INTERVIEW POLITIQUE- Michel Magras, Sénateur de Saint-Barthélémy: « Il ne peut avoir de différenciation territoriale réussie que si les populations locales sont prêtes »

INTERVIEW POLITIQUE- Michel Magras, Sénateur de Saint-Barthélémy: « Il ne peut avoir de différenciation territoriale réussie que si les populations locales sont prêtes »

A l’orée de sa passation de mandat avec la nouvelle sénatrice Micheline Jacques élue le 27 septembre 2020, Michel Magras, revient pour Outremers 360 sur ses 12 années passées au sein du Palais du Luxembourg. Il exprime également ses espoirs pour la relation de la Collectivité de Saint-Barthélémy et l’Etat mais aussi sur son dernier rapport autour de la différenciation territoriale dans les Outre-mer.

Comme dernier acte de sa mandature, le Sénateur Michel Magras a récemment remis un rapport sur la Michel Magras, un rapport sur la différenciation territoriale outre-mer. Après avoir auditionné l’ensemble des présidents des collectivités ultramarines, il réunit plusieurs contributions et propositions pour dépasser la logique binaire actuelle des articles 73 et 74 de la Constitution. Si cette thématique est aujourd’hui très prégnante dans le débat politique, Michel Magras reconnaît qu’il existe un « blocage d’ordre constitutionnel». « C’est la réforme de la Constitution qui va permettre la mise en oeuvre pratique de cette différenciation. Les Gouvernements ont essayé beaucoup de chose : notions d’expérimentation, d’adaptation, d’habilitations à réformer. Ces notions ne me semblent pas suffisantes pour aller au bout du système».

Selon Michel Magras, il est nécessaire de réécrire les articles 73 et 74 régissant les différents statuts des collectivités ultramarines en un seul. Cet article unique pourrait ainsi « d’un côté définir les compétences régaliennes de l’État, et de l’autre côté donner la possibilité de définir aux Outre-mer d’avoir un statut à la carte, avec les compétences que chacun déciderait d’exercer et sur lesquelles l’Etat pourra nous accompagner. Cette possibilité de statut à la carte donne une capacité à évoluer très large, rien n’est figé ». Si politiquement, la question de la différenciation territoriale est unanime, l’approbation des populations reste essentielle. « Il ne peut avoir de différenciation territoriale réussie que si les populations locales sont prêtes ».

Favoriser davantage « la culture outre-mer» que le «reflexe outre-mer »

Permettre les territoires d’adapter les règles à leurs réalités locales est une manière de favoriser la culture outre-mer. Un concept qui se situe en opposition à celui de réflexe outre-mer, développé par le gouvernement ces dernières années. « Je n’aime pas qu’on parle des Outre-mer quand on est piqué et qu’il faut réagir. Il faut développer au niveau national, une vraie culture outre-mer. Je crois qu’il faut arriver à mettre dans le cursus des hauts-fonctionnaires des modèles de droit outre-mer car n’importe quel fonctionnaire peut être appelé à exercer en outre-mer. C’est valable aussi pour nos collectivités locales, pour les personnes qui vont participer à l’administration d’une région, d’un département et d’une collectivité. C’est à nous de faire naître au niveau national, cette culture outre-mer »

«Le Sénat est assez stable comme institution»

Après deux mandatures, Michel Magras tire un bilan positif sur la Chambre haute. Parmi les multiples dossiers nationaux et ultramarins traités durant ses deux mandatures, Michel Magras retient ses combats pour « parfaire l’évolution statutaire de Saint-Barthélémy» à travers l’écriture de deux lois organiques, les amendements pour supprimer la Taxe Chirac pénalisant sur les aéroports ultramarins. Mais le sénateur garde surtout en mémoire les 15 jours de débat dans l’hémicycle autour de la baisse du coût de l’itinérance sur les frais de téléphonie mobile. « Cela a été un débat très difficile. Ce n’était pas une mission gagnée d’avance car le gouvernement s’y était frottée mais n’avait pas réussi. En mettant tout le monde autour d’une table et en multipliant les réunions, nous avons réussi au moins sur la téléphonie,sur le roaming. Je suis assez fière d’être à l’origine des amendements qui ont permis de diminuer cette taxe».

«Le Sénat est assez stable comme institution. C’est absolument formidable pour la France. Le renouvellement par moitié permet de garantir la continuité de l’institution, et ne fait pas perdre les dossiers qui sont en cours. Nous sommes capables de trouver des unions ou des consensus sur des textes où s’il s’agissait de battre l’autre pour prendre sa place, on ne pourra pas avancer.», précise-t-il.

Après avoir dressé un bilan de l’ensemble de ses mandats politiques, le sénateur de Saint-Barthélémy se tourne maintenant vers une retraite bien meritée. «Comme le colibri, j’ai apporté ma petite goutte même si ca n’éteindra pas l’incendie. Je pense avoir fait ma petite part (…) mais plus de politique, je laisse ma place aux jeunes. Sortir à cet instant, c’est-à-dire au mieux de ma fonction, je pense que c’est un choix raisonnée, et en accord avec moi-même».