Nouvelle-Calédonie : Le monde économique plus inquiet du Covid-19 que du référendum

Nouvelle-Calédonie : Le monde économique plus inquiet du Covid-19 que du référendum

A quatre jours du deuxième référendum en Nouvelle-Calédonie dimanche, les chefs d’entreprises s’inquiètent d’un éventuel oui à l’indépendance. Mais dans l’immédiat ce sont surtout les conséquences économiques du Covid-19 qui se font ressentir.

« Si le non passe, la première semaine on aura quelques remous, mais ensuite ça ne changera pas grand-chose », veut croire Yann Lucien, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). « Si le oui l’emporte, c’est plus incertain, surtout si dans les mois à venir 20% de la population quitte le territoire », poursuit-il. « Mais même si on accède à l’autonomie, les entreprises ne vont pas s’arrêter. Il y aura toujours des gens à nourrir, des voitures à réparer ».

« Il peut y avoir une certaine appréhension de la part des chefs d’entreprise », admet Samuel Hnepeune, patron du Medef local. Deux ans après la victoire plus serrée que prévu des pro-Français à 56,7% lors du premier référendum, c’est le manque de visibilité qui l’inquiète. « L’économie est à l’arrêt, il y a un attentisme, alors que les chefs d’entreprise ont besoin d’une stabilité sociale, fiscale, institutionnelle ».

Pour David Guyenne, président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), le référendum « engendre une incertitude importante en cas de oui car le projet de société des partisans du oui n’est pas clair, ou pas testé. Et une incertitude en cas de non, car nous aurons encore un autre référendum », puisque la possibilité d’un troisième scrutin dans les deux ans est prévue par l’accord de Nouméa, si un tiers des élus du Congrès calédonien le demande.

« Vivement que le référendum soit passé », confirme Xavier Benoist, à la tête de la Fédération des industries. Pour lui, « on est un peu moins serein qu’au premier référendum, parce qu’il y a moins d’unité autour de l’organisation du scrutin et il y a des conflits larvés dans les entreprises, des craintes de mouvements sociaux ». Il espère qu’« on n’ira pas vers un 3e référendum mortifère ».

A ces incertitudes s’est ajoutée la crise du Covid-19. Même si la Nouvelle-Calédonie est un des très rares endroits dans le monde à être épargnés par le virus, le territoire a subi le choc économique lié à la fermeture des frontières. Un impact qui va se prolonger, puisque le gouvernement calédonien maintient une restriction drastique des vols internationaux et une quatorzaine pour les arrivants au moins jusqu’au 27 mars 2021.

« Écosystème économique menacé »

Les mesures mises en place par l’État (chômage partiel, etc.) « ont permis d’amortir l’impact », souligne Samuel Hnepeune, mais « le transport aérien et le tourisme connaissent des conséquences catastrophiques ». Sans compter des soucis de fret. « A trois mois de Noël, des commerces ont déjà du mal à s’approvisionner », déplore-t-il.

Le commerce et le tourisme de proximité (gites, etc.) tirent pour l’instant leur épingle du jeu car « les Calédoniens visitent leur territoire et consomment local », précise Yann Lucien (CPME). « Mais ma plus grosse crainte, c’est fin octobre, quand il faudra payer les reports de crédits, les reports de cotisations sociales, etc… ». Selon une enquête mi-août auprès de 165 entreprises, 74% ont enregistré une baisse de leur chiffre d’affaires sur les six derniers mois et 35% anticipent encore une baisse sur les mois à venir.

Pour le président de la CCI, « des mutations nécessaires en termes d’énergie, de digitalisation, de développement durable ne pourront se réaliser qu’avec un capital intellectuel et financier fort apporté par la métropole et l’Europe ». Mais « si Air Calin (compagnie aérienne régionale, très impactée) et les grands hôtels n’arrivent pas à passer le cap, il y a un risque d’effet domino sur toute l’économie, surtout si en plus un métallurgiste ferme ses portes », prévient Xavier Benoist.

Le Brésilien Vale (3 000 emplois directs), menace en effet de fermer son usine de nickel installée dans le sud si la direction ne trouve pas de repreneur, au moment où l’opérateur historique du nickel calédonien, poumon économique du territoire, la Société Le Nickel (2 063 emplois), filiale du français Eramet, est déjà au bord de la faillite. « La fermeture de l’usine du Sud serait un véritable cataclysme (..). Par effets successifs de ricochets, c’est tout l’écosystème économique qui serait menacé », confirme la CCI.

Avec AFP.