Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie: quitte ou double ? L’Edito de Benoît Saudeau

Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie: quitte ou double ? L’Edito de Benoît Saudeau

©Ludovic Marin / AFP

Qui se souvient de ce jeu radiophonique des années 60 ? Une bonne réponse à la question de l’animateur donnait le droit de doubler la mise, au risque de tout perdre et de repartir les poches vides.

Comme les deux tiers des calédoniens, Emmanuel Macron n’était pas encore né. Mais il s’honorerait de réécouter Zappy Max avant d’entamer mercredi son premier déplacement en Nouvelle-Calédonie, une séquence sans possibilité de repêchage. Comme à la radio.

Quitte : en vertu de son contrat présidentiel adopté ici à 54%, Emmanuel Macron bouscule à la hussarde le vieux monde calédonien. Conforme à son personnage, il ne s’embarrasse pas de la très locale théorie de la roussette, qui dort à l’envers mais vole à l’endroit. Impasse risquée. Il y découvrirait les clés de son initiation à un univers unique qu’il ne connaît pas. Il pourrait y décrypter des codes qui ne sont pas que de simples manières, entendre des mots qui transcendent leur sens et des silences qui ne disent pas souvent ce qu’on veut leur faire dire.

Double : loin du Faubourg St Honoré et de ses dossiers tirés au cordeau, le président trouve le bon tempo, adapte son pas jupitérien à la foulée brouillonne – mais coûte que coûte féconde – de ces trente dernières années, il trouve les mots justes pour dire à tous les Calédoniens la chance historique que représente leur bouillon de cultures unique en France et il répète la nécessité absolue de le réinvestir pour ne pas s’y laisser asphyxier comme des victimes empêtrées dans leur propre histoire.

Quitte : il y a tout juste un an, le candidat Macron disait clairement son choix de voir la Nouvelle-Calédonie continuer de se développer au sein de l’espace républicain. Après un faux pas de campagne sur la colonisation, alors même qu’il avait opportunément envoyé Edouard Philippe en chevau-léger arpenter les chemins calédoniens, voilà que le président souhaite « rendre » le parchemin impérial de 1853. Le symbole est ambigu. Pas certain que la théorie du « en même temps », bien macronienne celle-là, soit comprise de tous.

Double : le président de la République ne succombe pas à la tentation de repasser à sa main les plis de l’histoire calédonienne. Il reconnaît à tous les gens d’ici, quelles que soient leurs aspirations, d’avoir eu le talent du don et du pardon incarnés par Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, d’avoir fait vivre l’ « OVNI institutionnel » cher à Michel Rocard et su éclairer d’une lumière nouvelle les ombres enfin reconnues de leur histoire. Et, comme président de tous les Français, il se déclare comptable de cet héritage.

La consultation de novembre est la première grande épreuve ultramarine du quinquennat. On saura si la Calédonie quitte ou double. Et cette fois, ce n’est plus un jeu.

Benoît Saudeau.