INTERVIEW POLITIQUE : « Je continuerai à servir la Guyane, mais autrement », assure le sénateur Antoine Karam

INTERVIEW POLITIQUE : « Je continuerai à servir la Guyane, mais autrement », assure le sénateur Antoine Karam

La rédaction d’Outremers360 lance, ce vendredi 11 septembre, son rendez-vous « INTERVIEW POLITIQUE ». Pour cette première édition, c’est le sénateur de Guyane Antoine Karam, qui fut également conseiller municipal de Cayenne, conseiller et président du Conseil régional, qui se confie et fait le point sur sa carrière politique. Antoine Karam a en effet annoncé son retrait de la vie politique pour le lendemain des sénatoriales du 27 septembre prochain.  

Après plus de 40 ans de carrière politique, dont six ans en tant que sénateur de Guyane, vous avez annoncé votre retrait de la vie politique après les sénatoriales du 27 septembre. Comment vous sentez-vous aujourd’hui, en regardant toutes ces années d’engagement politique ? 

J’ai présenté avec humilité et fierté mon bilan de mandat de sénateur en ce qu’il s’inscrit dans le prolongement de plus de quarante ans d’engagement politique au service de la Guyane. Je pars aujourd’hui serein. Bien entendu, tout n’a pas été parfait, il y a eu des succès et forcément quelques déceptions.

Dans la vie d’élu guyanais que j’ai menée, j’ai eu souvent le sentiment frustrant de ne pas être assez entendu par l’Etat, en tout cas jamais en temps et en heure. Santé, éducation, logement, insécurité, immigration ou trafic de drogue sont autant de sujets sur lesquels j’ai alerté le gouvernement ces dernières années avant qu’ils n’éclatent et que la rue ne s’en empare. Ce mandat de sénateur a fini de me convaincre de la nécessité d’évoluer sur le plan statutaire car dans bien des cas, c’est le droit commun qui entrave les solutions les plus adaptées à nos réalités.

Lorsque le gouvernement aura compris qu’il ne peut pas gérer la Guyane comme la Lozère, le Gard ou le Finistère, alors peut-être serons-nous capables d’agir plus efficacement dans le quotidien des Guyanais.

Vous avez travaillé sur la loi Égalité Outre-mer de 2017, sous le quinquennat de François Hollande, qu’est-ce que cette loi a apporté en termes de concret à la Guyane et plus généralement aux Outre-mer ? 

Je l’ai dit à l’époque, je réfute ce terme d’égalité réelle. L’égalité, elle est ou n’est pas, le reste n’est que sémantique superflue. Par ailleurs, nous le disons insuffisamment mais nos territoires ne quémandent rien, ils exigent simplement la juste reconnaissance de leurs réalités géographiques, humaines, économiques et sociales.

La loi égalité réelle visait la convergence entre l’hexagone et les outre-mer. A l’arrivée, c’est un texte aux dispositions disparates et surtout sans ambition budgétaire qui a été adopté. Cela étant, la loi a mis en place des outils de planification intéressants – les plans et contrats de convergence – dont les territoires doivent s’emparer pour organiser leur développement.

Parmi les dossiers et sujets sensibles en Guyane, il y a la question de l’exploitation aurifère. Quelle est votre vision sur cette filière ? Que peut-on faire pour qu’elle soit à la fois créatrice de richesse pour les Guyanais, respectueuse de l’environnement et acceptée par la population ? 

En Guyane, l’enjeu se veut plus large que la simple question de l’exploitation aurifère. Le vrai défi réside dans notre capacité à trouver la bonne formule qui permette de faire émerger, de manière responsable et raisonnée, une économie alternative au spatial qui repose sur la recherche, l’exploitation et la valorisation de nos ressources naturelles, qu’il s’agisse de l’or, de la biodiversité, du bois et même du pétrole.

Alors bien sûr, il y a l’activité aurifère, si je me suis opposé au projet Montagne d’Or tel qu’il a été présenté, je reste convaincu de la possibilité de formaliser un concept de mine responsable qui fournisse de fortes garanties environnementales et sociales. En l’espèce, l’idée d’installer de tels projets sur des sites d’orpaillage illégal démantelés me semble là encore très intéressante pour promouvoir une activité aurifère responsable tout en luttant contre les garimpeiros.

Votre dernier acte au Sénat sera le rendu d’un rapport sur le trafic de drogue, un sujet qui touche particulièrement la Guyane. Quelles sont les conclusions, les recommandations de ce rapport et qu’attendez-vous par la suite d’un point de vue politique ? 

Depuis 2015, j’alerte le gouvernement sur l’ampleur du phénomène. J’ai milité pour qu’une mission d’information sous l’égide du Premier ministre se penche sérieusement sur ce dossier. Ne voyant rien venir, j’ai convaincu le Sénat de s’emparer de ce sujet. Il était selon moi indispensable que le Parlement évalue l’action de l’Etat dans la lutte contre le trafic.

Le rapport qui sera rendu sous peu fait d’abord un état des lieux précis de la situation qui n’avait pas encore été réalisé jusqu’ici. Nos conclusions poursuivent un objectif clair : renforcer les mesures répressives pour décourager les trafiquants mais aussi mieux protéger la jeunesse guyanaise à travers une politique ambitieuse de prévention et de réinsertion.

Suivez-vous la campagne sénatoriale de votre circonscription ? Quels seront selon vous les défis, les dossiers urgents et moins urgents que votre successeur devra prendre en main ? 

Mes successeurs au Sénat auront vite fort à faire avec une nouvelle loi de décentralisation qui devrait arriver à l’automne. Cela étant, les priorités restent selon moi rester vigilant quant à l’évolution de la situation sanitaire d’une part, et d’autre part, de formaliser le Projet Guyane qui enclenchera le processus d’une évolution statutaire.

Une dernière question : sans indiscrétion, que comptez-vous faire à partir du mois d’octobre ? 

Le temps est venu pour moi de passer à autre chose. Comme disait Winston Churchill : « Ce n’est pas la fin, ni même le commencement de la fin mais peut-être la fin du commencement ». Une chose est certaine, je continuerai à servir la Guyane, mais autrement.