Nouvelle-Calédonie: Pierre Frogier, « Nous avons une offensive à mener »

Nouvelle-Calédonie: Pierre Frogier, « Nous avons une offensive à mener »

© Facebook Le Rassemblement- Les Républicains

300 militants étaient réunis le 18 décembre au centre culturel de Mont-Dore pour assister au comité directeur du Rassemblement – Les Républicains. L’occasion pour son président, le sénateur Pierre Frogier, d’affirmer avec force que le parti historique de Jacques Lafleur est « toujours vivant », avec une vision à partager et, désormais, une offensive à mener. Un sujet de nos confrères de la Dépêche de Nouvelle-Calédonie.

Se remettant d’une année 2017 difficile, marquée par des législatives laborieuses au plan local et un ébranlement de la droite républicaine au niveau national, le parti de Pierre Frogier relève la tête à présent. Ayant fait le deuil d’un troisième accord, engagé par le premier ministre Edouard Philippe vers un référendum binaire, gêné par l’idée de « peuple Calédonien » de Philippe Gomès et enfin bousculé sur ses propres terres par la création du parti de Sonia Backès (les Républicains Calédoniens), le Rassemblement entend bien désormais s’engager pleinement dans la campagne pour le référendum. « Le Rassemblement est toujours vivant car c’est une famille » a ainsi affirmé Pierre Frogier dés le début de son discours. « Une famille fière de son héritage, forte de son histoire, consciente de sa légitimité, fière de porter inlassablement, sans rien céder sur l’essentiel, la vision courageuse et réaliste d’un avenir partagé et apaisé dans la France. Le rassemblement doit de nouveau se faire entendre, car nous avons des choses à dire. Nous avons une offensive à mener, des attitudes à condamner, des réponses à apporter et une vision à partager. »

Premier visé par l’offensive Frogier : Edouard Philippe. Celui qui depuis le comité des signataires de novembre semblait emporter l’adhésion de l’ensemble des partis politiques Calédoniens se voit adresser ici sa première critique. « A titre personnel, je me suis retrouvé dans la démarche qu’il a présenté », reconnaît d’abord Pierre Frogier, saluant également l’habilité d’Edouard Philippe à faire « plaisir à tout le monde ». « Mais, je ne sais toujours pas où il veut nous emmener, ni quelles sont réellement les intentions de l’Etat à l’égard de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Alors c’est vrai que les déclarations d’Edouard Philippe ont rassuré. Et pourtant, si nous avons effectivement progressé sur les modalités de la consultation (…), rien n’a été dit sur l’essentiel, c’est à dire « comment nous préparons notre avenir ».(…) J’attends toujours l’ambition politique de ce gouvernement pour la Nouvelle-Calédonie ».

Aussi et surtout, une phrase du premier ministre aura « choqué » Pierre Frogier. « Une phrase de son discours doit nous interpeller. Cette phrase m’a profondément choqué. Lorsqu’il déclare que, lors du référendum, ce sera bien le peuple Calédonien qui se prononcera souverainement… Vous vous rendez compte de ce qu’elle veut dire quand on y réfléchit un peu ? Je dois vous dire que depuis tant d’années c’est la première fois que j’entends une telle affirmation de la part d’un chef du gouvernement. Ces propos méconnaissent totalement les dispositions fondamentales de la constitution Française qui indique que la République reconnait en son sein le peuple Français et les populations d’Outre-Mer dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité. Dans le peuple Français font parti intégrante les populations d’Outre-Mer. Pour moi, il n’y a pas de peuple Calédonien, mais il y a une communauté Calédonienne, avec ses spécificités, avec sa propre personnalité, au sein du peuple Français. Cette affirmation du premier ministre m’a choqué. Mais elle m’inquiète aussi. Parce que quand on commence à parler de peuple qui s’exprime souverainement, on débouche sur l’Indépendance-Association.»

© Facebook Le Rassemblement-Les Républicains

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Vers un référendum incontournable

Troisième déception formulée sur le discours du premier Ministre : son affirmation que le référendum était incontournable et que la question serait binaire. Une application stricte et littérale de l’Accord de Nouméa, mais ne reflétant pas son esprit selon Pierre Frogier. Reconnaissant l’échec de ses tentatives pour une solution alternative, le sénateur engage désormais son parti à se lancer dans la campagne pour le référendum. « Puisque tout le monde veut de ce référendum ! Puisque le premier Ministre nous l’impose avec une lecture stricte de l’Accord de Nouméa, littérale, et bien je lui dis ce soir « allons-y !». Je vous propose donc que le Rassemblement s’engage pleinement dans cette consultation afin que les Calédoniens dans leur grande majorité affirment qu’ils veulent rester Français. Et je vais même plus loin : le résultat de cette consultation devra être suffisamment clair et massif pour éviter les deuxièmes et troisièmes consultation. Je vous dis que plus large sera la victoire et plus ces scrutins apparaîtront comme superflus et même inutiles. Personne ne pourra nous reprocher d’avoir tout fait pour éviter cette consultation binaire, brutale et mal préparée. Il faudra se souvenir que nous avons tout fait pour porter une solution alternative conforme à l’esprit de l’Accord de Nouméa. »

Ne pas se tromper d’adversaire

Pierre Frogier l’aura dit haut et fort : il existe des différences de points de vue au sein de la plateforme loyaliste, et le Rassemblement n’est pas en phase avec les récentes déclarations du député Philippe Gomès, leader de Calédonie Ensemble. « Et quand Philippe Gomès se déclare nationaliste, quand il évoque le partage des compétences régaliennes ou la Calédonisation des administrations d’Etat, vous ne vous y retrouvez pas, mais nous non plus. Et vous avez raison. Ce n’est pas la position du Rassemblement, et ce n’est pas celle de la plateforme ». Pour autant, Pierre Frogier veut rester fidèle à la déclaration commune pour une Calédonie dans la France et dans la Paix, signée lors de l’entre deux-tours des législatives avec Calédonie Ensemble, le MPC et Tous Calédoniens. « Si je l’ai signé, c’est parce que depuis longtemps nous souhaitons reconstituer l’unité de notre famille politique. C’est mon obsession. Je veux l’unité pour parler d’une seule voix pour parler avec l’Etat et face aux Indépendantistes. Et j’ai le sentiment que nous avons gaspillé ces dernières années trop de temps, trop d’énergie, à nous opposer, à rivaliser. L’essentiel n’est pas là : il est dans la préparation de l’avenir de la Calédonie dans la France ».

Ainsi ouvert à discuter entre visions loyalistes divergentes au sein de la plateforme tout en se gardant bien d’être « inféodé » à qui que ce soit, Pierre Frogier ne compte cependant pas laisser le champ libre à Sonia Backès et à son parti nouvellement constitué, les Républicains Calédoniens. « Nous ne devons pas nous tromper de combat, comme d’autres se trompent d’adversaires. Et je fais allusion à celles et ceux qui viennent de constituer un énième parti politique, qui veulent nous donner des leçons alors qu’ils sont surtout animés par des petits calculs, de petites ambitions et de grands intérêts économiques. Ce que je leur reproche, c’est d’avoir commis une faute contre l’union alors qu’ils avaient signé avec nous en août 2015 une charte sur les valeurs communes des républicains en Nouvelle-Calédonie. Mais il faut croire que deux ans après, ces valeurs ne sont plus les leurs, et ça ne reste que les nôtres ».

La solution du grand palabre

Enfin, Pierre Frogier aura résumé sa vision pour le territoire par le symbole des deux drapeaux : « Ces deux drapeaux portent en eux la solution institutionnelle que nous appelons de nos voeux. Une Nouvelle-Calédonie largement autonome avec sa propre personnalité au sein de la République. Dans le drapeau bleu blanc rouge, il y a la France, les compétences régaliennes que la France doit continuer à exercer, et dans le drapeau identitaire Kanak, symbole culturel mais débarrassé des violences dont il est entaché, il y a cette personnalité propre de la Nouvelle-Calédonie, terre d’Océanie intégrée dans son environnement Pacifique ». Dans le même esprit, le sénateur a de nouveau appelé à l’organisation d’un grand palabre entre Indépendantistes et Non-Indépendantistes : « le grand palabre à l’océanienne devra être un lieu d’échanges, de paroles, où chaque communauté pourra parler de tout, sans tabou. Ce grand palabre doit permettre d’échanger en confiance, en se donnant du temps, pour nous entendre, nous comprendre, et ce sera avant tout un lieu de partage. Nous devons nous souvenir, qu’au delà de nos institutions, il y a des femmes et des hommes dont le destin en Nouvelle-Calédonie est de se rassembler autour d’une vision commune de leur histoire, de leur culture, de leur identité. Et tout ça, ça doit être discuté, ça doit faire l’objet d’échanges au sein du grand palabre. »