Depuis l’annonce depuis quelques semaines de la proposition de rachat de Vindemia, filiale du Groupe Casino dans l’île par le Groupe Bernard Hayot, les réactions et inquiétudes ont été nombreuses autour d’un possible « monopole » qui pourrait se faire autour du Groupe GBH. Quelques parlementaires et quelques syndicats s’étaient inquiétés de la situation.
D’une même voix, les Présidents de la Région et du Département ainsi que par les sénateurs et députés de l’île, demandent au président de la République que le travail du Délégué à la Concurrence en outre-mer porte ses fruits, et sollicite son intervention « lutter contre les situations de rente, de position dominante et de monopole », conformément à ses engagements. La rédaction d’Outremers360 publie la lettre en intégralité.
« Lettre à Monsieur le Président de la République
La Réunion a besoin de vous
La Réunion présente une situation économique et sociale particulière, contrastée et souvent paradoxale. Malgré les indicateurs économiques qui démontrent le dynamisme du territoire (taux de croissance, taux de création des entreprises, niveau des investissements publics), il coexiste une situation sociale dégradée (seuil de pauvreté intolérable, chômage élevé, moral et confiance des ménages en berne, baisse du pouvoir d’achat).
Notre modèle économique ne peut plus perdurer en l’état. Il ne peut plus être admis qu’une partie de la population réunionnaise se retrouve dans une situation d’extrême fragilité, car celle-ci concourt à un profond sentiment d’inégalité en nourrissant une colère sourde.
Nous devons construire, ensemble, élus politiques, citoyens et acteurs économiques, un modèle de développement au bénéfice du territoire et en particulier de notre jeunesse pour que perdure notre vivre-ensemble.
Aujourd’hui, l’annonce du rachat de Vindemia (29 % de parts de marché, 620 millions € de CA) – filiale de Casino sur l’Ile de La Réunion par un groupe déjà largement implanté sur le territoire réunionnais, franchisé Carrefour en Outre-mer est une corde de plus à un arc déjà chargé : grande distribution, importation, bricolage, automobile, loisirs, restauration rapide. Cette opération pourrait accentuer la pression sur le portefeuille des réunionnais en portant à plus de 25% leurs seuils de dépenses auprès d’un acteur unique.
Il est important que l’autorité indépendante de la concurrence étudie avec attention l’impact de ce rachat sur l’économie locale, et le secteur de la grande distribution en particulier. Doivent être évaluées les conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages réunionnais, sur les filières de production locale et sur le risque de quasi-monopole économique territorial.
La récente crise des Gilets Jaunes nous a rappelé le cri des Réunionnais demandant plus d’équité et revendiquant le droit de ne plus se sentir « enfermés dehors » selon l’expression réunionnaise.
Notre île, isolée dans l’océan indien, a besoin pour que son système économique fonctionne, d’une concurrence saine, diverse, ouverte sur la liberté de choix dans le cadre de véritables émulations et inventivité.
Monsieur le Président, lors de votre discours de restitution des Assises des Outremer le 29 juin 2018, vous nous aviez assuré de votre engagement de « poursuivre le travail d’assainissement de l’économie qui passe par plus de concurrence et donc une baisse des prix, par l’ouverture de l’économie. (..)
Soyons lucides ! (…) nous avons aussi collectivement organisé la vie chère par un système d’économies de rente qui dans chacun des territoires fait qu’il n’y a pas de véritable offre concurrentielle. »
De plus, nous souhaiterions aussi voir aboutir le travail du Délégué à la Concurrence en Outre-mer nommé en décembre 2018 et de celui du rapporteur qui dans son document remis en juin 2019 à l’Observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion dénonçait un modèle « entretenant un niveau élevé des prix de vente aux consommateurs et sans véritable pluralisme et diversité ».
Nous savons pouvoir compter sur votre écoute pour agir dans l’intérêt des réunionnais. Nous avons confiance en votre capacité à intervenir pour lutter contre les situations de rente, de position dominante et de monopole conformément à vos engagements.
Un autre monde est possible à l’instar du marché concurrentiel des télécommunications à La Réunion, où le consommateur a le droit inaliénable de choisir son opérateur.
C’est la raison pour laquelle, nous sollicitons l’Etat pour accompagner les élus locaux afin que des solutions soient posées dans l’intérêt seul et unique des réunionnais et du développement harmonieux et équilibré du territoire.
Nous comptons sincèrement sur votre attention et votre soutien.
Veuillez, Monsieur le Président de la République, recevoir nos respectueuses salutations ».
Le Président du Conseil Départemental, Cyrille Melchior
Le Président de Région, Didier Robert
Les députés Nathalie Bassire, Ericka Bareigts, Huguette Bello, Nadia Ramassamy, David Lorion, Jean-Luc Poudroux, Jean-Hugues Ratenon
Les sénateurs Nassimah Dindar, Viviane Malet, Michel Dennemont, Jean-Louis Lagourgue