INTERVIEW. Jacques Billant, préfet de La Réunion : « Nous avons dû adapter nos modes de concertation et de gouvernance »

INTERVIEW. Jacques Billant, préfet de La Réunion : « Nous avons dû adapter nos modes de concertation et de gouvernance »

Jacques Billant, préfet de La Réunion depuis mai 2019, a répondu aux questions d’Outremers360. Il revient d’une part sur la crise sanitaire sur l’île, avec une « stabilisation (…) fragile » du nombre de nouveaux cas par jour et la nécessaire concertation avec les élus locaux et les experts pour faire face à l’épidémie. Il évoque également le plan de relance pour La Réunion qui « s’articule autour de trois objectifs ».  

Outremers360 : Qu’en est-il aujourd’hui de la situation sanitaire de l’île, depuis la résurgence de l’épidémie avec la reprise des vols commerciaux ? 

Jacques Billant : A La Réunion, la mise en place du confinement et l’instauration d’une quatorzaine obligatoire en centre dédié pour les voyageurs arrivant de métropole dès le mois d’avril nous a permis d’éviter la 1ère vague de l’épidémie de Covid-19.

L’apparition des premiers clusters et l’augmentation significative du nombre de cas a démarré en août, ce qui m’a conduit à prendre des mesures fortes d’un point de vue réglementaire : port du masque obligatoire dans les zones à forte fréquentation, suspension des compétitions sportives, interdiction de certains rassemblements d’importance comme le Grand Raid…

Sébastien Lecornu, Jacques Billant et Cyrille Melchior en réunion avec les maires au Conseil départemental ©DR

Sébastien Lecornu, Jacques Billant et Cyrille Melchior en réunion avec les maires au Conseil départemental ©DR

Afin de sensibiliser les Réunionnaises et les Réunionnais à l’importance de l’intégration des gestes barrière dans notre quotidien, j’ai également déployé une campagne de communication locale. Le joueur de handball Jackson Richardson et la chanteuse Maya Kamaty ont été les ambassadeurs de cette campagne. En collaboration avec Dj Sebb et DJ Abdoul, nous avons également lancé un challenge sur le réseau social TikTok pour toucher le jeune public.

Depuis le mois de septembre, nous avons atteint un plateau. Le nombre moyen de nouveaux cas est de 50 à 60 par jour. Cette stabilisation est toutefois fragile et je reste très vigilant sur l’évolution de la situation sanitaire en lien avec mes partenaires et notamment les maires et l’Agence Régionale de Santé.

Il a fallu un peu de temps et d’organisation pour que les services de l’État (Préfecture, ARS…) et les communes soient à l’unisson dans les mesures sanitaires. Est-ce qu’aujourd’hui la coordination se passe mieux avec les maires ?

Cette crise sanitaire est inédite. Pour la gérer dans la durée, nous avons dû adapter nos modes de concertation et de gouvernance.

Dès l’apparition des premiers cas à La Réunion, j’ai mis en place deux instances sur lesquelles je m’appuie encore aujourd’hui : la réunion hebdomadaire avec les 24 maires de l’île et l’instance de dialogue avec la communauté médicale. Toutes les décisions que j’ai prises ont été le fruit de la concertation locale et se sont basées sur l’avis des experts médicaux. C’est cette méthode qui a permis d’avoir une réponse adaptée à notre territoire et proportionnée à l’évolution de la situation sanitaire.

Le ministre des Outre-mer a présenté le plan de relance. Pour La Réunion, un accent est mis sur la Nouvelle route du Littoral et la transformation agricole. En premier lieu sur la NRL, comment concrètement l’État va accompagner la reprise et l’achèvement du chantier ? 

La crise sanitaire a conduit à une perte d’activité pour de nombreux secteurs porteurs de croissance à La Réunion : tourisme, BTP, commerce, services aux entreprises… Dans ce contexte, l’État a élaboré un plan de relance local adapté aux enjeux de notre territoire. Ce plan de relance s’articule autour de trois objectifs.

Le premier objectif est d’assurer la relance de la consommation à très court terme, en mobilisant notamment la commande publique. Le sujet de la NRL est évidemment un sujet d’ampleur et il s’inscrit dans cet objectif. L’État a débloqué une enveloppe complémentaire dans le cadre du plan de relance pour permettre la reprise des travaux.

©Région Réunion

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Mais il existe une multitude d’autres projets. On peut par exemple citer la rénovation du pont de la rivière de l’Est qui bénéficie également de 500 000€ dans le cadre de la « mission Stéphane Bern ». Il y a aussi les projets de construction et de réhabilitation de logements, l’amélioration des infrastructures d’assainissement ou encore dans le domaine des transports l’aide que l’État actionnaire va apporter à l’aéroport de Roland Garros pour la construction d’une nouvelle aérogare…

Le deuxième objectif est de structurer les filières économiques. Les filières prioritaires sont le tourisme, le BTP, l’agriculture, le numérique et l’économie sociale et solidaire. Chacune bénéficie de mesures d’accompagnement adaptées. On peut citer l’exonération prolongée des charges pour le secteur touristique par exemple

Le troisième objectif est le soutien à l’emploi. 2 000 nouveaux « Parcours Emplois Compétences » (PEC) vont être créés dans le secteur marchand. Dans le cadre du dispositif « FNE-formation », l’État déploie une enveloppe de 3,7M€ pour la formation des salariés.

La transformation et la modernisation agricole est aussi un sujet qui intéresse La Réunion : comment l’État compte-t-il l’accompagner ? 

L’agriculture et l’agroalimentaire occupent une place importante dans l’économie réunionnaise : 6% de la population active de l’île travaille dans ce secteur. La production agricole couvre à 72% le marché intérieur en produits frais locaux (fruits, légumes, produits animaux).

Lors de sa visite en 2019, le Président de La République a fixé le cap pour atteindre l’autonomie alimentaire d’ici 2030. Le plan Agri Péï 2030 met en cohérence tous les documents d’orientation agricoles existants pour atteindre cet objectif. Des crédits seront apportés par l’État pour la structuration des filières dans le cadre du plan de relance.

Sébastien Lecornu et Jacques Billant, lors de la visite du ministre des Outre-mer ©DR

Sébastien Lecornu et Jacques Billant, lors de la visite du ministre des Outre-mer ©DR