Sophie Charles, présidente de l’ACCDOM, a été élue le 25 septembre dernier maire de Saint-Laurent du Maroni en Guyane. Entretien sur les grands chantiers et dossiers de la ville.
Madame le maire, vous venez d’être élue. Comment envisagez-vous de conduire votre action à la tête de la Ville de Saint-Laurent du Maroni ?
Comme je l’ai annoncé dans mon discours d’investiture, je souhaite travailler au service de la population et dans l’intérêt de Saint-Laurent. Je vais donc inscrire mon action dans la continuité des grands programmes engagés par Léon Bertrand. Je fais référence ici aux grands programmes d’aménagement urbains en partenariat avec l’Etat (NPNRU, Action cœur de ville, OIN), à la stratégie municipale d’aménagement numérique, au projet de reconversion des locaux de l’ancien hôpital en partenariat avec l’Etat, au projet d’implantation de l’université, à l’ouverture de deux grandes surfaces commerciales…
Par ailleurs, j’insiste sur ma volonté de travailler avec l’ensemble des élus du conseil municipal, y compris ceux de l’opposition. La diversité des expressions nourrit les échanges et fait avancer les dossiers dans le bon sens. J’espère que tous, dans l’intérêt de la ville et de ses habitants, s’inscriront dans cette volonté d’unité, de solidarité et de continuité au service des Saint-Laurentais. Nous devons nous rassembler autour du projet de territoire afin que les actions structurantes engagées depuis plusieurs années par Léon BERTRAND puissent aboutir.
Enfin, je vais miser sur l’écoute et la concertation dans une optique de faire-ensemble. Au quotidien, le vivre-ensemble et le faire-ensemble guideront mes choix pour continuer à construire aujourd’hui et ensemble le Saint-Laurent de demain.
Saint-Laurent est en permanente évolution. Parmi les grands enjeux actuels, il est question d’aménagement urbain. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Saint-Laurent est passée en 35 ans de 6000 habitants à plus de 60 000 aujourd’hui [NDLR : 44 000 habitants selon le recensement de l’INSEE mais 60 000 habitants dans les faits] ; demain ce sera la première ville de Guyane avec 135 000 habitants à l’horizon 2030. Cette croissance démographique s’accompagne d’une transformation du tissu urbain. Pour maîtriser cette croissance urbaine et éviter que la ville ne se développe de façon anarchique, Léon Bertrand et ses équipes ont défini une stratégie d’aménagement pour les 15 à 20 ans à venir.
En cohérence avec cette stratégie, de grands programmes d’aménagement vont être déployés sur le territoire de la commune en partenariat avec l’Etat. Ce dernier va accompagner la Ville au travers de 3 grands programmes structurants : le Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine (NPNRU) et Action cœur de ville qui dès 2019 vont permettre d’engager des travaux de rénovation dans plusieurs secteurs de la ville dont le centre. Il s’agit ici d’améliorer le cadre de vie des habitants en intervenant sur l’habitat, le tissu économique et commercial, les questions de mobilité, les espaces publics…Par ailleurs, l’Opération d’Intérêt National (OIN) permettra d’étaler la ville sur sa périphérie en construisant de nouveaux quartiers.
Dans ce cadre, et en cohérence avec ces programmes, une formidable opportunité s’offre à nous : la reconversion des locaux de l’ancien hôpital situés en centre-ville et laissés vacants suite au déménagement de la quasi-totalité des services de l’hôpital il y a quelques jours. L’enjeu est d’installer dans ce lieu classé monument historique des activités diversifiées et en synergie avec celles du centre-ville. Les pistes sont nombreuses : activités associatives, économiques, de formation…L’échange et la concertation avec nos partenaires que sont l’Etat, le Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais et les acteurs locaux permettront la réussite de ce projet de reconversion.
Saint-Laurent du Maroni, capitale de l’ouest guyanais, présente des problématiques proches de celles d’autres territoires ultramarins. Sa pyramide des âges est proche de celle de Mayotte avec tous les enjeux qui en découlent, notamment du point de vue de la scolarisation….
Avec près de 3000 naissances par an Saint-Laurent doit faire face à une forte croissance démographique. Cette dernière s’accompagne depuis des années d’une croissance soutenue et continue des effectifs à scolariser dans les écoles primaires notamment. Ainsi depuis plus de 10 ans la Ville doit construire l’équivalent d’une école par an ; pour cette année scolaire, il y aura à Saint-Laurent 30 écoles primaires avec près de 9600 inscrits.
Léon Bertrand, et ce sera mon cas également, a toujours eu la volonté de scolariser l’ensemble des écoliers, et ce au plus proche de chez eux. Aussi, en parallèle de la croissance démographique de certains quartiers, nous avons construit des écoles de proximité dans des quartiers ou villages périphériques comme à Prospérité, Espérance, Terre-Rouge, Paul Isnard, aux Sables Blancs….
Mais nous arrivons aux limites du système. La construction et l’entretien des établissements scolaires pèsent lourdement sur les finances contraintes de la commune. Nous assistons à un accroissement exponentiel des charges de fonctionnement liées à la scolarisation. En 2017, les seules dépenses de fonctionnement (travaux de réparation, gardiennage, location de bungalows, nettoyage, frais de personnels…) s’élèvent à 8.4 millions d’euros. Par ailleurs, les dépenses d’investissement (extension et création d’écoles) grèvent également les finances communales : sur les 10 dernières années, il faut compter entre 1 et 2 millions d’euros à investir chaque année dans les extensions et/ou la création d’écoles.
C’est pour cette raison que la Ville demande depuis plusieurs années la double vacation, comme à Mayotte, et l’adaptation des normes en matière de construction afin de permettre de construire des écoles plus rapidement et à moindre coût. Les normes européennes avec concours d’architecte sont très contraignantes du point de vue des délais et des coûts pour faire face aux besoins massifs et rapides en matière de construction scolaire.
La Ville de Saint-Laurent du Maroni a-t-elle participé aux Assises ?
Oui, activement. Des ateliers ont été accueillis et de nombreux projets déposés par la Ville.
Les Assises constituent une belle opportunité, celle de financer des projets clairement identifiés. Elles doivent s’articuler avec le projet Guyane, ce projet de territoire défini par et pour les Guyanais, qui doit fixer la vision, la stratégie et les moyens pour développer la Guyane sur les années à venir.
En tant que ville frontalière, Saint-Laurent est directement concernée par la question de l’ancrage régional. Des actions sont-elles prévues dans ce cadre ?
La coopération régionale ne relève pas des compétences de la commune. Mais de par sa position géographique et les liens très étroits qui nous unissent au quotidien au Surinam et à la ville d’Albina, la question se pose évidemment [NDRL : Albina se situe de l’autre côté du fleuve Maroni qui constitue la frontière entre la France et le Surinam. On estime à 1000 le nombre d’aller-retour de pirogues qui font le lien chaque jour entre Saint-Laurent et Albina]. Cette dimension transfrontalière a été intégrée dans la réflexion autour du développement urbain de Saint-Laurent, ainsi que dans le projet d’université qui devrait voir le jour dans la capitale de l’ouest. Ce pôle universitaire devra ressembler au territoire et être donc tourné vers la coopération transfrontalière notamment.