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Depuis le 7 février,Haïti fait face à un vide présidentiel après la fin du mandat du président Michel Martelly. Pour le politologue Eric Sauray, l’incertitude demeure car l’accord de sortie signé entre l’exécutif et les pouvoirs législatif, est contesté.
Michel Martelly a remis son écharpe présidentiel dimanche, laissant le siège vide sans successeur. Lors de sa dernière allocution à la nation, le président sortant a reconnu ses erreurs. « L’Histoire se rappellera aussi de mes échecs que j’assume et que j’assume seul, et parmi ceux-ci mon plus grand regret, celui d’élections présidentielles différées », a-t-il déclaré. Pour Eric Sauray, politologue haïtien interrogé par Outremers 360, l’absence de successeur est une situation qu’il juge « regrettable ». « Il est anormal que l’ensemble de la classe politique n’a pu trouver les moyens de s’organiser pour combler le vide à la tête de l’exécutif », ajoute-t-il. Eric Sauray reconnait toutefois que cet accord de sortie de crise constitue une avancée dans la mesure où il permet de calmer le jeu et de remettre à plat toutes les données. « Cet un accord politique entre des pouvoirs législatif et exécutif de l’Etat est intéressant puisque que cet accord fait que le vide électoral constaté ne donne pas lieu à un désordre. En revanche, il y a une incertitude concernant le point sur la période de 120 jours pour déterminer un nouveau président, là rien n’est moins sûr car cet accord déjà contesté ». Selon le politologue, cet accord de sortie signé entre les deux présidents des assemblées parlementaires et l’ancien chef d’exécutif peut avoir deux effets. « Avec le départ de Michel Martelly et la mise en place d’un nouvel conseil électoral provisoire, il y a un risque qu’on change l’ordre des candidats qualifiés. De là, on pourra considérer si l’accord a permis une sortie de crise ou a davantage enfoncé le pays dans la crise, car tant que les contestataires du G8 n’accepteront pas l’ordre qui a été arrêté pour le second tour, la crise politique ne sera pas définitivement résolue », admet Eric Sauray.
Le peuple haïtien et son président, une relation je t’aime moi non plus !
Au premier tour du scrutin présidentiel, le 25 octobre, le candidat du pouvoir, Jovenel Moïse, était sorti vainqueur des urnes. Mais les autres candidats à la présidence d’Haïti, à l’instar de Judes Célestin arrivé second, avait qualifié les résultats de « farce ridicule ». Depuis ce premier scrutin, les contestations de l’opposition n’ont cessé d’enfler conduisant au report successif de l’organisation du second tour des présidentielles. Outremers 360 a également interrogé le spécialiste sur la difficile tâche d’être le président d’Haïti. « Il est vrai que les présidents élus arrivent dans l’enthousiasme et repartent dans l’humiliation ». Il explique que cet désamour du peuple haïtien à son chef d’Etat est le fruit d’un conflit très dur entre les élus politiques et administratifs qui arrivent à diviser la population. « De plus la déception et le désenchantement du peuple quant au pouvoir font que le peuple haïtien, dès que ce pouvoir est menacé ou contesté, préfère que le président s’en aille. Il ne faut jamais oublier que le président Jean-Jacques Dessalines a été dans les mêmes termes contesté puis assassiné alors qu’on lui doit la création de l’Etat haïtien, et cela n’a chagriné personne », ajoute Eric Sauray. Toutefois, Eric Sauray estime que cette désillusion ne peut se défaire que s’il existe une entente entre les différents élites du pays, qui luttent pour le moment que pour leurs intérêts corporatistes. « Mais il faudrait envisager alors une autre révolution sur la façon de concevoir l’Etat et penser l’intérêt général », conclut-il.