Ce rapport a été évoqué lors d’une réunion de la Commission consultative du suivi des conséquences des essais nucléaires ©Présidence de la Polynésie
Les réactions ont été vives après l’annonce d’un rapport de l’INSERM, estimant que les données scientifiques disponibles « ne mettent pas en évidence d’impact majeur des retombées des essais sur la santé » des Polynésiens. « Déni » et « condescendance » pour le président de la Polynésie, « mensonge » pour le député indépendantiste voire « négationnisme » pour l’association 193.
L’annonce de ce rapport, dont la totalité des 600 pages est publiée ce mercredi, et ses conclusions n’ont pas manqué de faire réagir et alimenter le débat sur les essais nucléaires réalisés en Polynésie française de 1966 à 1996, le tout à quelques jours d’une réunion en visio-conférence de la Commission consultative du suivi des conséquences des essais nucléaires (CCSCEN), qui réunit le président, Édouard Fritch, le président de l’Assemblée de la Polynésie, Gaston Tong Sang, les parlementaires polynésiens, le ministre local de la Santé, les associations ou encore, le Comité d’indemnisation. Cette réunion est présidée par le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran.
Et forcément, la Commission a longuement commenté la parution de ce rapport de l’INSERM, qui estime que « les rares études épidémiologiques sur la Polynésie française ne mettent pas en évidence d’impact majeur des retombées des essais nucléaires sur la santé des populations polynésiennes ». Édouard Fritch s’est montré agacé d’avoir été informé de la parution de ce rapport « en même temps que le grand public » et a regretté de ne pas avoir eu le temps de prendre connaissance du rapport complet de 600 pages.
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Ce rapport aurait été terminé en juillet dernier et transmis à son commanditaire, le ministère des Armées. « Je m’interroge sur ce qui a pu conduire à un tel contretemps. Le ressenti qui découle de ce contretemps de communication, c’est que nos populations concernées se sentent prises pour quantité négligeable » a déclaré Édouard Fritch. « Un climat ancien de déni teinté parfois de condescendance ou d’indifférence » qui fait douter de la sincérité de la France, a appuyé le président.
« Parmi les documents étudiés, il y en a quelques-uns qui sont issus des années folles où tout ce qui touchait au nucléaire était entièrement contrôlé par l’armée », a constaté le député Moetai Brotherson, cadre du parti indépendantiste polynésien. « Compte tenu de tous les mensonges qu’il y a eu, on peut se demander si ces conclusions ne sont pas un nouveau mensonge, même si ce sont des scientifiques de l’Inserm et non de l’État », poursuit le député. L’historien Jean-Marc Regnault, qui n’était pas présent à cette réunion, regrette « des régressions sur l’ouverture des archives militaires » qui nourrissent les « doutes » des militants sur la sincérité de l’étude.
L’une des principales associations antinucléaires de Polynésie française, l’association 193, a assimilé ce rapport de l’INSERM à du « négationnisme ». « Ce rapport n’apporte rien de nouveau, c’est la continuité d’une négation de la réalité. 193 essais nucléaires, c’est l’équivalent de 800 bombes d’Hiroshima : dire qu’il n’y a pas eu d’effets, c’est du négationnisme », a déclaré le père Auguste Uebe-Carlson, président de l’association.
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Pour le président polynésien, les conséquences des essais nucléaires en Polynésie restent « le caillou dans la chaussure » des relations entre l’État et la Polynésie, où les habitants se sentent « violemment et constamment agressés dans (leur) chair par les 193 tirs » : « L’État français, responsable du fait nucléaire, reste débiteur envers la Polynésie française et doit à tous les Polynésiens vérité, justice et respect ». Les travaux de l’INSERM « ne permettent pas non plus d’exclure l’existence de conséquences sanitaires. Il faudrait notamment disposer d’un suivi épidémiologique plus solide. La question de la mise en place du registre des cancers et d’autres systèmes de surveillance de pathologies potentiellement radio-induites est dans notre camp. Nous y travaillons », a assuré le président.
« Vingt-cinq ans après les derniers tirs, alors que les témoins disparaissent, nous devons imaginer à cet instant d’autres moyens et méthodes afin de compenser les dommages causés aux Polynésiens par ces essais atomiques », a conclu Édouard Fritch, qui a également lors de cette réunion, salué l’action du président sortant du Civen, Alain Christnacht, remplacé par décret par Gilles Hermitte.
Avec Radio 1 Tahiti.