Référendum en Nouvelle-Calédonie : Le sénateur Pierre Frogier appelle à « bâtir une solution institutionnelle (…) dans la France »

Référendum en Nouvelle-Calédonie : Le sénateur Pierre Frogier appelle à « bâtir une solution institutionnelle (…) dans la France »

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Dans une tribune, le sénateur Pierre Frogier (LR), non indépendantiste, appelle naturellement à se mobiliser pour le « non » à l’indépendance lors du référendum en Nouvelle-Calédonie, ce dimanche 4 octobre. Il appelle à « construire une Nouvelle Calédonie multiple mais indivisible en nous appuyant sur la différenciation provinciale et culturelle », passant par « une solution institutionnelle (…) dans la France ». Sa tribune ci-dessous. 

CONSTRUIRE NOTRE AVENIR EN COMMUN DANS LA FRANCE

« A liberté, égalité, fraternité, j’ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit. » – Aimé CÉSAIRE.

Le 4 octobre prochain aura lieu le deuxième référendum d’autodétermination de la Nouvelle Calédonie, prévu par l’Accord de Nouméa. Les résultats du premier référendum sont clairs. S’ils confirment qu’il n’y a pas de majorité pour l’indépendance, ils reflètent cependant une triple fracture politique, ethnique et géographique de la Nouvelle Calédonie et nous ramènent aux clivages d’il y a trente ans : Il y a deux Calédonie qui cohabitent mais qui ne se projettent pas de la même manière dans l’avenir. Ainsi malgré les progrès réalisés durant ces 30 dernières années, nous sommes dans une impasse.

Alors que nous devons nous mobiliser, dimanche, pour que le NON l’emporte largement je crains que ce résultat n’ouvre aucune perspective et ne soit porteur d’aucune solution car aucun des deux camps ne se soumettra aux positions de l’autre. Ces référendums à répétition enferment notre avenir dans des logiques identitaires et agrègent les populations en camps opposés, avec deux communautés crispées sur des bases ethniques, partisanes et territoriales.

Cette logique binaire exacerbe les tensions et obère notre avenir. On peut même craindre que ces échéances électorales réitérées nous condamnent à un affrontement qui brisera le fil ténu du dialogue. Mes convictions gaullistes m’ont appris à regarder comme inquiétantes des prises de position qui se fossilisent. Sous les postures partisanes couvent les rancœurs et les violences. D’autant que cette succession de référendums sape la valeur et la solennité du vote. Un vote qui, de surcroit, se déroule sur une base électorale tronquée.

Voilà 10 ans je tentais de convaincre sans succès, il est vrai, qu’en répondant OUI ou NON à l’indépendance, nous ne réglerions pas les problèmes humains, identitaires, économiques et politiques de la Nouvelle Calédonie. Car le référendum tranche ce qui mérite d’être débattu.

Certes depuis la signature des accords de Matignon, la Nouvelle-Calédonie vit un processus exemplaire. Après la violence des affrontements, malgré les fractures, les blessures et les deuils, nous avons choisi le chemin de la réconciliation, de la paix et du rééquilibrage. Et dix ans plus tard, nous avons décidé de confirmer ce choix. L’Accord de Nouméa est venu prolonger cette volonté de construire, ensemble, notre avenir et nous avons appris à additionner nos différences, en reconnaissant les droits du peuple kanak.

Depuis 2010, et à mon initiative, le drapeau identitaire kanak flotte aux côtés du drapeau tricolore au fronton de nos institutions, dans un geste de reconnaissance mutuelle des deux légitimités historiques qui cohabitent et structurent la société calédonienne. Nos institutions fonctionnent. Elles incarnent notre spécificité de collectivité « sui generis » au sein de la République française avec une très large autonomie de gestion, dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Nous pouvons être légitimement fiers de ce parcours, qui constitue « l’exception calédonienne ». Je me réjouis, avec la jeune génération qui se lève, de tous les progrès accomplis depuis l’Accord de Nouméa.

Mais je veux tout faire pour empêcher que ces référendums binaires et brutaux ne viennent anéantir tout ce que nous avons patiemment construit depuis près de trente ans. Car la Nouvelle Calédonie ne doit plus être considérée comme « un caillou » dans la chaussure par le pouvoir en place.

C’est pourquoi la République ne peut plus se satisfaire de l’inaction de l’État. Comme ce fut le cas en 1988 et 1998, l’État doit nous aider à reprendre une œuvre de fond que nous avons collectivement délaissée au profit de la gestion respectable certes, mais finalement insuffisante, d’impératifs économiques et sociaux plus immédiats. Cette œuvre de fond nous obligera à conjuguer respect de la démocratie locale, intérêt de la France et respect des communautés. Sachons construire une Nouvelle Calédonie multiple mais indivisible en nous appuyant sur la différenciation provinciale et culturelle.

Non, il n’y a pas d’un côté le jacobinisme centralisateur et de l’autre le séparatisme. Oui, c’est vrai, sur cette terre calédonienne, la « francité » n’a pas le même sens. On n’est pas français à Nouméa comme on l’est à Paris, à Lille ou à Marseille ! Mais l’indépendance, la rupture avec la France, serait une absurdité, comme Michel Rocard, en son temps, le soulignait. Nous sommes une terre multiple du point de vue de nos identités mais indivisible.

C’est ce projet de société que je veux contribuer à construire. J’en ai assez de me battre contre l’indépendance. Je voudrais, enfin, me battre pour quelque chose, et en l’occurrence, pour bâtir une solution institutionnelle, de long terme, pour la Nouvelle-Calédonie et ce sera nécessairement dans la France.

Nous pouvons tout imaginer si nous le voulons. Et j’ai la conviction que nous pouvons être français ensemble, en valorisant et assumant nos différences, mais en les sublimant dans notre appartenance commune. La solution aux problèmes complexes de la Nouvelle-Calédonie se construira, non pas par le recours au référendum, mais par l’intelligence collective de ses habitants sans distinction. Être prisonnier du passé, c’est refuser d’affronter la réalité. L’exigence qui nous oblige est d’investir l’avenir.