Justine Bénin (députée de Guadeloupe) et Serge Letchimy (député de la Martinique lors de la conférence de presse ce mardi 26 novembre © Outremers 360
Après des centaines d’heures d’auditions en France et aux Antilles, les députés Serge Letchimy (Martinique) et Justine Bénin (Guadeloupe) ont présenté les conclusions du rapport de leur commission d’enquête sur l’utilisation du chlordécone lors d’une conférence de presse ce mardi 26 novembre à l’Assemblée Nationale. Le rapport reconnait la responsabilité manifeste de l’Etat dans ce dossier et formule un réparation à la hauteur du scandale environnemental et sanitaire.
«L’Etat est totalement responsable à la fois sur les homologations de ce produit, les répétitions du régime dérogatoire mais aussi sur la gestion de la crise entre 1993 et 2004» a souligné Serge Letchimy, président de la commission d’enquête parlementaire sur l’utilisation de la chlordécone, chargée de faire la lumière sur la responsabilité des différentes autorités dans ce scandale environnemental. Pour le député de la Martinique, une nouvelle étape doit être engagée, celle des réparations des préjudices subis par les professionnels de l’agriculture mais aussi par la population. Pour rappel, 95% des Guadeloupéens et 92% des Martiniquais sont aujourd’hui, selon Santé Publique France, contaminés par le produit, qui a aussi des incidences sur le développement des enfants exposés pendant la grossesse, avec une hausse des risques de prématurité notamment.
«L’ampleur du drame environnemental devenu un scandale d’Etat, doit faire l’objet des procédures exceptionnelles, des réponses apportées à la hauteur de l’anxiété que nous avons en Martinique». a indiqué Serge Letchimy. Pour atteindre cet objectif, les députés préconisent 49 recommandations. Pour l’élaboration d’une loi d’orientation et de programmation de stratégie de sortie du Chlordécone au niveau national. « Cette loi de programmation et d’orientation va décliner les enjeux budgétaires et financières et s’étale sur une quinzaine d’année pour se donner le temps de mener des opérations très opérationnelles».
Au niveau local, après les insuffisances constatées des précédents Plans Chlordécone successifs mis en place par l’État depuis 2008, la commission d’enquête préconise la nomination d’un délégué interministériel pour assurer le pilotage du prochain Plan chlordécone IV, prévu pour l’année prochaine.
Lors de la séance de questions au gouvernement, la Ministre des Solidarités et de la Santé a assuré à la députée de Guadeloupe Justine Bénin, que « les conclusions du rapport de la commission d’enquêtes seront un élément majeur dans l’élaboration du quatrième plan Chlordécone que nous sommes en train d’élaborer. Votre commission d’enquête et le rapport nous permettront de prioriser et de mettre en oeuvre des actions et de définir la gouvernance et le financement de ce nouveau plan. Il est une nécessité absolue de poursuivre la réduction des expositions à la chlordécone en informant mieux la population avec un objectif affiché du zéro chlordécone dans l’alimentation. Puis répondant à Hélène Vainqueur-Christophe, la Ministre de la Santé a indiqué que «Le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) prévoit la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes professionnelles liés aux pesticides, dont la chlordécone, c’est une très grande avancée.»
.@Justine_BENIN (MoDem) revient sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête sur l’utilisation du chlordécone, « scandale environnemental » et demande si le Gvt est prêt à travailler sur les 49 propositions du rapport et sur les réparations #DirectAN #QAG pic.twitter.com/qO2d9Ja8kf
— Assemblée nationale (@AssembleeNat) November 26, 2019
Deux fonds d’indemnisation
La commission d’enquête prévoit plusieurs types de fonds d’indemnisation. D’abord, un fonds d’indemnisation pour les préjudices économiques à destination des agriculteurs et pêcheurs touchés par cette pollution. Cela passe par exemple par la mise en oeuvre d’une indemnisation intégrale du préjudice économique du fait de l’interdiction d’exercer leur activité professionnelle ou encore la mise en place d’une prime pour les agriculteurs et pêcheurs entrant dans une démarche «zéro chlordécone».
En outre, les parlementaires souhaitent créer un fonds d’indemnisation pour réparer les préjudices subis par les victimes atteintes d’une pathologie résultant d’une utilisation ou d’une exposition au chlordécone.
Dans l’optique d’une protection de la population, les députés recommandent un dépistage et un suivi sanitaire systématique, pris en charge par l’Assurance-maladie.
Faire de la recherche sur le chlordécone une priorité stratégique
Autre mesure-phare du rapport, les parlementaires souhaitent ériger la recherche sur le chlordécone en priorité stratégique. D’après Justine Bénin,« la recherche a pâti d’un manque de coordination entre les acteurs, d’un manque de financement et d’un manque de priorisation et d’ambition par l’Etat sur le sujet». Parmi les actions prioritaires pour la commission d’enquête, il est urgent de financer les projets de recherche en matière de santé permettant à la population exposée au chlordécone de mieux connaître les risques, de valoriser la recherche locale en mettant en place un institut pluridisciplinaire de recherche sur le chlordécone au sein de l’Université des Antilles mais aussi donner aux laboratoires départementaux les moyens nécéssaires pour mettre en place une filière d’analyse compétitive.