Présidentielle à Madagascar : Les premiers résultats tombent au compte-gouttes

Présidentielle à Madagascar : Les premiers résultats tombent au compte-gouttes

©Rijasolo / AFP

La Commission électorale malgache (Ceni) a commencé à publier les premiers résultats encore très partiels du second tour de l’élection présidentielle de dimanche, que les deux finalistes Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina ont d’emblée affirmé avoir remporté. Les premiers résultats significatifs devraient être connus après Noël, a précisé la Commission. 

Selon ce décompte, qui porte sur à peine 6% des bureaux dépouillés et environ 750 000 des quelque 10 millions d’électeurs inscrits, Andry Rajoelina arrive en tête avec 57% des suffrages, contre 43% pour son rival, Marc Ravalomanana. Ces chiffres sont encore loin de dessiner une tendance fiable. Mais avant même leur publication, les deux candidats s’étaient déjà déclarés assurés de l’emporter.

« Le changement arrive demain et, dès aujourd’hui, vous pouvez dire que Dada (« Papa », son surnom en malgache) est élu », a lancé Marc Ravalomanana à ses partisans réunis à son quartier général de campagne. « Je suis persuadé de remporter une victoire mais on va attendre les résultats officiels », a déclaré de son côté Andry Rajoelina à ses troupes, insistant tout de même : « C’est le numéro 13 (son numéro sur la liste des candidats) qui mène dans tout Madagascar ».

Au premier tour disputé le 7 décembre, Andry Rajoelina, 44 ans, avait viré en tête avec 39,23% des suffrages, devant Marc Ravalomanana, 69 ans, crédité de 35,35%. Le second tour du scrutin a viré au duel personnel entre les deux anciens chefs de l’État. Selon le chef de la mission des observateurs de l’Union européenne (UE), Cristian Preda, la participation était en baisse d’environ 4 à 5 % à la mi-journée par rapport à celle du premier tour (54, %).

La crainte de vives tensions

Élu en 2002, Marc Ravalomanana avait été obligé de démissionner sept ans plus tard face à une vague de manifestations violentes fomentées par Andry Rajoelina, alors maire de la capitale Antananarivo. Ce dernier avait ensuite été installé par l’armée à la tête d’une présidence de transition qu’il a quittée en 2014. La rivalité et l’inimitié qui opposent les deux ex-chefs de l’État font redouter de vives tensions à la proclamation des résultats, dans un pays habitué des crises politiques depuis son indépendance en 1960.

Andry Rajoelina ©Gianluigi Guercia / AFP

Andry Rajoelina ©Gianluigi Guercia / AFP

Pour retrouver le pouvoir, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana n’ont pas lésiné sur les moyens financiers, apparemment illimités, ni à s’accuser de fraude. Dès leur second débat télévisé dimanche dernier, Marc Ravalomanana a reproché à son rival de préparer la fraude, faisant état de la circulation de « fausses cartes d’identité et de fausses cartes d’électeurs ». Il a assuré mercredi qu’il n’accepterait « jamais » les résultats « s’il y a de la fraude ». Quelques heures plus tard, le camp de Andry Rajoelina a riposté en dénonçant les « nombreuses manipulations, actes de corruption et tentative de détournement des voix de la part des partisans du candidat 25″.

Pour nombre d’observateurs, ces échanges laissent présager de très vives tensions dès la confirmation des premières tendances. « Les résultats pourraient être très serrés et, dans ce contexte, même des irrégularités très minimes pourraient amener l’un ou l’autre candidat à les contester », a pronostiqué Marcus Schneider, analyste à la fondation allemande Friedrich Ebert. Comme l’a souligné l’ancien ministre de l’Éducation et candidat malheureux au premier tour, l’universitaire Paul Rabary, la défaite leur est interdite.

Appel à la raison 

« Pour Marc Ravalomanana, c’est une question de vie ou de mort. Son groupe ne peut pas survivre s’il ne reprend pas le pouvoir », a-t-il résumé. « Quant à Andry Rajoelina, son histoire personnelle est salie par le coup d’État. Il doit gagner pour laver son honneur ». Le Premier ministre en exercice Christian Ntsay a appelé les deux candidats à la raison. « Je suis sûr qu’ils sauront calmer leurs partisans (…), le pays ne mérite pas d’autres troubles », a-t-il estimé.

Marc Ravalomanana ©Rijasolo / AFP

Marc Ravalomanana ©Rijasolo / AFP

Ce face-à-face au tour très personnel a largement occulté les problèmes de fond du pays, un des plus pauvres du continent africain. Manque criant d’infrastructure, corruption, insécurité, pauvreté, la Grande île et ses 25 millions d’habitants cumulent tous les handicaps. Victime du réchauffement climatique, sa pointe sud souffre depuis des années d’une sécheresse qui met en péril sa population. « J’attends du prochain président (…) qu’il nous sorte de la pauvreté infernale dans laquelle nous vivons », a souhaité Monique Norosoa, une femme au foyer de 45 ans qui a voté dans le centre d’Antananarivo. « Il doit mettre de côté ses intérêts personnels pour se consacrer à l’amélioration de la vie de tous les Malgaches ».

Avec AFP.