La courte campagne de la primaire de la gauche bat son plein. Le premier débat aura lieu ce soir et tous les projets des candidats sont maintenant connus.
On cherche en vain la place accordée aux Outre-mer, pourtant un réservoir de voix essentiel à la gauche dans toutes les élections présidentielles depuis la victoire de de Mitterrand en 1981. On sait que la victoire de François Hollande en 2012 doit beaucoup aux votes des ultramarins, en particulier des Réunionnais.
Pourtant, parmi les 4 principaux candidats socialistes, seul Manuel Valls consacre un projet pour les Outre-mer, dont il vient de dévoiler les grandes lignes aujourd’hui même. Vincent Peillon se contente de quelques lignes dans sa rubrique sur l’égalité entre les territoires. Benoit Hamon et Arnaud Montebourg semblent les avoir oubliés.
Nul doute que le vainqueur de la primaire effectuera des voyages ultramarins et jurera son amour des Outre-mer durant la campagne présidentielle qui débutera en février. Alors pourquoi si peu d’inventivité des candidats socialistes de la primaire sur ce sujet ? Les rares propositions, quand elles existent, se réduisent pour l’instant à la continuation de la politique menée depuis 2012. Sauf l’ancien Premier ministre qui souhaite aller encore plus loin dans le domaine économique et social pour les Outre-mer et l’Hexagone. Il propose notamment la création d’un Fonds d’intervention en faveur de l’Egalité réelle en Outre-mer, dotée d’au moins 1 milliard d’euros sur cinq ans, et la mise en place d’un statut fiscal spécifique aux Outre-mer (zones franches)…
La loi sur l’égalité réelle, portée par la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts, et initiée dans une belle unanimité au CREFOM, atterrit le 17 janvier en séance publique au Sénat. Et malgré l’implication très forte de la ministre et l’assiduité totale du Sénateur Michel Magras pour aboutir à un consensus le plus large, les effets de cette loi auraient été plus certains et plus efficaces si elle avait été mise en œuvre et expérimentée deux ou trois ans auparavant.
Avant même la primaire, la convention d’investiture PS en décembre dernier de près de 400 candidats socialistes pour les élections législatives avait été fort décevante. On note une absence totale d’effort de ce parti pour améliorer la représentativité des ultramarins hors outre-mer, effort qu’il avait su faire dans le passé.
En 2012, trois députés ultramarins sont élus hors outre-mer, ce qui était déjà bien peu. Il s’agissait de trois femmes socialistes : George Pau Langevin à Paris, Hélène Geoffroy dans le Rhône, et Corinne Narassiguin pour les Français de l’étranger. Les deux premières sont entrées au gouvernement en 2012 et 2016 respectivement, la troisième a été boutée hors de l’Assemblée Nationale début 2013 par le Conseil Constitutionnel, dans des circonstances discutables. Elle est depuis devenue une des porte-paroles du Parti Socialiste. Dans les autres partis, rien, pas un député ultramarin, hormis ceux élus dans les Outre-mer, ce qui est bien la moindre des choses.
Pour 2017, le recul est net. A l’heure actuelle au Parti Socialiste, seule George Pau Langevin est investie dans sa circonscription parisienne, Hélène Geoffroy ayant décidé de se consacrer à sa mairie de Vaulx-en-Velin. On peut aussi citer Patrice Bédier, né à la Réunion et grandi en pays albigeois, candidat dans le Tarn dans une circonscription tenue par la droite. Pour l’instant aucun autre candidat d’origine ultramarine n’est investi ou annoncé dans une circonscription de l’Hexagone ou des Français de l’étranger.
Il faut déplorer par ailleurs que pour gagner son investiture, George Pau Langevin ait dû combattre une coalition hétéroclite du 20e arrondissement de Paris composée de militants de l’aile droite du parti, de soutiens des frondeurs et de proches d’Anne Hidalgo, unis dans une convergence d’intérêts de petits arrangements parisiens sans aucune cohérence politique. Il est regrettable qu’aucun responsable national du PS ne se soit engagé publiquement pour soutenir George Pau Langevin, alors qu’elle a été une ministre méritante, qu’elle a auparavant été une bonne députée, et que par ailleurs en tant que rare ultramarine élue dans l’Hexagone et ancienne ministre des Outre-mer, son éviction de sa circonscription n’aurait pas été comprise par les millions d’ultramarins des Outre-mer et de l’Hexagone.
Le parti Les Républicains présente Babette de Rozières à Paris dans une circonscription très difficile à gagner pour la droite: la 17ème, à cheval entre les XVIIIe et XIXe arrondissements de la Capitale. On peine à trouver d’autres candidats ultramarins hors outre-mer pour les investitures encore à venir. Il est difficile de croire que les avancées en nombre d’élus viendront cette fois-ci de ce côté de l’échiquier politique.
Il reste encore du temps pour faire des efforts supplémentaires dans tous les partis.
Non pas pour un affichage symbolique, mais parce que la France prendra mieux sa place dans le monde si elle sait s’appuyer pleinement sur toutes ses forces ultramarines. Penser les Outre-mer pour le 21e siècle, c’est réfléchir au delà des inégalités territoriales qui leur sont spécifiques, c’est savoir les intégrer pleinement à toutes les politiques nationales comme le fait à propos Jean-Luc Mélenchon. On peut imaginer continuer à développer les intégrations régionales dans le cadre de nos stratégies internationales comme le préconise la récente loi Letchimy sur la Coopération régionale, adoptée par le Parlement et réclamée par des élus comme Antoine Karam et Maina Sage, y compris dans les liens à développer avec les réseaux de Français de l’étranger. Une piste qu’avait ouverte en 2012 Corinne Narassiguin lors de ses premiers pas à l’Assemblée Nationale. Cette jeune Réunionnaise issue du secteur des technologies de l’information avait fortement marqué de son empreinte un sujet important qui aurait dû être repris par les divers partis politiques, la mobilité internationale des jeunes ultramarins. D’autant que les ultramarins sont des gens particulièrement mobiles, en France hexagonale et à l’étranger, ils pensent monde.
C’est en cela que les parlementaires ultramarins élus hors outre-mer apportent une contribution utile et nécessaire.
Les candidats à la présidentielle, quel que soit le parti, prennent toujours grand soin à courtiser les électeurs ultramarins car ils connaissent leur poids électoral. Mais célébrer les Outre-mer comme partie intégrante de la diversité de la France, c’est aussi reconnaître que les très nombreux ultramarins d’Hexagone et de l’étranger méritent eux aussi d’être mieux représentés au parlement.
Luc Laventure, Outremers360