A un an des municipales, les intercommunalités réfléchissent et s’engagent sur la gestion des déchets, les plans mobilité, la gestion de l’eau, le verdissement des villes, les politiques du logement. Affronter les nouveaux risques climatiques oblige à de nouvelles approches.
A Vias (Hérault) du 11 au 14 Juin se déroulait l’INTERCO’ Outre-mer, un congrès ciblé sur « l’alchimie terre et mer, quelles solutions pour nos territoires ? », présidée par Mikidache Houmadi, vice-président de la communauté de communes de Petite Terre. Elus, experts et conseillers étaient reçus par la Communauté d’agglomération de l’Hérault, son vice-président Jordan Dartier maire de la commune de Vias, et par Gilles Dettore, président de l’agglo Hérault Méditerranée et maire d’Agde première destination touristique de l’hexagone, passant de 28.000 habitants en hiver à 300.000 en été.
Des préoccupations communes
A horizon 2021, les élus méditerranéens sont confrontés à la mise en œuvre d’un nouveau plan. Il doit redéfinir l’offre touristique d’une côte urbanisée suite au plan Racine datant des années 60. Parallèlement, les Droms devront avoir bouclé leur plan stratégique de façade à peu prés aux mêmes dates, la Martinique et la Guadeloupe, avoir trouvé la solution finale à la question des 50 pas géométriques tout en étant confrontées à la crise sans précédent de l’invasion par les sargasses.
Face aux risques, une réponse collective des communes s’impose. Il y a quelques années chacune répondait avec ses propres moyens n’hésitant pas à construire des protections qui venaient pénaliser la plage voisine. Quand la mer monte, et que le « repli stratégique » est difficile, voire impossible, du fait des limites lagunaires ou des flancs de la montagne les cinq îles outre-mer et la Guyane ont pu confronter leurs réponses et questionnements à ceux des élus de la côte sableuse Méditerranéenne.
Un chemin se dessine
Le fait est désormais établi : les journées se sont déroulées sans aucune remise en question du réchauffement climatique, ou de la montée des eaux. Le débat s’amorce quand il s’agit de dessiner « la boite à outils » et de considérer les nouvelles lois, avec leurs qualités mais aussi leurs défauts.
Parmi les élus présents : Mikidache Houmadi, Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte, Laure Phinera –Horth maire de Cayenne et vice-présidente de l’Interco, Jean François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, spécialiste de la loi littorale, le député de Vendée Stéphane Buchou en charge d’une mission confiée par le premier ministre sur l’adaptation des territoires littoraux à l’évolution du trait de côte, Joseph Peraste, maire du Marigot.
Le constat est partagé : « nous cheminons ». Or l’évolution est de plus en plus rapide. Pierre Bouldoire vice-président de la commission départementale héraultaise s’est d’ailleurs félicité du titre choisi pour la rencontre « le terme alchimie introduit du mystère et de l ‘ancienneté…Ce mot à définition précise désigne quelque chose d’imprécis. Pour parler du rapport entre terre et mer nous ne savons pas encore très bien ce qui se passe là » Quant au savoir ultramarin, il est très récent « l’Outre-mer ne regardait pas vers la mer et les hommes avaient plutôt tendance à s’en éloigner à cause des dangers. C’est avec le développement de l’économie que se sont imposés les nécessités d’organisation du littoral »
Au cours des tables rondes qui ont tenté de répondre à la question « Le Littoral quel urbanisme pour demain ? » , la Guyane, la Martinique espace sud et CAPNOR, Mayotte ont présenté des tentatives de relocalisation ; Grâce aux actions du Conservatoire du littoral, des cheminement littoraux se dessinent mais il faudra peut être déplacer le centre des communes; les régions Guadeloupe et Martinique discutent encore des dernières mesures à prendre concernant la gestion des cabanons sans titre des 50 pas géométriques, désirant n ‘être pas seules à assurer les risques. En outre les habitants et les « délocalisés » veulent savoir ce que vont devenir les terres qu’ils ont abandonnées et si elles vont être revalorisées économiquement ; En arrière-pays, GEMAPI organise la gestion des eaux afin d’éviter les inondations liées à la rencontre de la montée de la mer et des écoulement violents des aux fluviales ; A Mayotte une police environnementale devrait aider les associations à protéger la biodiversité marine.
Les lois changent aussi
Si la loi littorale, parfois menacée de modifications reste fondatrice, la loi NOTRE ne fait pas l’unanimité, et si les INTERCO gèrent encore SCOT et PLU, les régions avec le SRAET pourraient avoir le dernier mot ? Bref, un ensemble qui bien souvent se contredit, et un nombre de textes « invraisemblable » qui rend selon la Guadeloupe l’expérimentation difficile, voire impossible dans ces cadres contraints.
L’autre grand débat porte sur la culture du risque et la maîtrise foncière
« Nous avons en commun de vivre depuis des années avec le risque. Le défi des parlementaires est de savoir si l’on veut continuer à vivre avec le risque ou si l’on interdit toute forme de vie sur le littoral ? » lance Jordan Dartier. La mission Racine en Méditerranée avait ignoré le risque. Peut on renouer avec cette culture ? Les leçons du passé et le savoir des anciens perdurent-ils ?
Le monde est en transition. Souvent certains semblent oublier que l’urbanisme, les villes, étaient construites en dehors des bandes littorales ; que les populations d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier et que le recours au droit a évolué. Rendrait-on, au moment de l’éruption de la montagne Pelé, le maire pénalement responsable ? Pourrait-on aujourd’hui rebâtir Saint Pierre au même endroit ? Les outils de la résilience mieux connus sont à appliquer et le modèle d’aménagement est à réinventer.
Le développement des territoires suppose l’implication de tous
Ce qui autorise Saïd, Maanrifa Ibrahima vice-président de la Communauté de communes du centre ouest de Mayotte à affirmer « les mesures ne doivent pas être imposées depuis Paris, elles ne répondent pas aux défis locaux » soulignant les risques actuels liés à l’émergence du nouveau volcan sous marin.
Les associations d’élus devraient davantage aller au plus proche des citoyens. Déjà l’AdCF (réseau national des Interco) travaille à un rapport bientôt disponible, sur les malaises produits par la loi NOTRE auprès des maires qui se sentent plus ou moins évincés, surtout ceux des petites communes. Mais si la gestion souvent encore en silo des dossiers classiques (déchets, eau…) est assurée, l’élu demande « qu’on ne m’enlève pas mes prérogatives, mais que l’on me donne plus d’intelligence pour comprendre la complexité du territoire, et c’est cela le vrai rôle de l’Interco » précise Philippe Schmit , secrétaire général d’AdCF. Les enjeux sont de plus en plus compliqués, maintenant il va falloir faire des choix.
Dominique Martin-Ferrarri, Métamorphoses Outremers