La Nouvelle route du Littoral à La Réunion est en partie financée par l’Europe ©Région Réunion / J. Balleydier
Les territoires ultramarins, géographiquement éloignés de l’Europe, votent particulièrement peu aux élections européennes, alors qu’ils bénéficient énormément des fonds de l’UE, qui finance tous les grands projets outre-mer.
Si l’abstention est toujours très forte au niveau national pour les européennes, elle atteint des sommets outre-mer : 77% en 2009 et un record à 83% en 2014. La palme revient à la Guadeloupe (90,74% d’abstention) et la Guyane (89,99%), tandis que Wallis et Futuna atteignait 51%. « Il y a une distanciation par rapport aux politiques européennes et cette distanciation est aggravée en Outre-mer, pour des raisons propres à l’histoire et aux identités », note Younous Omarjee, député européen sortant (LFI), de La Réunion. « On se sent davantage caribéen ou océanien qu’européen ». Il évoque aussi « une colère par rapport aux politiques en général, et aux politiques européennes en particulier parce que ces politiques ont un impact redoublé chez nous », dans ces territoires majoritairement insulaires, aux nombreux problèmes économiques et sociaux.
Pour la politologue Christiane Rafidinarivo, « les ultramarins n’ont pas forcément l’impression que c’est le Parlement européen et les députés ultramarins qui seraient l’acteur majeur de l’action de l’Europe dans leur territoire ». Mais il faut « distinguer l’intérêt des ultramarins pour l’Union Européenne du faible intérêt des électeurs pour l’élection des députés européens », dit-elle. « Le sentiment d’appartenance à l’UE y est indéniable. Les ultramarins se sont par exemple appropriés citoyenneté et passeport européens ».
L’UE distingue deux catégories de territoires ultramarins : Les régions ultrapériphériques (RUP), pleinement intégrées à l’UE, et les Pays et territoires d’Outre-mer (PTOM), qui ne sont qu’« associés » (Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy, Terres australes et antarctiques françaises). Les citoyens de tous ces territoires ont un passeport européen. Beaucoup d’ultramarins dénoncent les normes européennes souvent peu adaptées à leur territoire, notamment en matière d’agriculture ou d’habitat. « C’est vrai, mais c’est en train de changer », souligne Didier Blanc, professeur à l’Université Toulouse I Capitole.
Intérêt stratégique
Car les RUP, « bien qu’intégrées dans l’Europe, bénéficient de statuts particuliers » et profitent d’adaptations liées à leurs spécificités (éloignement, faible marché, etc.), rappelle-t-il, citant l’octroi de mer, un impôt réservé aux Outre-mer. Six des neuf RUP sont françaises : Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin, Guyane, Réunion, Mayotte. Alors qu’elles ne représentent que 3,2% de la population nationale, elles recueillent près d’un cinquième des fonds européens structurels et d’investissement attribués à la France, soit 3,9 Md d’euros pour la période 2007-2013 et 4,8 Md pour 2014-2020. L’Europe a par exemple financé la nouvelle Route du Littoral à La Réunion, le haut débit en Guyane, la création du Memorial Act en Guadeloupe, ou le projet de « transport en site propre » en Martinique.
« L’UE est une des plus importantes sources de financement des Outre-mer et plus spécifiquement des RUP », souligne Mme Rafidinarivo, citant « les fonds de développement du Feder pour financer les infrastructures routières, éducatives et hospitalières », ou la politique agricole commune qui « soutient à bout de bras les filières sucre ». « Si on rapporte à la population, les Outre-mer profitent plus des fonds européens, mais c’est normal, puisqu’ils sont moins riches et moins développés que les territoires européens », insiste Didier Blanc.
Peu d’Ultramarins éligibles
Bien que seuls trois pays européens (France, Espagne, Portugal) possèdent des RUP, l’UE trouve un intérêt à aider les Outre-mer « pour des raisons stratégiques de présence de l’Union dans le monde », dit-il. Avec les Outre-mer, l’UE dispose d’ « un domaine maritime exceptionnel, de la puissance spatiale avec Kourou en Guyane, d’une biodiversité extraordinaire », ajoute Younous Omarjee. Le député sortant a défendu les territoires ultramarins dans chaque décision européenne – par exemple le sucre réunionnais face à un accord commercial UE-Vietnam ou la banane antillaise face à un accord UE-Equateur.
Mais ils n’étaient que trois élus ultramarins lors de la dernière mandature et cette fois encore ils sont peu nombreux à être en position éligible sur les listes. On en trouve uniquement chez La France insoumise (Younous Omarjee, 4e), La République en Marche (Stéphane Bijoux, La Réunion, 10e, et Max Orville, Martinique, 25e), et le Rassemblement national (Maxette Pirbakas-Grisoni, Guadeloupe 12e, Eric Minardi, Polynésie, 25e).
Avec AFP.