Ce samedi 5 décembre, la Polynésie française a perdu une de ses personnalités politique les plus importantes, « un témoin de l’Histoire ». Jacques Denis Drollet, qui a également fait carrière dans l’éducation, est décédé à l’âge de 91 ans.
Né le 6 décembre 1923 à Papeete, Jacques Denis Drollet devait fêter ses 92 ans aujourd’hui mais le sort en a souhaité autrement. Père de 5 enfants, grand-père de 11 petits enfants et également 7 fois arrière-grand-père, il était détenteur de 6 médailles militaires, dont deux au titre de services actifs. Il fit une carrière complète dans l’éducation publique en Polynésie française, notamment en tant que directeur de Service de l’Education Territoriale. Une carrière dans l’éducation qui lui a valu le titre de la Légion d’Honneur et Commandeur dans l’ordre des Palmes Académiques mais aussi de commandeur de l’ordre de Tahiti Nui, la plus haute distinction de la Collectivité créée par Gaston Flosse. Mais Jacques Denis Drollet laisse aussi derrière lui une longue carrière politique, aux côtés de Pouvanaa a Oopa, premier député tahitien et Chef du premier gouvernement de la Collectivité.
À la fin des années 50 et au début des années 60, la France perd l’Algérie et se tourne alors vers la Polynésie pour implanter le Centre d’Expérimentation du Pacifique (CEP) en charge des essais nucléaires, sur l’atoll de Moruroa. À cette époque, Pouvanaa A Oopa, Vice-président du gouvernement (le Président étant d’office le Gouverneur), perd le référendum d’indépendance en 1958, à l’issue d’une campagne inégale. Accusé à tort d’avoir voulu incendier Papeete, Pouvanaa est exilé en France. Dans le documentaire qui lui est dédié, Pouvanaa Te Metua : L’élu du Peuple, Jacques Denis Drollet confie alors avoir été au centre de l’implantation du CEP. Reçu par Charles de Gaulle au début des années 60, il accepte de louer gracieusement l’atoll de Moruroa pour les essais nucléaires. Il gardera ainsi la Polynésie d’un gouvernement militaire, puisque le Général de Gaulle ne demandait en aucun cas l’avis du représentant. Des décennies plus tard, il soulignera, dans ce documentaire, la dette éternelle de la France envers la Polynésie.
Certains médias polynésiens soulignent son engagement en faveur du maintient de la Polynésie dans la France. Or, Jacques Denis Drollet fut un proche de Pouvanaa A Oopa (qui a milité pour l’indépendance lors du référendum de 1958). Les deux hommes discutaient longuement sur le nom à donner à la Polynésie si celle-ci devenait indépendante. Pendant son exil, Pouvanaa A Oopa, victime d’un chantage, demande à Jacques Denis Drollet de plaider en faveur de la départementalisation. Refus catégorique de la part de son conseiller. Lui qui fut représentant pendant 10 ans du Rassemblement des Populations Tahitiennes (RDPT) de Pouvanaa A Oopa, ne se voyait pas réclamer l’anti-thèse de l’indépendance, même s’il a toujours eu une facilité déconcertante à négocier avec les plus hautes sphères de l’Etat et qu’il souhaité plus que tout le retour de Pouvanaa en Polynésie.
Enfin, Jacques Denis Drollet fut un des membres fondateurs de la Banque Socredo et de la compagnie aérienne domestique Air Polynésie qui deviendra Air Tahiti. Dans un communiqué de presse, Oscar Temaru, leader indépendantiste, écrit, « nous perdons une mémoire, un témoin de notre Histoire » avant d’adresser ses plus sincères condoléances à sa famille. Une dernière veillée aura lieu ce dimanche soir en Polynésie, pour rendre hommage à « l’homme des situations délicates ». L’inhumation aura lieu le lundi 7 décembre à 15h au cimetière de l’Uranie, situé à l’entrée ouest de Papeete et une dernière messe sera célébrée à 14h à la Cathédrale de la Capitale polynésienne.