L’ancien ministre Dominique Perben explique son rapport sur « l’avenir de la profession d’avocat » et ses eventuelles applications en Outre-mer

L’ancien ministre Dominique Perben explique son rapport sur « l’avenir de la profession d’avocat » et ses eventuelles applications en Outre-mer

Le 26 août dernier, Dominique Perben, ancien ministre des Outre-mer et ministre de la Justice, a rendu son rapport sur « l’avenir de la profession d’avocat ». Commandé par Nicole Belloubet, il propose 13 mesures « très concrètes » pour améliorer la situation de la profession. Interrogé par la rédaction d’Outremers360, Dominique Perben explique les grandes lignes de ce rapport et ses éventuelles applications en Outre-mer. 

Quelles ont été les raisons de ce rapport ? 

Ce rapport m’a été demandé début mars 2020, à un moment où le mouvement de protestation des avocats contre la réforme des retraites était très fort. L’idée était de réfléchir avec la profession sur comment mieux assurer l’équilibre économique des cabinets d’avocats, pour éviter que la réforme des retraites ne vienne s’ajouter à une situation déjà dégradée. L’arrivée de l’épidémie a retardé la réalisation de mon rapport, finalement rendu le 26 août.

En 2017, Kami Haeri avait déjà rendu un rapport sur la profession, intitulé « L’avenir de la profession d’avocat », quelles sont les différences entre ce rapport et le vôtre ? 

Mon propos était de proposer une série de mesures très précises, concrètes et susceptibles d’être rapidement mises en œuvre. Le rapport est court et il ne s’agissait pas pour moi de faire un grand bilan de la profession mais de dégager rapidement un certain nombre de mesures susceptibles d’améliorer la situation, à court-termes et à moyen-termes, des cabinets d’avocats qui en ont besoin. C’est à la fois moins ambitieux mais tout de même plus précis, technique et pratique.

Dans votre rapport, vous formulez treize propositions, très concrètes donc, est-ce que vous pourriez citer deux ou trois mesures, les plus emblématiques ? 

Sur l’aide juridictionnelle par exemple, je propose que le montant de l’unité de valeur passe de 32 à 40 euros, et par ailleurs je propose qu’on tienne davantage compte des frais de déplacement des avocats ou une meilleure rétribution des médiations et conciliations qui sont jusqu’ici mal rémunérées. Cela signifie une augmentation de l’ordre de 25% du montant de l’aide juridictionnelle.

Un autre élément très concret : la mise en place d’un système d’assurance obligatoire à apporter aux collaborateurs licenciés. Il s’agirait d’une aide équivalente à l’assurance-chômage des salariés, mais les avocats collaborateurs n’étant pas salariés, l’assurance-chômage ne peut pas s’appliquer. Nous proposons que les cabinets soient obligés de contracter une assurance qui permettra d’apporter une rémunération complémentaire aux collaborateurs en rupture de contrat.

Voilà donc deux mesures très concrètes et précises de ce rapport.

Vous proposez aussi de conférer la force exécutoire aux actes contresignés par avocats dans le cadre des MARD. Pourriez-vous nous expliquer cette mesure ?

C’est uniquement dans ces cas très précis. C’est-à-dire dans les cas de médiation, de conciliation et de procédure participative. Il s’agit pour les avocats de pouvoir se passer, pour que leur accord soit exécutoire, du tampon du juge. Aujourd’hui, dans ces cas-là, il faut faire valider le contrat, l’accord entre deux avocats par un magistrat. Et donc cela consiste à permettre, dans ces cas précis, de se passer de la validation par un magistrat.

Ce rapport vous a été demandé par l’ancienne ministre Nicole Belloubet. Ce 26 août vous l’avez rendu au nouveau ministre Éric Dupont-Moretti, lui-même avocat de profession. Est-ce un plus pour la concrétisation de vos propositions ? 

Il faudra lui poser la question. Effectivement Éric Dupont-Moretti a été avocat pénaliste et Nicole Belloubet, Professeure de Droit. Ils sont tous les deux des positions de juristes et je pense que Mr Dupont-Moretti sait qu’il est devenu ministre mais il a une connaissance très pratique et concrètes des problèmes des avocats. Il est encore plus intéressé par ces propositions.

Que peut-on dire des avocats en Outre-mer : ce rapport les intéresse-t-ils également ? 

Bien sûr ils sont concernés au même titre que les avocats de l’Hexagone. D’autant que les propositions de ce rapport sont importantes pour les avocats qui exercent au contentieux et qui font ce qu’on appelle du judiciaire, c’est-à-dire qui interviennent devant des tribunaux. Elles concernent moins les avocats qui font du conseil, ce qu’on appelle les avocats d’affaires. Je pense qu’en Outre-mer, la plupart des cabinets sont des avocats qui font beaucoup de judiciaire et ces propositions peuvent tout à fait les intéresser.

Est-ce que ces mesures seront appliquées de la même façon en Outre-mer, par rapport à l’Hexagone, ou est-ce qu’on doit s’attendre à des particularités et des spécificités liées au statut des territoires ? 

Il faudra voir ce que le ministre fera de ces propositions. C’est lui qui décidera les mesures qu’il retient. Certaines mesures demandent des interventions législatives, d’autres simplement des décrets réglementaires. À voir ensuite s’il y a des particularités à prendre en compte en Outre-mer. À ma connaissance non, mais il appartiendra au ministre de regarder.

Une question plus générale sur le métier d’avocat : selon votre expérience d’avocat mais aussi de ministre de la Justice et des Outre-mer, quelles sont les difficultés ou avantages d’exercer en Outre-mer ?

Les avocats ultramarins sont très tributaires de l’activité des juridictions. Lorsque celles-ci sont très encombrées, ce qui malheureusement est souvent le cas, cela a des répercussions sur les activités des cabinets d’avocats. Des situations de ralentissement de l’activité à cause de la pandémie, c’est également quelque chose qui touche beaucoup les cabinets ultramarins.

Pour conclure, votre rapport est désormais entre les mains du Ministère de la Justice, il est entré dans le « temps politique », mais auriez-vous des précisions sur le calendrier qui va être mis en place ? 

Pour les mesures à caractère législative et particulièrement celles concernant le secret professionnel des avocats, j’ai attiré l’attention du ministre sur l’urgence de préparer un texte très vite dans la mesure où il reste un an et demi de quinquennat. Compte tenu de l’agenda parlementaire et de son encombrement, je pense qu’il est très important que le texte sur le secret professionnel des avocats soit mis au point le plus rapidement possible.

Les mesures sur les aides financières comme l’aide juridictionnelle, c’est une question de discussion du ministre de la Justice avec le ministre des Finances, sans doute sous l’arbitrage du président de la République. Mais c’est une décision qui peut aller très vite également. De même que le texte sur le système d’assurance pour les pertes des collaborateurs. Je pense que l’essentiel du rapport pourrait être mis en œuvre avant la fin de l’année, je le souhaite en tous les cas.

Rapport Dominique Perben