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Le rapport de la commission de cadrage de la loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, remis mardi au Premier ministre Édouard Philippe, préconise d’assouplir les critères d’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie, ainsi que de prolonger jusqu’à la fin 2021 les délais de demandes et recours.
Les propositions « vont faire l’objet d’un examen attentif par les ministères compétents », a indiqué Matignon dans un communiqué, qui en retient déjà une bonne partie. Une série de recommandations visait notamment à consolider la procédure de dédommagement des malades et ayants droit, en dressant le constat que la précédente législation, jugée trop restrictive, « n’a pas permis d’indemniser un nombre significatif de personnes ».
Le rapport est le fruit du travail de la commission de cadrage de la loi indemnisant les victimes des essais nucléaires (loi Morin de 2010), installée en mai dernier, dans le sillage de la loi Égalité réelle Outre-mer (Erom) de février 2017. Elle est composée de 12 membres, dont six personnalités qualifiées, trois sénateurs et trois députés, dont trois parlementaires polynésiens. La sénatrice de Polynésie, Lana Tetuanui, préside cette commission. De 1966 à 1996, les atolls de Mururoa et Fangataufa ont été le théâtre de 193 essais nucléaires qui ont eu des effets sur la santé et l’environnement des populations.
La commission propose ainsi qu’un amendement législatif soit déposé pour entériner la méthodologie appliquée par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) depuis janvier 2018. L’organisme, s’appuyant sur le code de la santé publique, retient désormais le seuil d’exposition d’un millisievert par an (1 mSv) pour pouvoir ouvrir une procédure, même si « cette limite est très éloignée du seuil de dangerosité ». « C’est-à-dire la dose maximale admise pour le public par la législation française, sur la base des règles européennes et des recommandations internationales », a expliqué Lana Tetuanui. « Le gouvernement retient la proposition de la commission de modifier la loi du 5 janvier 2010″, selon Matignon.
Cet abaissement du seuil a d’ores et déjà permis au Civen d’admettre, en 2018, 115 dossiers d’indemnisation, dont 48 résidents polynésiens, contre 22 sur la période 2010-2017, dont 9 résidents polynésiens.La commission plaide également pour le dépôt d’un amendement destiné à prolonger jusqu’à la fin décembre 2021 le délai pour déposer un dossier d’indemnisation.
Le gouvernement va « étendre la durée ouverte aux ayants droits de victimes décédées avant 2018 pour formuler une demande d’indemnisation », indique encore Matignon, qui retient également la proposition d’étendre le délai pour contester les décisions négatives du Civen, prises avant la loi Erom de février 2017. Parmi les autres mesures, Matignon soutient également la création d’un guichet unique à Papeete. Quant au Civen, il « disposera des moyens lui permettant d’accomplir sa mission dans des délais raisonnables », a assuré Matignon.
Au titre des mesures mémorielles et de reconnaissance, la commission plaide pour la mise en place d’une « médaille commémorative spécifique aux essais nucléaires pour les travailleurs et vétérans », attribuables également aux 17 essais nucléaires au Sahara algérien entre 1960 et 1966. Elle propose également la prise en charge des frais de transport inter-îles en Polynésie pour les malades devant rencontrer des médecins experts. Et que l’accès soit facilité à l’atoll de Mururoa pour les scolaires. Mercredi dernier, l’Assemblée nationale a aussi voté la cession par l’État à la Polynésie du bâtiment nécessaire à la réalisation du « centre de mémoire » des essais nucléaires, une demande du rapport.
« Nous sommes rassurés par les réponses apportées par le Premier ministre », s’est réjouie la sénatrice Lana Tetuanui, venue présenter les recommandations de la commission avec le président polynésien Édouard Fritch. « Le Premier ministre s’est félicité du travail mené par la commission », a commenté la ministre des Outre-mer Annick Girardin.