Pas moins de 32 ans après Dick Ukeiwé, un sénateur Kanak a pris la parole devant le Sénat pour parler de « son histoire, de l’histoire de son pays », lors de l’examen du projet de loi organique sur le corps électoral. Le 13 février dernier, Gérard Poadja a été ovationné par ses pairs, après un discours « sincère » où il a rappelé que, pour lui, la « Nouvelle-Calédonie avait besoin d’un grand frère, la France ». Un sujet de notre partenaire La Dépêche de Nouvelle-Calédonie.
« Vous me connaissez sous le nom de Gérard Poadja. Mon nom en Paici, l’une des 28 langues Kanak de la Nouvelle-Calédonie, c’est Punu. Punu était le nom du frère de mon père. Mon père, c’est Auguste Poadja, grand chef du district de Poindah. Tous deux ont été engagés dans le bataillon du Pacifique pendant la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle, pas moins de 2 000 calédoniens, dont un millier de Kanak, ont participé à la défense du monde libre ».
Telles ont été les premières paroles du discours, particulièrement poignant, prononcé par le sénateur Gérard Poadja le 13 février dernier, alors que le Sénat procédait au premier examen du projet de loi organique relatif à l’organisation du référendum calédonien.
« Celui qui s’exprime à la tribune est un Kanak qui appartient à une civilisation millénaire. Il est Calédonien, aussi, parce qu’il a décidé de partager son pays avec celles et ceux qui, depuis 165 ans, ont contribué à sa mise en valeur. Il est Français, enfin, parce que la grande histoire du Monde a voulu que ce soit la France qui, en 1853, prenne possession de cette petite île du Pacifique. Ce Kanak, ce Calédonien, ce Français aujourd’hui devant vous, revendique toutes ces appartenances. Ce sont des appartenances qu’une grande partie des Calédoniens a appris à conjuguer ».
Ce discours, authentique, n’est pas sans rappeler celui prononcé devant le Sénat par Dick Ukeiwé, alors sénateur et président du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, le 24 janvier 1985 :
« Monsieur le Président, mes chers collègues, je m’adresse à vous, alors que la Nouvelle-Calédonie traverse une crise sans précédent dans son histoire. Je m’adresse à vous au nom de mes compatriotes des antipodes qui connaissent aujourd’hui le désarroi, l’anxiété, et qui ont parfois été atteints dans leur personne et dans leurs biens.
Vous comprendrez donc que mes propos soient empreints d’une certaine solennité et d’une certaine gravité. Je les ai longuement pesés. Je ne méconnais aucune des difficultés de la situation que nous vivons. Je les éprouve dans mon cœur et dans ma chair. Mais je crois le moment venu, dans le tumulte des passions et des invectives, d’en appeler à la raison et de rompre, alors qu’il en est encore temps, l’engrenage des erreurs et des faux-semblants.
Tout ce que j’ai pu entendre ces derniers mois m’a convaincu que la France et les Français se sentent profondément concernés par le sort de la Nouvelle-Calédonie. Ils sentent instinctivement ce que les Calédoniens éprouvent profondément : il n’y a pas d’avenir, il n’y a pas d’unité, il n’y a pas de paix possible pour notre territoire sans la France ».