Élections européennes 2019 : Pourquoi les Outre-mer ont-ils voté Rassemblement national ?

Élections européennes 2019 : Pourquoi les Outre-mer ont-ils voté Rassemblement national ?

Marine Le Pen en campagne à La Réunion pour les Européennes ©Zinfos

Ces territoires, où en 2012 encore le Rassemblement national dépassait durement les 10%, ont placé la liste de Jordan Bardella en tête dans plusieurs d’entre eux. Avant le scrutin, il faut reconnaître que le RN fut le seul à consacrer une conférence de presse et une campagne très tournée vers ces territoires où il fut jadis persona non-grata. 

À La Réunion, où le mouvement des gilets jaunes fut historiquement important en novembre dernier, le Rassemblement national truste l’ensemble des 24 communes de l’île. En 2017 déjà, Marine Le Pen y avait fait un bon score, mais deuxième derrière Jean-Luc Mélenchon au premier tour et Emmanuel Macron au second. On aurait pu croire que les personnalités de Younous Omarjee et Jean-Hugues Ratenon allaient permettre à la France insoumise de réitérer son score de 2017, mais le mouvement des gilets jaunes semble, ici, avoir bien profité à la liste du RN.

À Mayotte, il va sans dire que le contexte de l’immigration clandestine a été bénéfique au parti bleu marine, qui a déjà le vent en poupe depuis 2017. Et comme preuve de la complexité des votes Outre-mer, la liste Rassemblement national fait dans ce département majoritairement musulman, son meilleur score national.

À Saint-Pierre et Miquelon, l’adage qui affirme que l’on n’est pas prophète dans son propre pays se vérifie. Ainsi, les électeurs du petit archipel français de l’Atlantique nord désavouent la ministre des Outre-mer Annick Girardin, originaire de cette Collectivité d’Outre-mer, qui s’était impliquée dans la campagne. Le Rassemblement national arrive en tête avec 24,06% alors que la liste Renaissance ne fait que 18,27%. Reste à savoir si la ministre résistera à un éventuel remaniement ministériel ?

En Nouvelle-Calédonie, où la participation est à la baisse, ce scrutin semble avoir permis à un certain électorat d’appuyer son « non » au référendum d’autodétermination du 4 novembre.

La Martinique, la Polynésie et Wallis et Futuna ont, de leurs côtés, résisté à la poussée du RN. En Martinique, les caciques ont appelé à faire barrage et font encore figures de résistants dans le bassin atlantique. En Polynésie, le résultat est plus complexe. La liste Renaissance arrivée en tête avec 43,31% a pu compter sur l’implication et le soutien du président de la Collectivité Édouard Fritch. Celui-ci envoie ainsi un signe clair et net à Paris : il est écouté, soutenu, et il vaut mieux pour Paris d’en faire un allié plutôt que le fâcher. De quoi partir avec un avantage pour négocier les dossiers polynésiens à Paris. Localement, et après des Territoriales 2018 victorieuses, Édouard Fritch réaffirme son poids électoral avant les municipales de 2020.

De manière générale, les Outre-mer comme l’Hexagone n’ont-ils pas, ce dimanche, exprimé une énième fois leur exaspération et leur défiance envers les politiques économiques et sociales décidées des gouvernements successifs, pour des territoires où l’on a plus besoin de rappeler les problèmes de chômage, de misère sociale et de pouvoir d’achat ?

De Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron, en passant par François Hollande, le pouvoir parisien n’a eu de cesse de proposer à ces territoires des modifications statutaires, des États généraux, des Assises ou des trajectoires stratégiques dont les effets restent peu perceptibles dans le quotidien de ces populations. Et le vote de dimanche semble être un appel à une voie complètement originale, plus concrète et émanant des populations ultramarines pour leurs propres territoires.