Du fait de son statut d’autonomie, la Polynésie est compétente dans la gestion de sa protection sociale, via la Caisse de Prévoyance sociale (CPS) ©Cédric Valax / Radio 1 Tahiti
Pour Outremers360, Joël Destom, Directeur des Outre-mer d’AG2R LA MONDIALE MATMUT, porte un regard sur la protection sociale dans les trois bassins océaniques, en commençant par la Polynésie française, où le gouvernement local, sous l’impulsion de son président Édouard Fritch, a fait voter un projet de loi de pays visant à apporter « diverses dispositions relatives à l’assurance vieillesse ».
Publiée le 1er février, l’expert décrypte ce qui « est belle et bien une réforme des retraites » en Polynésie. « Toute réforme du système de retraite a des conséquences en chaînes car ici, et peut-être plus qu’ailleurs, l’évolution et la garantie des régimes de retraite est une question importante pour l’avenir », explique-t-il, « les Polynésiens doivent être informés et sensibilisés ! ».
Le journal officiel de la Polynésie française du 1er février 2019 a rendu publique la loi de Pays n° 2019-6 portant diverses dispositions relatives à l’assurance vieillesse et autres mesures d’ordre social. Cette loi, affichant l’objectif de « consolider les régimes de retraite polynésiens en renforçant le principe de solidarité et en rénovant la concertation », est belle et bien … Une réforme des retraites !
Après une tentative de réforme, retoquée par le Conseil d’État en 2012, la Polynésie française a repoussé à 62 ans (contre 60 auparavant) l’âge de départ à la retraite. Cette réforme qui entrera en vigueur le 1er juillet 2019 sera échelonnée, pour devenir pleinement applicable en 2023. Pour prétendre à une retraite à taux plein, les Polynésiens devront avoir 62 ans et avoir cotisé pendant 38 ans. Selon le Gouvernement du Président Édouard Fritch, sans cette réforme, les retraites n’auraient plus été financées d’ici un à deux ans.
Historiquement, le principe d’une assurance vieillesse a été instauré en 1967 en Polynésie française, avec la création du régime de base obligatoire au profit des salariés. Le minimum vieillesse est instauré en 1982 et le régime de base des salariés est transformé en système par annuités en 1987.
Comme dans l’Hexagone, le financement de l’assurance vieillesse polynésienne est fondé sur le principe de la solidarité intergénérationnelle. Le système de retraite par répartition, par les liens intergénérationnels qu’il tisse, englobe les populations soumises à cotisation, principalement les salariés. Les pensions des actuels retraités sont financées par les cotisations des actifs, ces derniers comptant sur leurs enfants et petits-enfants pour financer les leurs le jour venu.
Le système de retraite polynésien a été confronté à l’importance de l’allongement de l’espérance de vie et à la dégradation du rapport actif /retraité.
Entre 1968, et 2014, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de + 17,4 années et continuera à progresser d’un trimestre / an sur les dix prochaines années. A 60 ans, l’espérance de vie à 60 ans est de 20,2 années. La population âgée de plus de 60 ans croit constamment et représentera près de 55 000 personnes en 2027 selon l’Institut de la Statistique en Polynésie française (ISPF). Cette réalité heureuse sur le Fenua est synonyme de charges financières supplémentaires.
Dans le même temps, la baisse du taux de natalité est désormais constante. Si l’Institut de la Statistique en Polynésie (ISPF) note dans une étude démographique publiée en 2017 que, « en 1977, la dépendance des seniors était encore faible, avec 20 personnes en âge de travailler pour un individu de plus de 65 ans », ce rapport était de trois pour un l’an dernier. Le rapport actifs / retraités qui était supérieur à 10 en 1968 avait déjà chuté à 5,61 en 1995. Il était de 1,95 en 2017. On estime qu’il pourrait être de 1,1 en 2025. Ces bouleversements démographiques et les effets de la crise qui a frappé la Polynésie en 2008 avec ses conséquences sur l’emploi n’avaient pas été suffisamment anticipés.
Dès lors, la dégradation financière s’imposait comme une urgence majeure à traiter. C’est en 2009 que la Caisse de retraite polynésienne est passée dans le rouge. De 2009 à 2018, le déficit cumulé de ce système par répartition a enregistré 36,5 milliards Fcfp. C’est pour endiguer cette hémorragie financière que la « réforme paramétrique » du système de retraite s’est imposée. Certains spécialistes polynésiens ont estimé qu’elle a pour ambition de repousser « de 10 ans » l’horizon de viabilité du régime … Cela signifie que d’autres ajustements seront forcément nécessaires … Les Polynésiens doivent être informés et sensibilisés !
En Polynésie française, comme dans l’Hexagone … Toute réforme du système de retraite a des conséquences en chaînes. Ici, et peut-être plus qu’ailleurs, l’évolution et la garantie des régimes de retraite est une question importante pour l’avenir.
Joël Destom, Directeur des Outre-mer d’AG2R LA MONDIALE MATMUT.