Economie en Outre-mer : « Passons d’une logique de dépenses publiques à une logique d’investissements stratégiques » plaide Dominique Vienne, Président de la CPME Réunion

Economie en Outre-mer : « Passons d’une logique de dépenses publiques à une logique d’investissements stratégiques » plaide Dominique Vienne, Président de la CPME Réunion

©Johny Abitbol

En mission à Paris depuis ce lundi 26 mars, Dominique Vienne, Président de la CPME Réunion, confie à Outremers360 l’objectif de cette semaine dense, qui a fait la part belle à « l’ancrage territorial » et « l’économie circulaire » à travers la démarche « Stratégie de Bon Achat » et l’étude REELLE menées par la CPME Réunion.

C’est d’abord à la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale que Dominique Vienne, accompagné à Paris par la Déléguée générale de la CPME Réunion, Santhi Véloupoulé, a débuté cette semaine de mission. Le Président de la Confédération réunionnaise des petites et moyennes entreprises a présenté aux parlementaires la démarche « Stratégie de Bon Achat » (SBA) et l’étude REELLE (Ré-enraciner l’Economie LocaLe). La démarche SBA « a pour vocation de conventionner, entre les maîtres d’ouvrages publics et les acteurs économiques, une pratique de démocratie économique qui permet de multiplier les bénéfices et la maximisation des retombées locales », explique Dominique Vienne. « Nous savons que sur d’autres territoires ultramarins, d’autres territoires de la France océanique, notamment en Guadeloupe où il y a un investissement de 600 millions d’euros pour un CHU, notre démarche serait un excellent moyen pour augmenter et valoriser les savoir-faire locaux».

De la Guadeloupe à La Réunion, en passant par la Bretagne

« On l’a fait aussi parce que le décret d’application de l’article 73 de la loi EROM qui rend obligatoire la part réservataire aux entreprises locales peut ne pas avoir de bénéfices et de portées si on la prend comme telle. La convention SBA a pour moyen, si on la démultiplie dans toute la France océanique, à augmenter les impacts de cette obligation contractuelle en la complétant par un cercle vertueux obtenu par un dialogue entre les parties prenantes », poursuit-il. Olivier Serva, député de Guadeloupe et Président de la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, a d’ailleurs montré un intérêt particulier à cette démarche, notamment au titre de ses fonctions de Conseiller régional à l’Economie, qu’il souhaite mettre en place en Guadeloupe. « Il a indiqué qu’il prendra contact avec nous via le cabinet du Conseil régional de Guadeloupe pour envisager la mise en oeuvre de la démarche  SBA dans sa région ».

Autre territoire intéressé par cette démarche : la région Bretagne et notamment l’Association SBA Breizh. Celle-ci a prévu de se rendre à La Réunion afin d’assister à la Journée du Territoire du 12 avril pendant laquelle une convention devrait être actée entre l’Association Stratégie Bon Achat de La Réunion, qui regroupe 13 organisations patronales, et l’Association SBA Breizh. « Elle va aussi prendre nos bonnes pratiques car elle a bien avancé du côté institutionnel et nous on a beaucoup avancé d’un point de vue opérationnel. On va s’enrichir de ça. On est fier car les Bretons sont venus à La Réunion au 17ème siècle et reviennent en 2018 pour s’enrichir et non plus simplement apporter  », se félicite Dominique Vienne. « La Réunion a à cœur de montrer, à un moment où il faut partager et renverser la table des croyances, qu’elle n’est pas distincte de la France, et que la France doit s’enrichir de ce qui se passe chez elle ».

Dominique Vienne a présenté à une partie de la Délégation aux Outre-mer la démarche SBA et l'étude REELLE ©DR / CPME Réunion

Dominique Vienne a présenté à une partie de la Délégation aux Outre-mer la démarche SBA et l’étude REELLE ©DR / CPME Réunion

Aux membres de la Délégation Outre-mer de l’Assemblée nationale, la CPME Réunion a aussi présenté son étude REELLE qui démontre « la capacité de tous les territoires à développer les économies locales. Le paradoxe c’est qu’on ne connait pas leur réalité physique, c’est-à-dire, qu’est-ce qu’il y a à développer sur les territoires ? Dans notre étude, on le dit, le premier actif d’un territoire de la France océanique, c’est sa demande locale. L’étude a montré aux parlementaires ce que nous avons fait, leurs bénéfices et surtout les bénéfices de dialogue territorial entre les parties prenantes ».

21 juin : manifestation au Sénat sur l’ancrage territorial et l’économie circulaire

Toujours sur le volet parlementaire, Dominique Vienne et Santhi Véloupulé ont ensuite rencontré la Responsable de la Délégation Outre-mer du Sénat, cette fois-ci. Le but de cette rencontre était de « préparer une manifestation où l’économie circulaire et l’ancrage local vont être mis en valeurs à travers le SBA et l’étude REELLE, le 21 juin. Elle sera organisée au Sénat et par le Sénat, avec la volonté que ce soit l’ensemble des acteurs économiques qui viendront exprimer leurs cas réels, les leviers de réussite de leurs démarches et les obstacles. On viendra témoigner comme d’autres acteurs. Tous les treize territoires seront représentés. L’économie circulaire et l’ancrage territorial sont des « concepts philosophiques » et la délégation sénatoriale veut montrer qu’il y a des cas pratiques qui rendent physiques et tangibles ces concepts. Et nous aurons à coeur de témoigner de nos pratiques et de leurs bénéfices».

Dominique Vienne et Stanislas Cazelles ©DR / CPME Réunion

Dominique Vienne et Stanislas Cazelles ©DR / CPME Réunion

Mercredi 28 mars, c’est à l’Elysée, auprès du Conseiller à l’Outre-mer du Président de la République, Stanislas Cazelles, que Dominique Vienne a poursuivi sa mission à Paris. « Stanislas Cazelles avait fait part d’un fort intérêt pour l’étude REELLE et nous lui avons présenté les bénéfices. Maintenant que cette étude a été faite, il faut passer à la dynamique REELLE : démontrer que la démultiplication de ce type d’études permettrait à tous les territoires de la France océanique d’avoir des focus beaucoup plus pertinents : on agit, on renforce, on diversifie et on innove là où c’est nécessaire, et non comme parfois  à l’instinct, selon le sens du vent », insiste Dominique Vienne. Mais cette rencontre a également été l’occasion d’échanger sur une vision plus politique des relations entre la France et les Outre-mer.

« Faire [des] trois espaces océaniques le futur de la Nation »

En effet, pour le Président de la CPME Réunion, « n’est-ce pas le moment de redéfinir la vision des Outre-mer c’est-à-dire notre éloignement ainsi que notre vision au sens émotionnel ? Nous avons dit à Stanislas Cazelles qu’il était peut-être temps de renverser les croyances en proposant que la Nation refonde ses relations avec ses territoires éloignés, en affirmant que nous ne sommes pas l’Outre-mer mais la France océanique à travers trois océans et que chacun de ces océans soient des pôles d’innovation et d’excellence durable ». L’objectif de Dominique Vienne est limpide : « Faire de ces trois espaces océanique le futur de la Nation et en faire des espaces d’investissement stratégiques, c’est-à-dire des espaces d’investissemments d’avenir de la France et non plus des espaces physiques de préoccupations et de dépenses publiques. Passons d’une logique de dépenses publiques à une logique d’investissement stratégique ! ». Sur ce point, Dominique Vienne confie une « écoute forte réciproquement », « parce qu’on sent que c’est le moment » assure-t-il. « Gardons à l’esprit que le terme Outre-mer a été créé après « colonies » », dit-il, quitte à éveiller les mécontentements. « Aujourd’hui, on parle beaucoup d’industrie 4.0, il est temps de parler de nos espaces océaniques comme des espaces stratégiques et de redéfinir ce que nous sommes. Il est temps que la France passe en 4.0 sur sa géographie ».

Dominique Vienne et Santhi Véloupoulé au Ministère des Outre-mer

Dominique Vienne et Santhi Véloupoulé au Ministère des Outre-mer

A Paris, Dominique Vienne a aussi rencontré le Ministère des Outre-mer « dans l’approche des réformes des aides économiques qui est un moment important pour les Outre-mer ». « Nous avons partagé le regard cher aux entreprises patrimoniales que nous représentons et nous avons pu dire au Conseiller de la ministre qu’il nous tenait à cœur que cette réforme, qui pour l’instant est à périmètre constant de 2,5 milliards, ne passe pas d’une politique où l’aide est automatique pour les TPE/PME à une politique où l’aide est sur instruction parce qu’il y aurait une barrière qui serait au contraire de la simplification administrative voulue par le gouvernement. Et ce serait encore une fois un principe de non équité entre toutes les entreprises », explique-t-il.

« La France océanique n’est pas une chance pour la France, c’est la France »

Enfin, le Président de la CPME Réunion a rencontré le Directeur de la Direction générale (DGE) des Entreprises, rattachée au Ministère de l’Economie et des Finances, pour présenter l’étude REELLE. « La DGE a été très intéressée par cette démarche et la démultiplication sur d’autres territoires et elle nous a fait des préconisations, notamment que la Directrice de la DIECCTE à La Réunion Sylvie Guillery, pour qu’elle puisse témoigner auprès de l’ensemble de ses collègues de l’Hexagone (DIRECCTE) de cette expérience pour la démultiplier sur l’ensemble des territoires ». Avant son retour à La Réunion, Dominique Vienne doit encore se rendre au Cabinet du Ministère des Outre-mer et rencontrer également Xavier Brunetière, Conseiller Outre-mer du Premier ministre Edouard Philippe. Mais d’ores et déjà, Dominique Vienne tire un bilan satisfaisant de cette semaine de mission à Paris.

Dominique Vienne s'est également entretenu avec le Directeur de la DGE au Ministère de l'Economie ©DR / CPME Réunion

Dominique Vienne et François Asselin, Président de la CPME Nationale ©DR / CPME Réunion

« Cette semaine témoigne que la France océanique a beaucoup de richesses à partager et si la continuité territoriale était facilitée, il y aurait encore plus de richesse à partager. La France océanique n’est pas une chance pour la France, c’est la France. Si les acteurs de la France océanique étaient davantage regardés, c’est toute la France qui s’enrichirait et la CPME Réunion veut jouer son rôle d’acteur en venant partager ce qu’elle a su faire pour que ce soit démultiplié. De la même façon qu’on se dit que ce qui se fait en Haute-Garonne, c’est la France, qu’on se dise aussi que ce qui se fait à La Réunion, c’est la France aussi. Il n’y a pas de distance physique, il faut redevenir un tout, un seul peuple », conclut-il.