Ce jeudi à Paris, l’Assemblée nationale a examiné et adopté dans le projet de loi « portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid‑19 » un « cavalier législatif » concernant le seuil d’1 millisievert applicable à tous les dossiers de demandes d’indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Ce seuil, adopté une première fois en décembre 2018, avait été mis en place dans la procédure des demandes d’indemnisation des victimes des essais nucléaires suite à la suppression de la notion de « risque négligeable » par la loi EROM de 2017. Et alors que le Comité chargé d’étudier les demandes d’indemnisation (CIVEN) avait imposé ce nouveau seuil à toutes les demandes, le Conseil d’État, dans deux décisions de janvier 2019, estimait que sans dispositions transitoires, ce seuil d’1 millisievert ne s’appliquait qu’aux demandes déposées après son entrée en vigueur en décembre 2018.
Début mars, le Sénat avait alors adopté un amendement visant à sécuriser ce nouveau seuil d’indemnisation, palliant l’absence de disposition transitoire et contrant les deux décisions du Conseil d’État. Cet amendement avait été introduit au projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Il devait ensuite passer à l’examen de l’Assemblée nationale mais Covid oblige, les travaux ont été reportés.
Finalement, c’est à la faveur de l’examen en procédure accélérée, de la loi « portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid‑19 » que le gouvernement a inséré cette « clarification » des conditions d’indemnisation, rapporte Radio 1 Tahiti. « Ils auraient très bien pu l’inscrire à l’agenda de l’Assemblée deux semaines après, en général c’est ce qui se passe, Maina Sage (une autre parlementaire de Polynésie, ndlr) et moi étions encore à Paris, non, ils ont attendu qu’on revienne (en Polynésie, ndlr) » s’est indigné Moetai Brotherson, qui a appris l’examen de cet amendement par le biais de son attaché parlementaire.
« Donc il y a un texte sur le nucléaire, qui est un sujet qui nous concerne nous au premier chef (…), et il n’y a pas de parlementaires polynésiens à l’Assemblée nationale pour en discuter (…). Je pose la question à l’État : qu’est-ce que le peuple polynésien vous a fait pour que vous nous détestiez autant ? ». « Outré » par la méthode, Moetai Brotherson a déposé un amendement de retrait vendredi mais qui semble ne pas avoir été adopté lors du vote en 1ère lecture. Il entend également s’adresser au Président de la République et au Premier ministre sur cette affaire.
Mise à jour, lundi 18 mai :
L’assemblée nationale a finalement adopté le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid‑19, avec l’article 2 concernant les essais nucléaires en Polynésie et les modalités d’indemnisation également. Le député Moetai Brotherson a toutefois présenté un amendement de retrait, par le biais son collègue du Groupe démocrate et républicain, Pierre Dharréville. Rejoint par les centristes de Libertés et Territoires et les Socialistes, les députés défendant la position du député polynésien ont pointé un « stratagème qui vise à mettre fin aux maigres progrès obtenus par les associations des victimes des essais nucléaires » , « affaiblit le droit de certaines victimes, et met du sel sur les plaies ». L’amendement n’a toutefois pas été retenu et la loi adoptée avec le nouveau seuil donnant accès à une indemnisation, qui sera ainsi étendu aux demandes faites avant son application. Le projet de loi doit désormais passer devant le Sénat dans les jours qui viennent.