Juppé à la rencontre d’un panel d’associations d’outre-mer

Juppé à la rencontre d’un panel d’associations d’outre-mer

Conscient de la place centrale que vont occuper les outre-mer dans la France du 21ème siècle, Alain Juppé prêtait hier une oreille attentive aux propositions faites par un panel d’associations d’outre-mer. L’homme politique ne veut pas se précipiter. Pour lui, il est indispensable de faire le point sur les attentes de ses concitoyens.

« Que voulons-nous pour les outre-mer » ?

Alain Juppé arrive de Rennes, où il a rencontré les agriculteurs de la région quelques heures plus tôt. « Excusez mon retard, je sors du train ». Aucun signe de fatigue apparent pour l’ancien Premier Ministre venu échanger hier soir avec les représentants du monde associatif des communautés wallisienne, polynésienne, néo calédonienne, antillaise, réunionnaise et guyanaise. Dans son nouveau QG de campagne, un appartement du 7ème arrondissement, pas d’accras, pas de champagne. Pas besoin pour se sentir « à l’aise » avec la communauté ultramarine qu’il connait particulièrement bien et avec laquelle il souhaite vivement échanger pour co-construire son programme.

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Loin d’un habituel débat « question-réponse », animé par Laurent Laviolette et Marie-Christine Ponamale (outremers360°), Alain Juppé a insisté pour établir une liste des priorités concernant les outre-mer : développement économique, continuité territoriale, éducation, sécurité… Pendant deux heures et dans une ambiance à bâtons rompus, l’actuel Maire de Bordeaux s’est entretenu sans faux semblants avec les acteurs de cette réunion.

Cette rencontre s’inscrit dans la continuité d’une série d’entretiens engagés en 2015 avec différents acteurs ultramarins (entrepreneurs et professionnels de la culture notamment). C’est aussi une étape au milieu de ses derniers déplacements en outre-mer, en décembre dernier à Mayotte et à La Réunion, qui se poursuivront cette année en Guyane, aux Antilles et dans le Pacifique.

Continuité territoriale, sécurité et éducation

Le débat d’idées commence avec la prise de parole de Penisio Lutui et Paulo Lape : quelles prises en charge pour les wallisiens qui viennent se faire soigner en Hexagone ? Alain Juppé interroge son Directeur du groupe de travail outre-mer, Dominique Perben. Qu’est-il possible de mettre en place avec la CMU (Couverture Maladie Universelle), pour améliorer la prise en charge des patients wallisiens ?

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À son tour, Malia Lappé de Wallis et Futuna, pose le problème des billets d’avions : « 3000€ de Wallis à Paris, c’est un prix exhorbitant !». Un jeune martiniquais prend le relais pour raconter son parcours : il a commencé ses études en Martinique et les a poursuivies à Paris non sans difficultés. « Je suis conscient d’avoir beaucoup de chance ». S’il a pu faire le déplacement, ce n’est pas le cas de tous les jeunes martiniquais qui ne peuvent pas assurer le coût de leurs déplacements. Malia reprend la main : « l’Etat aide, oui, mais à hauteur de 30%. Ce n’est pas grand chose au prix d’un billet Wallis-Paris ». Dominique Perben n’en perd pas une miette. Il note consciencieusement les constats posés, et écoute avec une grande attention les réactions de l’ancien Premier Ministre. « Il faut déterminer quels sont les problèmes pour chaque territoire ». Il est impensable de vouloir appliquer la même législation à des territoires dont les spécificités sont différentes.

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Cela s’applique également à la fiscalité, notamment à Mayotte, où les habitants ne peuvent pas suivre le régime fiscal imposé en Hexagone. Alain Juppé revient sur son déplacement en décembre. Il en retient un « grand sentiment d’inquiétude », partagé par les représentants de Mayotte. Pour lui, « la départementalisation c’est bien », mais seule, elle ne suffit pas. Il faut que cela s’accompagne de mesures qui prennent en compte les réalités de l’île. D’abord, l’insécurité : contrôler l’immigration est un enjeu majeur pour régler ce problème. Mais ce changement ne se fera pas en un claquement de doigt. La départementalisation de Mayotte ne se résume pas à la modification de son statut.

« Pour nos parents, l’éducation était quelque chose de primordial. Aujourd’hui, on voit des enfants déambuler dans les rues à toute heure de la journée » soutient Ousseini Toumbo. Alain Juppé affirme: « il y a un énorme déficit au niveau de l’éducation à Mayotte. Bien sur, il faut faire un effort pour construire des établissements qui permettront d’accueillir toutes ces personnes ».

Le tourisme et le numérique : deux secteurs clés

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Pour Vincent Vallez, avocat spécialisé en droit des affaires, le secteur de l’éducation outre-mer n’est pas suffisamment valorisé. Il prend l’exemple de l’école hôtelière du Gosier en Guadeloupe « et on envoie les jeunes se former à Punta Cana ». Le Maire de Bordeaux est bien d’accord. Il va plus loin : c’est tout le secteur du tourisme qu’il faut développer et valoriser. « Il faut que tous les secteurs prennent conscience de l’essor que susciterai le développement du tourisme en outre-mer ». Plusieurs intervenants vont dans son sens : « cela ne s’arrête pas aux hôtels et aux agences de voyage. Ça concerne tout le monde ».

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Autre secteur clé du développement économique des outre-mer : le numérique et ses nouveaux emplois et services, pour créer de nouvelles dynamiques locales d’économie et de développement. Le numérique et les modes d’accès à l’information qui lui sont liés, pour repenser les problématiques d’éloignement, de coûts tarifaires des déplacements et dans certains cas, les problèmes d’isolement et d’accès aux transports locaux.

Philippe Jean-Pierre, économiste et acteur de l’innovation à La Réunion, fait par ailleurs le point sur les atouts dont dispose La Réunion dans ce domaine, non seulement en termes d’infrastructures, mais aussi dans son capital humain. Il insiste notamment sur le fait que « l’économie de l’innovation dans toutes ses dimensions stratégiques apparaît comme la pierre angulaire pour d’une part, accélérer l’émergence des nouveaux moteurs et, d’autre part, consolider les piliers traditionnels de la croissance des territoires ultramarins». Un dialogue s’instaure entre l’économiste et l’ancien Premier Ministre.

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« La Réunion est une île pleine de ressources. Son capital humain, géographique, environnemental est extraordinaire, et de mieux en mieux exploité ». Mais attention ! Le numérique doit se développer de manière contrôlée. Il faut que cela favorise l’émergence d’emplois, sans que d’autres ne disparaissent. Il insiste toutefois sur la capacité du numérique à pallier les contraintes spécifiques aux territoires ultramarins : le chômage, l’emploi, et bien évidemment l’insularité.

C’est au tour de Cynthia de Jaham de prendre la parole : « le numérique représente un secteur stratégique majeur pour les outre-mers et peut devenir une source de développement économique et d’emploi de premier plan ». Alain Juppé et son équipe acquiescent : « il est vital que les économies ultramarines prennent le virage du numérique et de l’innovation », car ce secteur dématérialisé, est insensible aux contraintes liées à l’éloignement géographique, qui représente habituellement un frein à l’essor de nos économies.

« Le numérique est une alternative à la mobilité physique ». Il irrigue tous les domaines de la société et n’est pas neutre. Alain Juppé tient à étudier cette question en profondeur, pour en faire un volet spécial dans son programme concernant les outre-mers.

Revivre la soirée

Outremers 360° qui avait reçu l’exclusivité pour faire partager cette rencontre avec les ultramarins a sélectionné pour vous les meilleurs tweet de la rencontre avec Alain Juppé :

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Crédits photos : Charles Baudry, Auriane Calambe, Yama Darriet, Cynthia de Jaham, outremers 360°