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Il y a un an, le 28 février 2017, la Loi Egalité Réelle Outre-mer était publiée au Journal officiel. Votée à l’unanimité par le Parlement à quelques mois de l’élection présidentielle, objet d’un large consensus par-delà les clivages partisans, cette loi part de plusieurs constats. Ericka Bareigts, députée de La Réunion et ancienne Ministre des Outre-mer, avait porté cette loi sous le précédent quinquennat. Un an après de sa publication officielle et dans une tribune publiée au Huffington Post, elle fait le point sur les avancées permises par cette loi et les efforts qui restent à faire pour « être à la hauteur des défis (…) de nos territoires ».
Premier constat : l’Etat déploie les mêmes politiques pour des territoires aussi différents que la Polynésie française, la Martinique ou Saint-Pierre et Miquelon. Les politiques menées, niant les spécificités, sont-elles les plus adéquates possible ? A fortiori, non. La loi initie ainsi une petite révolution : la différenciation des actions de l’Etat en fonction des territoires ultramarins, projet politique initié par le Président Jacques CHIRAC dans la révision constitutionnelle de 2003 mais jamais réalisé dans les faits. Cette nouvelle logique est une grande avancée pour les Outre-mer.
Deuxième constat : il est quasiment impossible pour les TPE et PME, qui constituent 90% du tissu économique des Outre-mer, d’accéder aux marchés publics des collectivités. Comment développer l’emploi et l’activité locale dans ces conditions ? La loi Egalité Réelle Outre-mer garantit désormais à ces entreprises un tiers des marchés publics des collectivités ultramarines. Grâce à ce dispositif, la reconstruction de Saint-Martin pourra par exemple enclencher un cercle vertueux pour le territoire tout entier.
Troisième constat : les jeunes Ultramarins partent étudier dans l’Hexagone, y trouvent leur premier emploi et s’y installent finalement pour toute leur carrière. Les Outre-mer sont donc confrontés à une perte majeure de talents. Comment des chefs d’entreprise peuvent-ils face à ce phénomène recruter et irriguer leur société de nouvelles compétences ? Un dispositif de formation en mobilité avec garantie d’emploi en retour est ainsi expérimenté.
Quatrième constat : les Outre-mer sont à proximité de grandes puissances comme le Brésil, l’Inde ou l’Afrique du Sud mais restent dans une relation exclusive avec l’Hexagone. La loi permet dorénavant le financement d’échanges scolaires et étudiants dans l’environnement régional des Outre-mer : nous devons ouvrir nos territoires à l’international et nous insérer dans nos bassins océaniques.
Ce nouveau cadre juridique pour les Outre-mer permettra d’accroître le développement et l’emploi. Une réelle dynamique économique est déjà là. Les derniers chiffres de l’INSEE montrent qu’entre 2014 et 2015, la valeur ajoutée a augmenté de 259 millions d’euros dans les entreprises réunionnaises, soit + 3,9 % (+ 2,6 % pour toute la France). La création d’entreprises a par ailleurs connu une hausse de 12,2 % en variation annuelle en 2017 à La Réunion. Enfin, le chômage des jeunes, problème majeur pour ce département, est en baisse de 4,4% en 2017 (Pôle emploi).
Les signaux passent au vert mais le retour de la croissance est cependant fragile. Il nous faut tout faire pour ne pas la déstabiliser mais bien la conforter. Or, de récentes mesures suscitent l’anxiété des acteurs économiques locaux. La suppression des Allocations Logement Accession, effective depuis le 1er janvier, pourrait ainsi causer 100 millions d’euros de pertes pour l’économie réunionnaise et la suppression de 2 000 emplois au sein de la filière BTP qui est une des locomotives de l’île. La Fédération des Entreprises des Outre-mer (FEDOM) s’inquiète, quant à elle, de l’évolution du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) qui sera supprimé le 1er janvier 2019. Alors que le coût du CICE dans les Outre-mer notifié par la France à Bruxelles représente 550 millions d’euros, les estimations de Bercy ne s’élèvent que 380 millions. Cette évaluation à la baisse est un premier signal inquiétant dans la préparation du budget 2019. Enfin, les négociations commerciales que la Commission européenne mène avec le MERCOSUR auront un impact sur notre filière agricole qu’il nous faudra anticiper et prendre en compte.
Avec un cadre juridique ainsi renouvelé et une reprise économique prometteuse, les Outre-mer et notamment La Réunion peuvent connaître une croissance soutenue et importante. Il est dès lors essentiel que le gouvernement soutienne cette dynamique. Je suis convaincue que les Outre-mer peuvent être les pionniers d’un nouveau modèle de développement : soyons à la hauteur des défis que sont en train de relever nos territoires !
Ericka Bareigts, députée (Nouvelle Gauche) de La Réunion.