©Outremers360
En exclusivité pour Outremers360, la ministre des Outre-mer Annick Girardin développe, quelques jours après la rentrée du gouvernement, les grandes lignes de la politique ultramarine du quinquennat. Entre sa récente visite en Guyane avec la ministre de la Justice, le projet minier Montagne d’Or, la réforme des aides économiques avec notamment la création d’un outil dédié aux entreprises en attente de paiement, abattement fiscal, budget 2019 et Livre bleu Outre-mer, mais aussi, réchauffement climatique, la ministre des Outre-mer revient sur les mesures prises par le gouvernement et dévoile celles qui guideront l’action gouvernementale pour la suite du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Visite en Guyane :
« J’ai souhaité me rendre en Guyane pour la rentrée des classes parce que le sujet de l’Éducation est central en Guyane, comme à Mayotte. Ce sont deux territoires où la démographie nécessite qu’on ait des investissements forts », explique la ministre, en rappelant les 400 millions d’euros consacrés aux établissements scolaires, prévus dans le Plan d’urgence pour la Guyane et qui concernent la construction d’écoles et classes supplémentaires, ou encore la mise en place du dédoublement des classes de CP.
Selon la ministre, « 100% » des projets inscrits dans le Plan d’urgence pour la Guyane « ont été engagés » et « 83% de ces projets sont aujourd’hui réalisés ». Deux sujets « sur lesquels il fallait davantage avancer » : le foncier et la Justice. Annick Girardin rappelle les annonces de la garde des Sceaux Nicole Belloubet : sur le Tribunal de Grande Instance, la construction d’une prison à Saint-Laurent du Maroni et de la Cité judiciaire à Cayenne.
« Les assises des Outre-mer ont créé une vraie dynamique en Guyane », poursuit la ministre, avec « plus de 300 projets qui ont été déposés ». « Je souhaite maintenant, après la fin 2018, qu’on rentre dans une autre dynamique. Qu’on fasse par thèmes, par filières économiques, par domaine, un regroupement de l’ensemble de ces engagements (…) et qu’on construise une vraie réponse d’avenir pour la Guyane ».
Projet minier Montagne d’Or :
Le lendemain de sa prise de fonction au ministère de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy évoquait son souhait de « reprendre » et « remettre à plat » le projet minier Montagne d’Or en Guyane. Avant le départ de Nicolas Hulot, « nous avons envoyé une mission de réflexion sur l’ensemble de la filière or en Guyane », indique pour sa part la ministre des Outre-mer. « Il y a un travail qui se poursuit pour savoir quelle stratégie, quelle filière pouvons-nous développer en Guyane ». « Très honnêtement », le projet Montagne d’Or, « n’est peut-être pas à la hauteur de nos espoirs » en matière d’écologie, admet Annick Girardin. « Mais au-delà, sur le volet économique, quel est le retour » pour la Guyane ? « Quel nombre d’emplois, quels investissements pour quel nombre d’emplois ? », s’interroge-t-elle. « Au vu des informations que j’ai aujourd’hui, je pense que ce projet n’est peut-être pas à la hauteur que ce qu’on peut espérer ».
Réforme des aides économiques Outre-mer :
La ministre des Outre-mer a également évoqué la réforme des aides économiques prévue dans le Livre bleu Outre-mer, soit « 2,5 milliards d’euros par an apportés aux entreprises de tous les territoires d’Outre-mer ». Parmi les premières annonces sur cette réforme, la mise en place de « nouveaux outils qui permettront d’accompagner des projets innovants mais aussi de venir en aide aux entreprises (…) quand il y a, par exemple, de gros retards de paiement » de la part des commandeurs publics. Autrement dit, l’État pourrait « se substituer sur un lapse de temps avec un dispositif qui permette que les trésoreries des entreprises puissent être renforcées ». « L’idée c’est que ces outils permettent véritablement aux territoires de décoller (…), de donner une chance à ces entreprises d’aller exporter ».
Budget 2019, Livre Bleu et abattement fiscal :
Selon la ministre, le budget Outre-mer 2019 « viendra renforcer cette première année de vie du Livre bleu », dit-elle, sans donner davantage de détail en raison des arbitrages en cours. Elle évoque néanmoins les 700 millions d’euros supplémentaires d’ici 2022, orientés vers le Livre bleu. Plus détaillée sur l’abattement fiscal, la ministre explique : « Il existe dans les DROM des abattements qui sont de l’ordre de 40% selon les territoires et qui continueront à exister. Ça représente un volume financier de 400 millions d’euros par an. Sur ces 400 millions, nous avons décidé que 70 millions seraient redistribués au bénéfice des différentes collectivités pour des infrastructures utiles, indispensables et nécessaires. Je pense au logement social, aux écoles, aux infrastructures de mobilité ».
« Ces 70 millions seront économisés et remis à 100% aux services des Outre-mer, en touchant cet abattement sur le plafond ou sur le pourcentage, c’est un sujet qui doit être débattu à l’Assemblée nationale, et qui toucheront à peu près 20% des contribuables les plus aisés des territoires d’Outre-mer. Ce n’est pas supprimé, il y aura une participation, ou une déduction, supplémentaire qui ne sera pas donnée à un certain nombre de contribuable. C’est une mesure de justice et de solidarité ».
Crise des Sargasses aux Antilles :
« Fléau sanitaire, écologique et économique », Annick Girardin entend « apporter une réponse qui soit à la hauteur ». Outre le ramassage dans les 48h de ces algues qui créent une véritable atmosphère toxique pour les populations concernées, « il est important également que l’on puisse traiter de la valorisation » de ces algues, et de leur provenance : « d’où viennent ces sargasses ? Pourquoi aujourd’hui elles arrivent davantage sur les plages des Antilles de manière à mieux répondre en amont et en aval sur ce fléau », s’interroge la ministre. Un plan d’urgence avait été mis en place avec l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, son application se poursuit, nous assure la ministre.
Irma et le réchauffement climatique :
« Le dérèglement climatique continuera à provoquer ce type d’événement extrêmement puissant » affirme Annick Girardin. « Au-delà de la réponse d’urgence, apportée par l’État, il y a la phase reconstruction mais surtout la phase protection de ces territoires sur l’avenir, de manière à ce qu’il y ait systématiquement une mise à l’abris des populations ».
Détruite à 95%, l’île de Saint-Martin se reconstruit plus lentement que sa voisine Saint-Barthélemy (60% reconstruite pour l’une, 35% pour l’autre). « Les dégâts à Saint-Martin étaient beaucoup plus importants qu’ils ne l’étaient à Saint-Barthélemy et les moyens n’ont pas été les mêmes. Saint-Martin connaissait déjà de très grandes difficultés en matière de logement, de développement économique, avant Irma », ce qui a donc « aggravé la situation ». « Nous avons eu comme objectif d’accompagner la reconstruction de manière durable. De faire en sorte qu’au prochain cyclone, il n’y ait pas à nouveau des maisons au bord de l’eau qui soient détruites, qu’on ne mette personnes en danger (…). Nous avons fait en sorte aussi à ce que les assurances soient au rendez-vous », explique-t-elle. « Sur la question de la gestion de crise, le gouvernement a été à la hauteur des attentes ».
« Il y a ensuite, sur l’ensemble du territoire français, la prise en compte de ce dérèglement climatique. Il est vrai que c’est compliqué d’être à la hauteur de ce qu’il faudrait faire », reconnait la ministre. « Le monde n’a pas suffisamment pris conscience, malgré la réussite de la COP 21 (…). La France est largement frappée au travers des territoires d’Outre-mer, que ce soit dans l’océan Indien, dans le Pacifique ou l’Atlantique. Il y a une prise de conscience qui doit être plus importante et collective. Mais le gouvernement, dans les mesures prises, est à la hauteur de la réponse pour ces territoires. Cela ne va pas assez vite car on sait qu’on court après un réchauffement climatique qui va plus vite que nous parce qu’on a trop pollué cette terre ».
« La France, dans tous ses bassins maritimes, souhaite pouvoir aider l’ensemble de ces voisins pour se préparer, s’adapter à ces dérèglements climatiques. On l’a fait en Polynésie notamment et on peut le partager avec nos voisins ». « C’est pour ça qu’il ne faut pas reconstruire Saint-Martin de la même manière, c’est pour ça que ça prend un peu plus de temps, c’est pour ça aussi qu’il faut avoir des règles d’urbanisme strictes car on ne peut pas permettre aux populations de construire n’importe où », insiste la ministre qui souhaite faire des Outre-mer des « territoires pilotes en matière écologique et de lutte contre le dérèglement climatique ».
Référendum en Nouvelle-Calédonie :
« L’État a pour mission d’être au rendez-vous de l’organisation ». « La transparence est extrêmement importantes », estime la ministre, sur le sujet de l’arrivée d’observateurs internationaux avec ceux de l’ONU. « On a mis toutes les conditions pour permettre à l’ensemble des électeurs inscrit de venir s’exprimer » rappelle-t-elle en soulignant les dispositifs tels que les bureaux de votes délocalisés. « Ce rendez-vous est historique pour la France et la Nouvelle-Calédonie ».
Pour la suite de son agenda, la ministre des Outre-mer se rendra à Saint-Pierre et Miquelon ce samedi, avec la ministre de la Culture Françoise Nyssen. « Nous aurons des séquences sur le Patrimoine (…) mais également sur la vie culturelle des artistes », explique-t-elle. De son côté, le président de la République est attendu en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin, comme il l’avait prévu l’an dernier, au lendemain du passage de l’ouragan Irma.
L’interview en intégralité ci-dessous :
Eline Ulysse et Tenahe Faatau