Langues régionales: Les députés finissent l’examen d’une proposition de loi… deux mois après

Langues régionales: Les députés finissent l’examen d’une proposition de loi… deux mois après

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L’Assemblée a voté mardi en première lecture une proposition de loi PS en faveur de la promotion des langues régionales, deux mois après le début de son examen, mais le texte verra son parcours s’arrêter là d’ici la fin de la législature, fin février. 

Ce texte, adopté par une majorité transpartisane de 63 voix contre 3, se voulait la dernière chance d’avancer sur ce sujet passionnel, après l’enterrement il y a un an au Sénat, à majorité de droite, de la proposition de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Mais les députés n’avaient eu le temps, le 30 novembre, que de débattre de quatre des sept articles du texte.

Estelle Grelier, secrétaire d’Etat aux Collectivités territoriales, avait en effet souhaité qu' »on en reste là en matière législative » sur les trois principaux points du texte: enseignement, signalétique, médias. Elle s’était notamment opposée à l’article posant le principe d’une reconnaissance de l’enseignement bilingue français-langues régionales, « quelle que soit la durée des enseignements dans ces deux langues ». Il s’agit en l’occurrence d’une reconnaissance des formes d’enseignement « immersif » des langues régionales, comme les écoles Diwan en Bretagne, selon la rapporteure Annie Le Houerou (PS, Côtes d’Armor). Mais, pour Estelle Grelier, dans l’enseignement « où un grand nombre de dispositifs existent déjà », notamment au collège, « la loi est allée jusqu’au bout de ce qui était permis ». Le Conseil d’État avait affirmé que « l’enseignement à parité horaire en langue française et en langue régionale était la limite extrême de ce qui peut être fait dans le service public », avait-elle rappelé.

Quant à l’article proposant que la presse en langue régionale soit éligible aux mêmes aides que celle en langue française, elle avait objecté que « cela existe déjà ». Le texte prévoit, à la demande de la région, la généralisation sur tout ou partie de son territoire de la signalétique bilingue ou plurilingue dans les services publics. Enfin, il élargit les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à la promotion des langues et cultures régionales.

Les Outre-mer: nids de langues régionales et vernaculaires

Les Outre-mer représentent un nid des langues régionales au sein de la République française, avec le Créole -martiniquais, guadeloupéen, guyanais, réunionnais-, les langues Kanak, le Wallisien, le Futunien ou encore, le Tahitien. En Polynésie française, la langue tahitienne est enseignée dès la primaire, utilisée à parité tant sur le service public radio et télé que chez TNTV, chaîne territoriale, et institutionnalisée depuis la création dans les années 70 de l’Académie tahitienne (Fare Vana’a). Néanmoins, le territoire compte six autres langues vernaculaires : le Marquisien du nord, le Marquisien du sud, le Mangarévien (archipel des Gambiers), le Pa’umotu (archipel des Tuamotu), le Rapa et la langue de l’archipel des Australes. Ces dernières ne sont pas institutionnalisées au même titre que le Tahitien mais pratiquées dans leurs zones géographiques respectives. Le Tahitien fait toutefois face à un net recul dans sa pratique et de nombreux experts alertent sur une possible disparition de la langue.

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En Nouvelle-Calédonie, on compte une trentaine de langues Kanak. Une académie a par ailleurs été créée récemment et l’enseignement des langues Kanak a été actée depuis l’adoption de la charte de l’éducation calédonienne, devenue compétence territoriale en 2010. Enfin, le Créole, qu’il soit martiniquais, guadeloupéen, guyanais ou réunionnais, est largement pratiqué, dès le plus jeune âge et ce, bien avant le français. Aux Antilles par exemple, le Créole est la première langue, que ce soit à l’école ou dans le cercle familial, bien avant le français.

Avec AFP.

Qu’est-ce que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ?

Adoptée avec la convention européenne de 1992, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a pour but de protéger et favoriser les langues historiques régionales et les langues des minorités en Europe. Cette charte s’applique essentiellement aux langues parlées par une minorité, ou des ressortissants des groupes ethniques d’une partie d’un État européen.

Il y a d’une part, les langues régionales: parlées localement au sein même de l’État et distinctes de la langue officielle de l’Etat (comme le Breton, le Corse, le Flamand, le Tahitien). Et d’autre part, les langues minoritaires, parlées par une minorité ethnique importante implantée dans un Etat (comme l’Allemand au Danemark). Cependant, l’expression « langues régionales ou minoritaires », au sens de la Charte, « n’inclut ni les dialectes de la (des) langue(s) officielle(s) de l’État ni les langues des migrants » (Article 1 de la Charte).

A ce jour, 24 pays européens ont signé et ratifié la charte: Allemagne, Espagne, Pologne, Danemark, Croatie, Arménie, Ukraine, Slovénie, Slovaquie, Serbie, Roumanie, Pays-Bas ou encore, Norvège. La France a signé la charte, mais ne l’a pas ratifiée, c’est à dire que le Parlement ne l’a pas (encore) adoptée. Néanmoins, la France doit tenir un certain nombre d’engagements, notamment en matière d’enseignement, afin d’honorer cette signature.