Tribune de Thani Mohamed Soihili: Il faut « appliquer une politique diplomatique ferme à l’attention de l’Union des Comores »

Tribune de Thani Mohamed Soihili: Il faut « appliquer une politique diplomatique ferme à l’attention de l’Union des Comores »

Ce 27 mars, le Ministre des Affaires Etrangères a annoncé que l’ambassadeur des Comores en France a été convoqué la veille au Quai d’Orsay.Lors des questions au gouvernement ce mardi au Sénat, le ministre de l’intérieur Gérard Collomb a confirmé les renforts envoyés à Mayotte et le déploiement de la zone de sécurité prioritaire à Mamoudzou et ses environs. Il a également indiqué que les Comores avaient finalement accepté d’accueillir à nouveau les clandestins renvoyés de Mayotte.

Ce même jour, le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soihili s’est exprimé dans une tribune. Dans ce document, le sénateur de Mayotte Thani Mohamed-Soilihi et l’avocate Nathalie Trousseville appelle le gouvernement français à repenser ses relations bilatérales avec l’Union des Comores.

Tribune de Thani Mohamed Soihili: 

 

Le soulèvement populaire, observé actuellement au sein du 101e département de Mayotte, relance le sempiternel débat sur l’appartenance de cette île à la France, différend qui l’oppose à l’Union des Comores depuis des décennies. Le 22 décembre 1974, à l’occasion d’une consultation d’autodétermination, les habitants d’Anjouan, de Mohéli et Grande Comores ont voté à plus de 95 % pour l’indépendance, tandis que les Mahorais se prononçaient largement pour le maintien au sein
de la République française.

Prenant acte de ce choix, la France a alors décidé de comptabiliser les résultats île par île, conservant ainsi dans son giron le futur jeune département. Cette décision, vivement critiquée, aurait été prise en violation du droit international, et notamment du point 6 de la déclaration du 14 décembre 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples colonisés des Nations unies, qui édicte que l’intégrité territoriale des anciennes colonies doit être préservée. La France aurait ainsi arbitrairement amputé les Comores d’un quart de son territoire se fondant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Accuser la République française d’avoir construit une opposition fictive entre des populations d’un même environnement traduit une méconnaissance manifeste de l’histoire de Mayotte, que l’on fait remonter à tort à 1946 et à la création de cette entité administrative qu’est un Territoire d’outre-mer (TOM).

En réalité, c’est cette opposition originelle entre les îles composant l’archipel qui a conduit les Mahorais, régulièrement victimes de razzias depuis le XIIIe siècle, à réclamer la protection de la France. Le monarque malgache de Mayotte, Andriantsoly, lui a cédé l’île en 1841, afin de mettre un terme à la guerre que se livraient les « sultans batailleurs ».

D’ailleurs, preuve s’il en fallait, l’Union des Comores a de nouveau et durablement sombré dans l’instabilité et la violence dès la déclaration de son indépendance. S’il est difficile d’établir une définition satisfaisante de l’idée de nation, on peut considérer qu’elle trouve sa source dans un ensemble complexe de liens qui fondent le sentiment d’une appartenance commune et la volonté de vivre ensemble. Force est de constater que cette volonté n’a jamais existé entre Comoriens et Mahorais.

On affirme également commodément que les habitants de ces quatre îles parleraient la même langue, auraient la même culture, la même religion, la même histoire. Pourtant, il n’en est rien. En effet, durant près d’un demi- siècle, Mayotte est restée, dans l’archipel, la seule île sous souveraineté française. Paris n’a établi son protectorat sur Mohéli qu’en 1886, et ne s’est
installée à Anjouan et en Grande Comores qu’en 1892. De plus, le shimaoré, parlé majoritairement sur l’île est une langue bantoue, apparentée au swahili, qui rapproche tout autant les Mahorais des habitants de la côte Est africaine que de ses voisins comoriens. La seconde langue vernaculaire de l’île est un dialecte malgache, le shibuchi, qui ne seretrouve nulle part ailleurs aux Comores.

Autre différence fondamentale, à Mayotte, où la culture africaine matriarcale est également venue teinter d’animisme la pratique religieuse, les Mahorais ont traditionnellement une lecture du Coran qui s’accorde avec les lois de la République. La situation explosive de Mayotte est aujourd’hui intimement liée à la pression migratoire insoutenable venue des Comores, et qui impacte lourdement l’éducation, la justice, la sécurité, la santé ou encore le logement.

L’Union des Comores s’oppose aux expulsions de ses ressortissants en refoulant les navires de migrants renvoyés de Mayotte sous le prétexte fallacieux qu’ils y seraient chez eux. Sa revendication de souveraineté est inadmissible et venant d’un autre pays serait perçue comme un acte de défiance intolérable à l’égard de la France.

Cette crise systémique, qui dure depuis six semaines maintenant, offre à la République Française une occasion historique de mettre un terme à cette situation et d’appliquer une politique diplomatique ferme et exigeante à l’attention de l’Union des Comores et faire ainsi cesser leurs provocations régulières, rendant aujourd’hui impossible la mise en œuvre d’une coopération équilibrée et d’un dialogue apaisé.

Le gouvernement actuel se trouve contraint de repenser, en pleine crise, les relations bilatérales entre la France et l’Union des Comores, qui ont, on doit l’observer, rarement été envisagées par le Quai d’Orsay dans un sens tenant compte des réalités historiques et de la volonté souveraine de la population mahoraise.