Tribune de David Lorion, député de La Réunion : La fin programmée des « Logements évolutifs sociaux » par le gouvernement : Chronique d’une mort annoncée

Tribune de David Lorion, député de La Réunion : La fin programmée des « Logements évolutifs sociaux » par le gouvernement : Chronique d’une mort annoncée

©DR / David Lorion

Dans une tribune , le député (LR) de La Réunion, David Lorion, met en garde sur les « conséquences locales désastreuses en termes sociales et économiques » de la « fin programmée par le Gouvernement » des Logements Evolutifs Sociaux à La Réunion.

C’est la fin de la « Kaz a ter » !  De nombreuses familles sont en train de vivre la fin d’un rêve suite à la mise en œuvre de l’article 126 de la loi de finances dans le cadre de la réforme des aides personnelles au logement (APL, ALF et ALS) qui supprime l’allocation logement pour les dispositifs d’accession à la propriété et à l’amélioration de l’habitat et de location accession. Cette mesure est effective pour tous les prêts signés à compter du 1er janvier 2018.

Hier soir, lors d’une réunion de travail avec les membres du cabinet de la ministre des outre-mer, j’ai encore plaidé la nécessité de la prise en compte de la réalité ultra-marine et de la désespérance des familles qui sont en attente de l’acquisition ou de la réparation d’un logement social. La porte n’est plus entièrement fermée mais nous devons tous nous mobiliser pour l’ouvrir à nouveau. Nous nous sommes déjà battus, bailleurs sociaux, élus et députés lors du débat sur le vote des missions outre-mer et lors les nombreux courriers envoyés à la Ministre. Pour le moment rien n’a fait reculer le Gouvernement, mais je veux croire que la partie n’est pas terminée et qu’ensemble nous pouvons convaincre d’une modification de cette trajectoire.

Depuis plus de trente ans, les différents gouvernements avaient réussi à maintenir un dispositif d’aides visant à permettre aux familles à faible revenu d’acquérir un bien ou de le rénover. Le système avait été actualisé en 1997 avec les aides pour la réalisation de « logements évolutifs sociaux » (LES) visant l’accession sociale à faible coût et les aides pour l’amélioration de l’habitat (AH). En 2015, le Plan logement outre-mer marquait la volonté de l’Etat de continuer à lutter contre l’habitat indigne et le développement de l’accession très sociale à la propriété. La nouvelle politique menée par le Gouvernement actuelle marque un coup d’arrêt à ce rêve d’accession à la propriété qui devenait bien souvent réalité pour des Réunionnais modestes. Je considère qu’il s’agit d’une véritable régression sociale.

Les aides (ALF et ALS) permettaient aux familles d’être solvables pour l’obtention des prêts complémentaires (PCLES), aux subventions de l’Etat (LES et Amélioration de l’Habitat). Ces aides sont indispensables pour les ménages défavorisés lors de la construction des LES, de l’amélioration lourde de l’habitat, de l’accession sociale par la vente de logements locatifs anciens (anciens LTS, anciennes locations). Cette situation est intenable dans les opérations d’aménagement en cours et dans la mise en œuvre des PILHI par les communautés d’agglomération. Cette application sans délai de mise en œuvre pénalise des familles très modestes dont 30% ont des ressources inférieures à 514€, 71% ont un revenu inférieur au Smic et qui par conséquent ne pourront plus assurer le financement complémentaire à la subvention de l’Etat.

©Gouv.fr

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C’est un très mauvais calcul macroéconomique pour l’Etat car en 2017, pour le département de La Réunion, la dépense annuelle sur les nouveaux prêts complémentaires PCLES, c’est-à-dire pour environ 700 prêts débloqués pour 28.766 M€ avec une allocation logement accession solvabilisée à hauteur de 62% en moyenne, est de l’ordre de 1.82 M€/an. C’est l’économie annuelle de la suppression de l’AL accession pour la Réunion. Ceci alors que les recettes attendues sur 40 M€ de travaux que généreraient la totalité des prêts débloqués avec une TVA réduite à 2.10% représente pour l’Etat une recette de 0.840 M€. En comptabilisant les autres rentrées fiscales liées à l’activité économique et aux taxes foncières, le maintien de ces allocations dans les DOM garantie une politique très sociale de l’accession au logement, un accompagnement du secteur économique, sans coût supplémentaire pour l’Etat.

Au-delà des familles, la suppression de ces allocations logements est un choc psychologique mais elle se traduira aussi par la disparition et la remise en cause de toute une filière reconnue mise en place depuis 30 années. Je rappelle que cela représente 90% de l’activité du PACT, de la SICA REUNION, de SUD HABITAT CONSEIL et de BOURBON BOIS. Certaines de ces entreprises ont plus de 60 années d’existence. C’était une activité qui se traduisait par le montage de 450 à 600 projets individuels d’accession très sociale et d’amélioration lourde de l’habitat, de 50 à 150 ventes de logements locatifs par an à leurs locataires, et de 50 logements en location-accession. C’est aujourd’hui de 30 à 40 M€/an d’investissements en moins dans le BTP par an, plus de 900 emplois directs et plus de 300 petites entreprises du bâtiment qui sont privées d’un marché qui étaient le plus souvent l’apanage des entreprises réunionnaises.

Je suis pour ma part particulièrement inquiet pour la promotion de la diversité et la mixité de l’habitat dans des quartiers prioritaires PNRU de la politique de la ville dans les six communes de La Réunion (Le Port, Saint-Denis, Saint-Benoit, Saint-André, Saint-Louis et Saint-Pierre). A Bois d’Olives, la mairie est en train de préparer la signature de la convention de financement dans laquelle les élus avaient insisté pour que soient réalisées des maisons individuelles à côté des collectifs sociaux, c’est une remise en cause profonde du projet et de ses objectifs.

Nous n’avons pas besoin de grands débats pour nous apercevoir que cette politique n’est justifiable économique, ni supportable humainement. J’en appelle encore une fois à la mobilisation de l’ensemble des parlementaires toutes tendances politiques confondues au côté des organisations (Actions Logements, CNL, Fédérations SOLIHA,..) qui se sont au cœur de ce sujet touchant directement des familles réunionnaises afin de rentrer dans un dialogue constructif avec la Ministre des outre-mer et le Premier Ministre lors de sa prochaine visite à La Réunion.