le vol inaugural de la version lourde ECA. « Le moteur n’a pas tenu le choc et la fusée est retombée dans l’océan », raconte à l’AFP Hervé Gilibert, actuel directeur technique d’ArianeGroup, la co-entreprise Airbus-Safran créée en 2014 pour développer Ariane 6. « Nous avons mis trois ans pour redresser la barre », se souvient cet ingénieur qui venait alors de prendre les commandes du programme. « Mais dès notre retour en vol, nous sommes devenus leader mondial sur le marché commercial des satellites » avec cette fusée qui permet notamment des lancements doubles.
La fusée européenne a alors vécu un âge d’or, car pendant des années les lanceurs américains, avec la navette spatiale et l’Atlas, se sont concentrés sur le marché institutionnel domestique. La création de la société SpaceX d’Elon Musk, menant de front lancements institutionnels et lancements commerciaux avec son Falcon 9, a bouleversé le paysage.
L’Europe spatiale a réagi en décidant de construire un lanceur plus compétitif pour résister à l’arrivée sur le marché commercial des lanceurs américains, « qui, parce qu’ils bénéficient de la manne des lancements institutionnels américains, peuvent exercer une pression considérable sur les prix », pointe Stéphane Israël. Le coût de production d’Ariane 6 sera 40% moins élevé que celui d’Ariane 5.
La future fusée européenne, dont le vol inaugural est prévu en 2020, « bénéficiera à l’évidence d’un socle institutionnel européen » indispensable à sa réussite, ajoute Stéphane Israël. En attendant, SpaceX a détrôné Arianespace en nombre de lancements en 2017 et l’écart s’est creusé en 2018. « Nous devons faire face à une concurrence d’une intensité sans précédent », reconnaît le patron d’Arianespace.
D’ici sa retraite définitive en 2023, Ariane 5 devrait être lancée un peu moins d’une vingtaine de fois. « Je pense qu’elle devrait battre d’une courte tête Ariane 4 », qui a connu 116 lancements, indique-t-il.
Mardi, le spatial européen aura les yeux fixés sur elle. Quelques heures avant le décollage, Hervé Gilibert, qui en sera à son 90e lancement Ariane 5 sur 100,se livrera à un petit rituel. « Je caresse toujours une grenouille en bois dans mon bureau avant de me rendre au centre de contrôle », confie-t-il
Avec AFP