Le colonel Azali Assoumani, proclamé vainqueur par les résultats provisoires des présidentielles annoncés ce vendredi ©Ibrahim Youssou / AFP
Le colonel Azali Assoumani, ex-putschiste, a été élu président des Comores à l’issue du second tour de la présidentielle disputé dimanche, selon les résultats provisoires rendus publics vendredi par la Commission électorale. Des doutes entourent cependant cette victoire et le candidat sortant, Mohamed Ali Soilihi, a saisi la Cour constitutionnelle qui devra se prononcer sur des irrégularités observées le jour du scrutin.
Le colonel Azali Assoumani, 57 ans, qui était soutenu par l’ancien président et toujours très populaire Ahmed Abdallah Sambi (2006-2011) obtient 40,98% des suffrages. Il devance le candidat du pouvoir, Mohamed Ali Soilihi, dit Mamadou, qui recueille 39,87% des voix. Le troisième candidat, Mouigni Baraka, gouverneur de la Grande Comore, est nettement distancé. M. Assoumani avait déjà dirigé les Comores au début des années 2000. Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en avril 1999, il avait gardé les rênes du pays et été élu président trois ans plus tard. Après les soupçons d’irrégularités au premier tour, le second tour s’est déroulé dimanche dans un climat tendu, et le retard pris par la commission électorale pour dévoiler le résultat n’a rien fait pour ramener la sérénité.
En effet, la commission électorale a annoncé ces résultats avec beaucoup de prudence et de précaution. La Céni estime que plus de 6.600 personnes ont été privées de leurs droits civiques pour cause de bureaux saccagés et fermés ou bien parce que les procès verbaux n’étaient pas conformes. Malgré la décision, sur fond d’hésitation, de la commission d’annoncer les résultats, le candidat sortant a décidé de ne pas les reconnaître. Pour Mohamed Ali Soilihi, les irrégularités observées lors du scrutin auraient empêché 11.000 personnes de voter, près du double annoncé par la commission. Mohamed Ali Soilihi a donc saisi la Cour constitutionnelle qui devra se prononcer sur ces irrégularités.
Dix-neuf des 25 candidats du premier tour avaient contesté la validité des résultats fin février et exigé que les bulletins soient recomptés, mais la Cour constitutionnelle les avaient finalement validés quelques jours plus tard. Des incidents impliquant des partisans des différents camps ont émaillé le second tour dimanche sur l’île d’Anjouan. Dans certaines localités, des partisans d’Ahmed Abdallah Sambi ont été accusés de perturber le vote. Le charismatique M. Sambi, dont le parti Juwa (Soleil) a été éliminé au premier tour, est encore très populaire sur l’île d’Anjouan, où il est né.
Mohamed Ali Soilihi a réclamé des élections partielles pour les bureaux qui n’ont pas été pris en compte, la plupart sur l’île d’Anjouan. Cependant, il estime que les résultats provisoires n’auraient pas dû être annoncés, « les élections ne sont pas terminées, donc il n’y a pas de résultats provisoires », clame-t-il. « La question est : est-ce que l’on va faire ces élections partielles ? Il aurait fallu attendre. Sinon, cela ne sert à rien de faire des élections partielles parce que les résultats sont ceux déjà donnés. Cela signifie que c’est un coup d’Etat institutionnel. L’Etat de droit et la démocratie sont un trésor pour notre pays, nous devons le préserver. Aujourd’hui, on est revenu à quinze ans en arrière, dans l’arbitraire ». L’enjeu est grand, car l’écart entre Assoumani et Soihili n’est que de 2.000 voix et une élection partielle pourrait faire basculer les résultats provisoires annoncés vendredi. Du côté des partisans d’Assoumani, la joie est au rendez-vous. Mais le camp du colonel compte aussi déposer des recours, persuadés de pouvoir creuser l’écart.
La campagne avait été terne et désordonnée, se résumant à un déballage d’attaques personnelles et de soupçons de corruption. A l’exception de Soilihi qui avait fait de l’énergie et de la formation professionnelle ses priorités, les programmes des candidats étaient quasiment identiques, axés sur la gratuité des soins, l’enseignement et l’amélioration des infrastructures délabrées du pays. Ancienne colonie française de tradition musulmane sunnite, les Comores ont connu une histoire tumultueuse, jalonnée de vingt coups d’État ou tentatives depuis 1975 et contrariée par la perte de Mayotte qui alimente une querelle de souveraineté de faible intensité avec Paris.
Avec AFP.