Élection législative partielle sous tension à Mayotte

Élection législative partielle sous tension à Mayotte

Manifestation à Mamoudzou, chef lieu de Mayotte, le 7 mars ©Ornella Lamberti / AFP

Les bureaux de vote ont ouvert dimanche matin à Mayotte, où une partie des Mahorais sont appelés aux urnes pour une élection législative partielle organisée dans un contexte de forte crise sociale qui paralyse l’île depuis près d’un mois.

Dans le bureau de vote de Kaweni, ce n’est pas l’affluence : 50 personnes sur 429 inscrits avaient voté à 10H20. Radjanti Boinali, 20 ans, est venue voter pour la première fois. « J’habite ici, je n’ai pas eu de problème pour venir », explique la jeune fille. « Il y a trop de violences, il faut faire quelque chose », dit-elle. « Comme l’élection a été maintenue, on n’a pas le choix, il faut voter », dit une autre électrice. « Mais vu le contexte, on n’a pas trop le sentiment de faire quelque chose pour l’avenir. C’est juste un devoir, on n’attend rien de particulier. On vote comme on avait voté avant », ajoure cette mère de famille. Elle explique que son frère qui habite en dehors de la ville, « voulait aller voter, mais c’est trop dangereux, il n’a pas pu passer ». Selon Mayotte 1ère, les premiers taux de participations sont bas: 6,3% dans la commune d’Accoua à 12h, 10,50% dans l’ensemble de la 1ère circonscription à 13h ou encore, 12,7% à Mamoudzou à 12h.

En raison des barrages, difficile de savoir si tous les bureaux ont ouvert. La radio Mayotte 1ère évoquait un bureau cadenassé à Accoua, débloqué par les gendarmes. La plupart des élus et les organisateurs du mouvement ont demandé samedi le report du scrutin mais le préfet de Mayotte Frédéric Veau leur a opposé une fin de non-recevoir, assurant que « l’État prendra toutes les dispositions pour assurer le bon déroulement du scrutin ». Outre les difficultés de certains électeurs pour accéder aux bureaux de vote, les élus ont fait valoir, par la voix de leur porte-parole Mohamed Bacar, maire de Tsingoni, que « même si les mairies sont ouvertes, il n’y a pas de garantie que les conditions de sécurité soient réunies ».

« On ne circule pas »

Mohamed Bacar a également fait part d’un problème de campagne électorale pour les huit candidats qui « n’ont pas pu voir leurs électeurs ». Ce qu’a confirmé l’un d’eux, Boina Dinouraini (DVG): « On ne circule pas, on ne peut pas faire campagne ». Prenant acte de la décision du préfet, le porte-parole des élus prédit déjà « une cascade » de recours après l’élection. Un porte-parole du mouvement social, Salim Nahouda, a lui appelé la population à boycotter le scrutin, ce que plusieurs Mahorais envisageaient de faire, à l’instar de Marie Elna, une enseignante gréviste. « Tout simplement je suis manifestante donc demain je ne vote pas », a-t-elle expliqué. « Avec tout ce qui se passe à Mayotte, on n’a pas la tête à aller voter ».

Huit candidats en course

Ahamada Haribou, directeur général adjoint des services à la mairie de Mamoudzou, prévoit une participation très faible, soulignant que « beaucoup d’électeurs votent à Mamoudzou mais habitent hors Mamoudzou ». Dans ce contexte particulier, les électeurs doivent choisir entre huit candidats pour le siège de la première circonscription, dont les deux finalistes de juin. Ramlati Ali, devenue la première femme mahoraise députée, avait alors été élue sous l’étiquette PS avant de siéger au groupe LREM à l’Assemblée nationale.

Son élection a été annulée le 19 janvier après un recours de son opposant, l’avocat Elad Chakrina (LR), le Conseil constitutionnel ayant considéré que, eu égard au « faible écart de voix » entre eux, « la sincérité du scrutin (avait) été altérée ». Ramlati Ali a été mise en examen le 14 février pour complicité de fraude électorale dans une affaire de procurations litigieuses lors du scrutin de juin 2017. Ayant fait appel, elle se représente sans étiquette.

La surprise est venue mercredi de la présidente du Front national Marine le Pen, qui a appelé à voter pour le candidat LR, démarche inédite pour le parti d’extrême droite. Les Républicains se sont désolidarisés de ce soutien. « Je tiens à préciser que je ne partage pas les idées du Front national (…) Je note juste que Mme Le Pen fait le constat de ce qui se passe à Mayotte », a déclaré Elad Chakrina, vendredi. « Je veux que Mayotte puisse réussir », poursuit-il. « Il faut surtout qu’on puisse surmonter tous les clivages et que l’on puisse s’unir pour défendre la cause de Mayotte ». Elad Chakrina a également reçu le soutien de Valérie Pécresse, Présidente de la région Île-de-France et du mouvement Libres!.

Parmi les autres candidats figurent Bacar Ali Boto (centre gauche), premier adjoint au maire de Mamoudzou, Daniel Zaidani, ancien président du Conseil général, mis en examen en février 2017 pour détournement présumé de fonds publics dans l’exercice de ses fonctions, ou encore Abdullah Mikidadi (LFI).

Avec AFP.