Edito de Luc Laventure : Mayotte, Chronique d’une catastrophe annoncée…

Edito de Luc Laventure : Mayotte, Chronique d’une catastrophe annoncée…

                                                   Mayotte, Chronique d’une catastrophe annoncée…

Après cinq semaines de grève, la situation est de plus en plus chaotique à Mayotte. La population de Mayotte est fatiguée, pire, exaspérée. Le climat est tendu sur le plan  social, sécuritaire et sanitaire : l’entassement des ordures non ramassées depuis des semaines fait craindre des risques d’épidémie et une dégradation sanitaire.
Personne n’est à l’abri du fait que des malades ne puissent pas se rendre dans les centres de soins à cause des barrages. Certains médicaments commencent à être en rupture. Des vaccinations devant être réalisées ne sont pas administrées; et même au niveau des centres de dialyse, on peut craindre des complications…

C’est donc une population en souffrance qu’a rencontré ces jours derniers la Ministre des Outre-mer Annick Girardin et la délégation qui l’accompagnait. Une mission composée de hauts-fonctionnaires:
– Le préfet Jean-Jacques Brot, une personnalité qui connaît Mayotte pour y avoir exercé la fonction de préfet; un connaisseur de l’outre-mer avec un certain talent à incarner la figure de l’Etat,
– Le Général Lucas Lambert, Directeur de la Gendarmerie de l’Outre-mer, homme affable mais surtout fin politique,
– Et le conseiller honoraire Jean Courtial.

Ces trois personnalités avaient été rejointes par le contrôleur de la Police Nationale.

Bilan de cette opération-commando: une liturgie de la parole avec les différents interlocuteurs mahorais, qu’ils soient politiques, responsables de collectifs ou encore responsables syndicaux.

Pour l’heure, le bilan de la mission de ces fonctionnaires reste difficile à mesurer car ils se sont attachés à renouer le fil du dialogue rompu entre les services de l’Etat et la population. Une population apeurée, qui, avec insistance demande à l’Etat d’assumer des responsabilités jusqu’ici invisibles sur le terrain. Le moins que l’on puisse dire est qu’il faut chercher avec une loupe, comment se coordonnent sur place les services de l’Etat.

On a l’impression que l’Etat s’est effondré. En conséquence, les Mahorais n’ont plus confiance en l’Etat. Il faudra certainement rebattre les cartes, redéfinir le rôle de l’Etat dans la mise en oeuvre de la départementalisation de Mayotte.

Cette mise à mal de l’image de l’Etat  n’est pas conjoncturelle. Elle n’est pas liée à tel ou tel ministre, à tel homme politique, à tel régime…

 Il est le résultat d’une impréparation à faire évoluer le statut de Mayotte.Déjà dans un rapport de 2016, la Cour des Comptes avait tiré déjà un signal d’alarme en insistant sur la nécessité de préparer de façon très concrète, de façon  plus méthodique cette accession de ce terrtoire au statut de 101ème département français.

Ce rapport de la Cour des Comptes est resté sans effet. On peut le regretter !

Pas de stratégie, pas de méthode…Forcément on roule vers l’abîme ! Pire, on a l’impression que l’Etat a de la peine à assumer son histoire. Une histoire écrite dans l’Hexagone  en lien avec cette terre de l’Océan indien. 

La France, c’est une permanence, a du mal à écrire son histoire à plusieurs mains.

Juste un peu de courage!

Introduisons alors de la méthode!

Une méthode qui consisterait à partir de cette expérience, de cette mission de hauts-fonctionnaires, d’appliquer une grille d’analyse élaborée en concertation avec les différentes composantes de la population de Mayotte. Cette méthodologie doit à tout prix intégrer les aspects culturels de ce territoire de l’Océan Indien.

Une concertation sociale-économique large et sincère avec des femmes et des hommes engagés sur le plan économique. Une démarche qui consiste à assumer  les bienfaits de la République sans éteindre les autres territoires voisins. Juste un exemple: celui du hub de dirigeants économiques et politiques, de corps intermédiaires créé à La Réunion par la Cité des Dirigeants. Cette SCIC a pour raison d’être de mettre en marche la transition des territoires de l’océan indien à commencer par celui de La Réunion. Elle bouge les lignes, elle opère un « pivotement » dirait notre Président. Une démarche simple mais pas naïve qui permet de faire travailler les acteurs des territoires pour rechercher comment faire de la France océanique une opportunité pour la République mais avec comme première ligne, cette France océanique. Quelles ressources et gisements locaux valoriser pour développer  l’économie locale ?  L’économie locale c’est bien évidemment de l’activité locale, c’est donc du même coup  l’emploi local. Une démarche de coopération devenue régionale depuis l’entrée en son capital de la Grande Comore.

Aussi, je le répète, la France doit assumer pleinement une dimension qui n’est pas qu’hexagonale. Elle doit assumer sa place dans l’Océan indien, en commençant en commençant par instaurer-enfin!- une négociation avec les Comores sur les sujets régaliens (COI, Jeux, Coopération bilatérale, fin des encouragements à l’émigration illégale,etc.).

Ceci suppose aussi d’abord que la diplomatie française assure une profonde révision de son aversion constante pour Mayotte française.

Il faut entamer une révision complète de la stratégie de l’Etat à Mayotte, interministérielle, proactive, cohérente et respectueuse du combat des Mahorais.

C’est la souveraineté nationale qui est piétinée à Mayotte, sans grande implication des Affaires étrangères et de la Défense!

Pourquoi ne pas installer dans cette  zone, dans cette France océanique, un Secrétaire d’Etat rattaché au ministère de l’économie et des finances et au ministères des affaires étrangères ?

Pour ne pas se laisser embarquer dans un processus à la guyanaise, l’Etat aurait tout à gagner à se décider, et, si je puis dire, à commencer par le commencement, c’est à dire le régalien, la diplomatie, la défense et la sécurité.

Luc Laventure