Une de France-Guyane, qui a rendu publique la note aux journalistes ©Capture
Mercredi 18 octobre, une note envoyée aux journalistes couvrant le prochain déplacement du Président de la République en Guyane a provoqué de vives réactions au sein de la classe politique guyanaise. La note recommande entre autres d’éviter de consommer de l’eau du robinet ou des fruits et légumes locaux ou encore, de se protéger en cas de rapport sexuel.
« La Guyane est actuellement touchée par l’épidémie de virus Zika. En raison de risques de malformations fœtales graves en cas d’infection, il est fortement déconseillé aux femmes enceintes ou envisageant une grossesse de se rendre dans cette région tant que l’épidémie sévit », indiquait notamment la note. « En l’absence de donnée scientifique suffisante il est également recommandé de ne pas avoir de relations sexuelles non protégées avec des partenaires au risque d’être infectés par le virus », souligne-t-elle. Rappelons que la Préfecture de Guyane a annoncé la fin de l’épidémie de Zika le 18 octobre 2016.
L’@Elysee envoie une note aux journalistes métropolitains qui suivront E. Macron en #Guyane, disant de ne pas y boire l’eau du robinet… pic.twitter.com/VklcL2QLAC
— Nicolas Mézil (@nicolasmezil) 18 octobre 2017
« Éviter de consommer de l’eau du robinet, glaçons, légumes crus, poissons, œufs dont vous ne connaissez pas la provenance et des viandes insuffisamment cuites », peut-on lire plus loin. « La baignade en eau douce (même partielle et de courte durée) doit être proscrite durant la durée du séjour. Il est également recommandé d’éviter tout contact avec les rongeurs et avec les animaux d’une manière générale (risques de morsure, maladies virales…) ». Pourtant, les Guyanais consomment quotidiennement les denrées citées par la note et n’éprouvent aucune crainte de se baigner dans les criques du territoire amazonien. Si l’Elysée a reconnu « une erreur » et renvoyé une note réactualisée, les réactions ont été vives au sein de la classe politique guyanaise.
Quand on lit les conseils de @Elysee aux journalistes se rendant en #Guyane on comprend d’où vient le mépris permanent pour notre territoire
— Gabriel Serville (@GabrielServille) 18 octobre 2017
Dénonçant une « note blanche », le député Gabriel Serville (GDR) estime que « quand on lit les conseils de l’Elysée aux journalistes se rendant en Guyane, on comprend d’où vient le mépris permanent pour notre territoire ». « Je voudrais dire à nos compatriotes guyanais que plutôt que de s’en offusquer, on devrait dire au Président de la République que ses services en Guyane ne fonctionnent pas correctement. Il y a une vraie crise sanitaire qui sévit en Guyane depuis des années, que les différents gouvernements n’ont pas réussi à juguler, et je crois qu’aujourd’hui il serait intéressant de prendre cet état et de le retourner contre le Président de la République », lance le député. « A un moment donné, il faudra que la République soit capable d’assumer ses responsabilités ».
« Des informations fausses et sans fondement »
De son côté, le sénateur Antoine Karam (LREM) fait part de sa « stupéfaction » et fustige « des informations fausses et sans fondement ». « Quelle image est ainsi renvoyée aux guyanais eux-mêmes face à ce qui constitue leur quotidien ? Je constate avec regret que la stigmatisation dont souffre souvent notre territoire émane ici du plus haut niveau de l’Etat ». Plus virulent, le Président de l’association des maires de Guyane (AMG) parle de « note coloniale » et « d’insultes adressées à la population guyanaise ». « Les pratiques hexagonales (…) lors des visites sur notre territoire consistent-elles à vivre des relations sexuelles sans lendemain ? » s’interroge le Président de l’AMG, déconseillant un déplacement en Guyane « à tous ceux qui, par préjugés, la craignent ».
Là, il se passe un truc… @EmmanuelMacron #Guyane #Voyageofficiel chaud chaud chaud pic.twitter.com/GIoKh9VrQJ
— Serge Massau (@Sergemassau) 19 octobre 2017
Dans la soirée, le service de presse de l’Elysée a renvoyé une note actualisée, dans laquelle les parties sur le Zika et les risques alimentaires ont disparu, mais pas celle concernant l’interdiction de la baignade. Néanmoins, la note originelle semble avoir fait monter d’un cran la pression à l’approche de ce déplacement, déjà attendu « de pied ferme » par les Guyanais. Emmanuel Macron s’y rend officiellement pour la Conférence de l’Union européenne sur les RUP, accompagné de Jean-Claude Juncker et d’une large délégation gouvernementale. Les engagements de l’Accord de Guyane, signé à l’issue du mouvement social d’avril dernier, seront incontestablement au programme de cette visite sensible.