©Marc Le Chelard / AFP
Vingt-cinq listes sont en compétition pour les élections provinciales du 12 mai en Nouvelle-Calédonie, qui ouvrent l’ultime mandat de l’accord de Nouméa, a indiqué jeudi le haut-commissariat de la République.
Ce scrutin intervient six mois après le référendum d’autodétermination du 4 novembre 2018, aisément remporté par les non indépendantistes (56,7%) mais avec un score toutefois nettement inférieur à leurs attentes et aux prévisions des sondages. Dans le cadre du processus de décolonisation en cours encadré par les Accords de Matignon-Oudinot puis Nouméa, un deuxième référendum d’autodétermination pourrait avoir lieu en 2020, suivi, si la réponse est à nouveau négative, d’un troisième en 2022. Les équipes élues le 12 mai auront ainsi la lourde charge de négocier avec l’État la sortie de l’accord de Nouméa (1998) et l’instauration d’un nouveau statut.
Selon un mode de scrutin proportionnel à un tour, les électeurs vont renouveler les 76 élus des assemblées provinciales : 40 dans la province Sud, 22 dans celle du Nord et 14 dans la province des îles Loyauté. 54 de ces 76 élus siègeront également au Congrès de façon proportionnelle aux assemblées de province. C’est ensuite le Congrès qui élit les membres du gouvernement collégial. Actuellement les non indépendantistes ont la majorité au Congrès (29 sur 54). Chaque liste doit avoir au moins 5% des votes des électeurs inscrits dans chaque province pour espérer un siège à l’assemblée. Comme pour le référendum, le corps électoral provincial est restreint : arrêté à 169 617 personne, sa version définitive est attendue demain, après examen des recours.
11 listes dans le Sud, 6 dans le Nord et 8 dans les Îles
Le nombre de listes reflète la désunion de l’échiquier local, notamment dans le Sud, où se trouve Nouméa et 75% de la population et où pas moins de 11 listes sont en compétition. Pour la droite non indépendantiste, l’équipe sortante de Calédonie Ensemble (CE), incarnant une droite sociale et réformiste, a face à elle une liste regroupant les mouvances LR, L’Avenir en confiance, partisan d’une ligne plus libérale et sécuritaire.
La campagne de CE, principal parti non indépendantiste, est perturbée par des ennuis judiciaires. Tête de liste, le député Philippe Gomes a été mis en examen début avril pour prise illégale d’intérêt tandis qu’une enquête portant sur des soupçons d’emplois fictifs vise plusieurs cadres du parti. Le Rassemblement National est également en lice, mais le parti de Marine Le Pen, peu implanté, n’a plus d’élu dans les assemblées calédoniennes depuis 2009.
Côté indépendantiste, le FLNKS, rassemblant les principaux partis indépendantistes, est parvenu à faire une liste unitaire dans le Sud, mais a peiné à renouveler ses leaders. Élu depuis 30 ans, Roch Wamytan tire la liste, suscitant des controverses internes. Une kyrielle de petites formations, dont certaines sont nées durant la campagne sont aussi sur les rangs dont un parti écologiste, une formation communautaire de Wallisiens et Futuniens, des indépendantistes radicaux, comme le Parti Travailliste et le LKS, et une liste issue de la société civile.
Dans les provinces du Nord et des îles Loyauté, majoritairement kanak et gérées par les indépendantistes, six et huit listes se sont lancées. Les deux poids lourds du FLNKS, l’Union Calédonienne et l’UNI-Palika, partent chacun sous leur bannière mais ont promis une bataille à fleurets mouchetés. A droite, CE et l’Avenir en confiance ont tenté de s’unir, avant que les pourparlers tournent au vinaigre. Chacun part finalement de son côté. Face aux mastodontes de la vie politique locale, le Mouvement Néo-indépendantiste et souverainiste (MNIS) a réussi à constituer une liste pour chaque province, et dont deux seront menées par des femmes : Axelle Normandon dans le Nord et Germaine Nemia Bishop pour les Îles.
« Ultime baromètre avant les deux derniers référendums »
Selon Pierre-Christophe Pantz, docteur en Géopolitique des territoires Kanak, « l’élection provinciale constituera l’ultime baromètre avant les deux derniers référendums ». « Le camp indépendantiste, galvanisé par le résultat du « OUI » au référendum (…) compte surfer sur cette dynamique afin d’inverser les équilibres politiques au sein des institutions de l’archipel ». Actuellement, les indépendantistes occupent 22 sièges au Congrès et pour actionner les 2ème et 3ème référendums, l’Accord de Nouméa prévoit au minimum l’aval de 18 élus de l’institution. Ce qui semble jouable pour les indépendantistes qui ont revendiqué leur souhait d’aller vers ces référendums dès le lendemain du 4 novembre.
« Il semble assez probable que les résultats du référendum auront une influence considérable sur ce scrutin provincial », prévoit encore Pierre-Christophe Pantz, dans une contribution au Laboratoire de recherche juridique et économique de l’Université de Nouvelle-Calédonie. « Les questions institutionnelles référendaires risquent donc d’animer la campagne provinciale, au détriment des questions de gouvernance locale », estime-t-il encore.
Avec AFP.