Le 1er août dernier, le président de la Région Guadeloupe Ary Chalus a souhaité poser les bases de son plan de transport durable avec la mise en place notamment de « bus de mer ». Une première ligne maritime reliant plusieurs points de l’agglomération pointoise pourrait voir le jour d’ici la fin de l’année.
Face à un service de transports en commun souvent décrié (attente interminable, irrégularité des horaires), les Guadeloupéens sont de plus en plus nombreux à utiliser la voiture comme moyen de mobilité. En effet, le taux d’équipement des ménages en automobiles a augmenté de 58,0 % à 67,4 % entre 1999 et 2011. Conséquence : la majorité des déplacements sont réalisés en voiture, conduisant ainsi à une saturation du réseau routier aux heures de pointe autour de l’agglomération pointoise par exemple. Pour remédier à cette situation, la collectivité régionale effectue régulièrement des travaux de réaménagement sur ces axes routiers afin de fluidifier la circulation.
Elle envisage aussi d’autres modes de transports comme la mise en place de navettes maritimes. Depuis une dizaine d’années, ce sujet est souvent remis sur la table en Guadeloupe et a fait l’objet de nombreuses études. Elle semble aujourd’hui entrer dans une phase concrète. Après une rencontre avec le président et le directeur du Grand Port Caraïbes, Philippe Kalil et Yves Salaun, le Président de la Région Guadeloupe a annoncé « l’acquisition de deux navires ainsi que les procédures réglementaires, et parallèlement travaille avec le Port à la planification des éventuels travaux d’infrastructures pour les arrêts », pour la création d’un bus de mer «Petit cul-de-sac marin » reliant différents « hotspots » : le MACTe (Mémorial Acte), l’Université, Bergevin et Jarry, d’ici la fin de l’année. Pour la collectivité, Le projet de « Bus de mer » repose sur une évidence que suggère la carte de l’archipel. Les principales destinations des déplacements vers la zone urbaine sont : l’aéroport, la zone de Jarry, le CHU, l’université et le centre de Pointe-à-Pitre, situés de part et d’autres du Petit Cul-de-Sac Marin. Des consultations seront également prochainement menées pour préfigurer les lignes maritimes du « Grand cul-de-sac marin » qui relieront le Nord Grande-Terre et le Nord Basse-Terre, à l’agglomération centre.
Quels impacts en Guadeloupe?
Quels horaires d’embarquement? Quelles fréquences de rotations? Qui seront les usagers de ces navettes? Quels prix pour ce service? Autant de questions auxquelles la collectivité régionale de Guadeloupe devra répondre. Si la mise d’un bus de mer desservant le MACTe (Mémorial Acte), l’Université, Bergevin et Jarry semble efficace, quelle place auront les mini-bus et autres taxis collectifs qui assurent actuellement ces dessertes dans cette nouvelle organisation du transport? Ces nouvelles lignes maritimes permettront-elles réellement de résorber les surcharges du réseau routier?
En 2015, une étude menée par l’ORT (Observatoire régional des Transports) intitulée « Recensement des pré-requis à la mise de place de navettes maritimes dans les deux Culs-de-sac marins de la Rivière Salée » dressait un constat en demi-teinte de ce type de transports. Pour son enquête, 4 itinéraires interurbains ont été retenus vers Pointe-à-Pitre / Jarry, à partir de : Saint-Rose, de Port-Louis, Goyave / Petit-Bourg, Sainte-Anne / Gosier.
Selon les résultats de l’évaluation socio-économique, l’Observatoire régional des Transports soulignait la difficulté de rentabiliser un tel projet. Elle dressait comme conclusion que « l’impact sur la congestion routière reste modeste, le report modal vers le maritime étant faible. Le service maritime de l’axe de la Riviera(Gosier/Sainte-Anne), axe présentant les plus forts enjeux, concerne 1 000 personnes (aller-retour) à comparer aux 40 000 déplacements par jour sur l’axe de la RN4(Gosier/Sainte-Anne).
Pour être rentable, l’organisation de navettes maritimes devra être sans faille en terme de régularité, de disponibilité pour pousser les Guadeloupéens à privilégier ce type de transport au profit de leur voiture.
Un transport intermodal qui a déjà fait ses preuves en Outre-mer
Confrontée aux mêmes problèmes de saturation d’axe routier que la Guadeloupe, la Martinique s’est tournée également vers les navettes maritimes « La seule liaison interurbaine maritime notable en terme d’organisation en Martinique est celle reliant les Trois-Ilets à Fort-de-France. Deux compagnies permettent le transport quotidien de près de 3 000 passagers. » soulignait une étude de l’IEDOM sur le développement urbain et interurbain en Martinique en 2007. Après un an d’attente, une nouvelle liaison maritime entre Fort-de-France et la ville de Case-Pilote a été lancée il y a trois mois. Toutefois, l’IEDOM révélait déjà un faible développement du transport collectif maritime en raison de « l’absence d’une autorité organisatrice pour ce type de transport ». « En effet, le cadre législatif actuel ne désigne pas explicitement une personne publique légitimement compétente en matière d’organisation du transport public maritime », précisait l’étude.
La Nouvelle-Calédonie est également en pleine phase d’expérimentation d’une mise en place d’une navette maritime entre la commune du Mont-Dore et Nouméa. Ce système de transport avait révélé son utilité en novembre 2016, au moment des épisodes de blocages récurrents qu’ont connus les habitants sur la RP1, à hauteur de la tribu de Saint-Louis. Cependant, ce projet de relier le Vallon-Dore, au Mont-Dore, et la baie du Port-Despointes à Nouméa est dans les cartons depuis 2008. Le Syndicat mixte des transports urbains (SMTU) a lancé, fin mars, un sondage auprès de certains habitants de la commune, afin de connaître leurs attentes sur ces futures navettes maritimes.