Référendum en Nouvelle-Calédonie : Dialogue en panne à un mois du scrutin

Référendum en Nouvelle-Calédonie : Dialogue en panne à un mois du scrutin

Mobilisation des indépendantistes et coutumiers contre la vente de l’usine Vale NC à l’Australien New Century Ressources ©Réseaux sociaux

Le dialogue entre l’État, les loyalistes et les indépendantistes kanak, outil depuis plus de trente ans du maintien de la paix en Nouvelle-Calédonie, est au point mort à un mois du deuxième référendum sur l’indépendance prévu le 4 octobre.

« Il n’existe pas d’autre chemin que celui du dialogue pour assurer que le destin de la Nouvelle-Calédonie se réalise dans la paix », peut-on lire en conclusion d’un document rendu public la semaine dernière par l’État sur les implications du « oui » ou du « non » à l’indépendance.

A l’évidence, ce dialogue est pourtant inexistant à un mois du deuxième référendum sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, organisé dans le cadre du processus graduel de décolonisation de l’accord de Nouméa (1998). « Je pense que nous sommes revenus 40 ans en arrière », souligne l’historien Louis-José Barbançon.

Après plusieurs années de violences meurtrières entre indépendantistes kanak et loyalistes « caldoches », dont la tragédie de la grotte d’Ouvéa -21 morts- fut le point d’orgue en mai 1988, la Nouvelle-Calédonie a renoué avec la paix depuis les accords de Matignon (26 juin 1988) puis celui de Nouméa (5 mai 1998). Signés entre l’État, les indépendantistes du FLNKS et les non indépendantistes, ces accords ont pour matrice l’émancipation politique et économique de l’archipel.

« La décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps », stipule le préambule de l’accord de Nouméa. Comme prévu par ce processus, un premier référendum a eu lieu le 4 novembre 2018 et a été remporté par les partisans de la France, avec 56,7% des suffrages. En cas de nouveau rejet de l’indépendance le 4 octobre prochain, un troisième scrutin référendaire est encore possible d’ici 2022.

En 2018, « un groupe de dialogue sur le chemin de l’avenir » placé sous l’égide du Premier ministre Édouard Philippe et destiné à esquisser « l’après accord de Nouméa » avait abouti à l’écriture d’une « charte des valeurs calédoniennes » et à un « bilan politique partagé de l’accord de Nouméa ». A droite, seuls les dirigeants du parti Calédonie ensemble (CE, centre droit), alors majoritaire, avaient apposé leurs signatures sur ces documents tandis que les loyalistes proches des Républicains avaient quitté avec fracas l’instance de dialogue.

Meeting de campagne des "Loyalistes" dans un parc de Nouméa en juillet ©Le Rassemblement-LR

Meeting de campagne des « Loyalistes » dans un parc de Nouméa en juillet ©Le Rassemblement-LR

Désormais unis sous la bannière « L’avenir en confiance » (AEC), ce courant, solidement arrimé à droite, est sorti vainqueur des élections provinciales de mai 2019, qui ont débouché sur une radicalisation du débat et un renforcement de sa bipolarité. Le parti s’est en outre allié à d’autres mouvement d’une droite plus dure afin de mener campagne, avec notamment l’antenne locale du Rassemblement national.

Ainsi depuis plusieurs mois, la préparation du scrutin du 4 octobre est une litanie de polémiques sur l’élaboration du corps électoral, le choix de la date, l’usage autorisé par l’État du drapeau tricolore pour la campagne officielle, en dérogation au code électoral, ou encore les inscriptions dans les bureaux de vote décentralisés. D’autres sujets hors référendum, comme les réponses politiques et économiques à la crise du covid-19, font aussi l’objet d’une campagne plus cristallisée par rapport à 2018. « Plus on radicalise, plus on entre dans un engrenage qui empêche de renouer le dialogue entre indépendantistes et non indépendantistes », a récemment mis en garde le député Philippe Dunoyer (UDI-Calédonie ensemble).

L’un des derniers écueils en date est le document diffusé vendredi dernier par l’État sur les conséquences du « oui » et du « non ». Le texte, laconique et didactique, est pratiquement identique à celui diffusé en 2018 alors qu’il avait été prévu de l’étoffer. L’Avenir en Confiance s’est félicité que « l’État dise le droit » alors que le FLNKS, qui prône une indépendance avec partenariat, a dénoncé « un réchauffé d’un État partial ». La question de la citoyenneté en cas de victoire du oui fait aussi débat.

L’ultra-sensible sujet du nickel, dont l’île détient un quart des ressources mondiales, s’est en outre greffé à ces tensions, avec le retrait du géant Brésilien Vale, qui veut vendre son usine métallurgique et son richissime gisement de Goro à un groupe australien. Indépendantistes et coutumiers kanak s’opposent à cette transaction, qualifiée de « bradage du patrimoine minier ». Ils ont appelé à la mobilisation sur le terrain. De son côté, une trentaine d’élus du Congrès ont demandé une audition des principaux acteurs du dossier et un report de cette vente après le référendum.

Avec AFP.