L’Interview Politique : Après Emmanuel Macron dans l’Océan Indien, « ça va être le tour de la Polynésie française », Dominique Sorain

L’Interview Politique : Après Emmanuel Macron dans l’Océan Indien, « ça va être le tour de la Polynésie française », Dominique Sorain

Arrivé au poste de Haut-commissaire de la République en Polynésie début août, Dominique Sorain aura la charge de préparer la visite du chef de l’État prévu après les municipales de 2020. Après l’Océan Indien, il s’agira du prochain grand déplacement Outre-mer d’Emmanuel Macron. 

Mais Dominique Sorain a bien d’autres dossiers à sa charge, en lien avec les autorités de la Collectivités du Pacifique, qui possède un statut d’autonomie. En exclusivité, il égrène avec la rédaction d’Outremers360 les dossiers du nucléaire, de la surveillance de la ZEE, de la délinquance et des violences conjugales ou encore, du numérique. 

Rencontré en marge de la troisième édition du Digital Festival Tahiti, Dominique Sorain a tenu à rappeler que « l’État s’engage résolument aux côtés du Pays (gouvernement de la Polynésie, ndlr) » sur les dossiers du numérique. Si la stratégie appartient à l’exécutif local, « l’État doit appuyer ». « Le numérique est au cœur de ce qu’on peut appeler la continuité territoriale qui est un point important puisque la Polynésie est étalée sur 5 millions de km2. Il faut bien sûr que la Polynésie soit reliée au reste du monde, il y a des câbles sous-marins qui ont été posés et là, l’État a participé à leur financement, soit par le biais de la défiscalisation, soit par le biais d’aides directes pour faciliter la pose de ces câbles », explique-t-il.

« Il y a aussi le lien entre l’île principale de Tahiti et le reste du territoire. Cela sera important pour tout ce qui est télémédecine ou le télé-enseignement, pour qu’il y ait une égalité de traitement entre tous les concitoyens ici en Polynésie », poursuit-il. Pour le Haut-commissaire de la République, « la Polynésie peut être au cœur de l’innovation, et l’Outre-mer peut être au cœur de l’innovation, parce qu’il y a des entrepreneurs en capacité de faire de l’innovation ».

Ne pas occulter les essais nucléaires

En Polynésie, « un des sujets les plus importants à traiter », c’est l’épineux dossier de l’après nucléaire. À ce sujet, la modification de la loi d’indemnisation des victimes essais, avec l’introduction d’un nouveau seuil d’acceptabilité, a suscité la colère des associations locales, Moruroa e Tatou et 193. Depuis son arrivée, Dominique Sorain assure avoir reçu « un certain nombre d’associations », qui se sont notamment retirées du projet de Centre de mémoire des essais. « L’État a reconnu les conséquences des essais nucléaires dans le Pacifique », rappelle-t-il toutefois.

Sorain - copie

« Nous travaillons sur la mise en place d’un centre de mémoire qui va servir de lieu où seront réunies des archives pour expliquer ce qui s’est passé, pour témoigner. Un prochain comité de pilotage doit avoir lieu en Novembre », poursuit le Haut-commissaire. Si aucune date n’est pour l’heure avancée sur l’ouverture effective de ce centre, « on espère connaitre au premier semestre 2020 la trajectoire et la programmation des travaux. La procédure est bien lancée », rassure-t-il. « Il ne faut pas occulter cette période et l’État s’engage résolument sur ce sujet pour qu’on ait la connaissance sur tout ce qui s’est passé au titre des essais nucléaires en Polynésie française », insiste encore Dominique Sorain, indiquant la venue du président de comité d’indemnisation, Alain Christnacht, en novembre.

La pêche en Polynésie : « des méthodes douces »

Sur la surveillance de la zone économique exclusive en Polynésie, c’est l’État qui en a la compétence régalienne. Sur ce point, Dominique Sorain veut rassurer face aux inquiétudes suscitées par la possible présence de navires de pêche étrangers en Polynésie. « Il n’y a pas de navires étrangers autorisés à venir pêcher », assure Dominique Sorain, « les moyens de l’État, de la Marine nationale et les moyens aériens sont mobilisés ». Il met en avant « d’excellents résultats » et une « très bonne couverture en matière de surveillance » afin « d’éviter que des navires de pêche étrangers ne viennent pêcher dans les eaux de la Polynésie française ». Il rappelle également qu’en Polynésie, seuls les navires et les pêcheurs de la Collectivités sont habilités à mener leur activité dans la ZEE : « Ce sont des méthodes douces », salue Dominique Sorain.

Trafic de drogue et violences intra-conjugales

Au volet de la délinquance, le Haut-commissaire reconnait un phénomène « contenu ». « Les atteintes aux biens diminuent ». Le représentant a néanmoins un autre fléau en ligne de mire. « Le sujet qui est à surveiller c’est le trafic de drogue et notamment le trafic d’ice, c’est une drogue qui vient des États-Unis et touche très fortement la jeunesse polynésienne. Les services de l’État sont pleinement mobilisés pour lutter contre ce trafic. Il y a eu de très belles prises : 5kg d’ice au mois de septembre, la semaine dernière il y a encore eu une interpellation de trafiquants de drogue. En 2018, c’est plus de 100 personnes qui ont été interpellées, mises en examens et jugées avec des condamnations sévères. C’est une lutte résolue ».

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Il se dit également concerné par les violences intra-conjugales en Polynésie, où trois femmes ont été victimes de féminicides en 2018, selon l’Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple. « Nous avons des taux qui sont très supérieurs à la moyenne nationale », reconnait-il. En 2017, les femmes sont 17% à avoir été victimes de violences conjugales. « Il y a un gros travail de coopération entre les services du pays, les services de l’État, les associations, les maires. Cela passe par une mise à l’abris des femmes. On travaille sur la capacité d’accueil pour qu’il y ait des hébergements, l’accélération des procédures d’accompagnement par le biais d’intervenantes sociales qui peuvent accueillir et conseiller les femmes, avec une attention particulière sur les personnes dans les archipels pour qu’on ait des systèmes ».

« C’est un problème sociétal en Polynésie et on se doit d’apporter des réponses qui soient adaptées au territoire pour protéger les personnes victimes de violences, et faire en sorte que les femmes soient mises à l’abris et parfois, extraire le conjoint violent du domicile. Réconcilier les personnes et protéger les enfants », martèle Dominique Sorain.

Après l’Océan Indien, Emmanuel Macron en Polynésie

Familier des Outre-mer, le statutaire nouveau Haut-commissaire de Polynésie a déjà occupé les fonctions de Préfet à La Réunion et Mayotte, où le président de la République vient d’achever un déplacement de quatre jours. En 2020, « ça va être le tour de la Polynésie française » rappelle-t-il. En effet, Emmanuel Macron a annoncé un déplacement au printemps prochain, après les élections municipales, vraisemblablement en avril et à l’occasion d’un One Planet Summit spécial Pacifique. « Cette rencontre tournera autour de la problématique de l’évolution climatique, de la préservation des territoires îliens », explique Dominique Sorain. « La Polynésie a beaucoup de choses à dire, à faire dans cette zone parce que la Polynésie participe aussi à la vie et aux différentes institutions qui existent dans la zone ».

Dominique Sorain conclut sur son nouveau rôle dans le Pacifique, lui qui a été appelé à prendre à bras le corps une crise sociale majeure à Mayotte, en tant que Préfet et délégué du gouvernement. « Chaque territoire a ses spécificités. Il n’y a rien de commun entre Mayotte et la Polynésie en termes de statut. Pourtant, on doit avoir une approche commune de ces territoires : quel que soit le statut, nous sommes en France. Ce qu’on doit assurer, c’est un traitement équitable de tous nos concitoyens quel que soit le lieu où il se trouve. Quand on est dans un atoll des Tuamotu, il faut que les enfants puissent aller à l’école dans les meilleures conditions possibles, que les habitants puissent être soignés ».

En Polynésie, « cela se fait bien sûr avec un statut particulier (…), un statut d’autonomie de compétence ». « Mais par-delà cette spécificité, c’est le fait de travailler ensemble. Aujourd’hui en Polynésie, on a une stabilité politique, avec un développement économique qui est en train de s’améliorer, on retrouve une augmentation du tourisme, la situation des entreprises commence à s’améliorer. C’est un long processus et ça nécessite qu’on travaille tous ensemble : Pays, État, communes ».