Le gouvernement calédonien a examiné hier un avant-projet de loi du pays qui vise à réformer la réglementation des protections de marché pour développer la production locale et sa compétitivité souvent décriée. Son objectif, tendre vers l’autonomie économique et créer des emplois. Pour y parvenir il veut imposer des contreparties aux entreprises concernées, rapportent nos partenaires de La Dépêche de Nouvelle-Calédonie.
Les protections de marché sont au cœur des débats actuellement. Si les Calédoniens reconnaissent que la production locale génère de l’emploi, ils l’accusent souvent de faire grimper les prix et de limiter le choix des consommateurs. La dernière en date, celle demandée sur de nouvelles catégories de yaourts, ne cesse d’alimenter les réseaux sociaux depuis l’avis négatif de l’Autorité de la concurrence. Dans ce secteur, outre les prix et le choix, les Calédoniens dénoncent aussi sur la toile la qualité des produits et « les situations de quasi- monopole ». Conscient des problèmes et des nombreuses incompréhensions autour des protections de marché, le gouvernement travaille depuis plusieurs mois à une réforme du système. Il en a présenté les contours hier en séance du gouvernement avec un avant-projet de loi du pays.
Pour l’exécutif, la production locale a besoin de ces protections diverses car beaucoup trop facteurs l’empêchent d’être compétitive. A l’éloignement s’ajoute l’étroitesse du marché et désormais le facteur TGC. Selon le gouvernement, l’introduction de la TGC « a réduit le différentiel de compétitivité des produits locaux par rapport à ceux importés ».Et même s’il a généralisé le taux réduit de TGC (3 %) en faveur de la production locale, il explique qu’elle « n’est pas suffisante pour compenser le désarmement des principales taxes à l’importation qui agissaient comme des protections tarifaires ». Pour l’exécutif, « seules les productions dont la concurrence est soumise à des restrictions quantitatives ont conservé, de manière générale, leur niveau concurrentiel ». Pour mémoire, il existe deux types de mesures de régulation pour favoriser l’écoulement de la production locale par la réduction de l’importation, les restrictions quantitatives à l’importation (partielles ou totales) et les protections tarifaires.
La production locale va devoir rendre des comptes
Pour réformer le système, le gouvernement propose plusieurs mesures sous la forme d’un projet de loi qui sera codifié, s’il est adopté, dans le code de commerce de la Nouvelle-Calédonie. La principale, qui coule de source, c’est déjà de fixer des objectifs aux entreprises qui bénéficieront de protection ce qui n’était absolument pas le cas jusqu’à aujourd’hui. « Nous voulons qu’il y ait des contreparties notamment en matière de compétitivité », expliquait il y a peu le président du gouvernement, Philippe Germain. Du côté de la route des Artifices, on explique d’ailleurs que les quelques contrats de performance signés ces dernières années sont largement insuffisant et n’ont d’ailleurs « aucune valeur juridique ».
Le projet de loi du pays examiné mardi en séance propose donc que les mesures de régulation de marché soient accordées en contrepartie de quatre engagements rendus obligatoires concernant la qualité du produit, son prix, l’investissement de l’entreprise et la création d’emplois. « D’autres engagements pourront également être pris en matière de gestion des ressources humaines, de compétitivité, de création de filière, de rééquilibrage et de développement durable », précise le gouvernement qui avec cette loi aura le pouvoir de « soumettre à la réglementation des prix des produits protégés par des mesures de régulation pour préserver le pouvoir d’achat de consommateurs quand cela est nécessaire ».
De plus, chaque année, les entreprises devront transmettre à la DAE (direction des affaires économiques) toutes les informations nécessaires au contrôle du respect de leurs engagements. La DAE publiera sur son site internet les données économiques et sociales liées aux conséquences des mesures de régulation de marché (création d’emplois, d’industries, de valeur ajoutée, etc). La loi du pays instaure également des sanctions administratives en cas de manquement des opérateurs à leurs engagements et à leurs obligations de transparence. Et elle fixe enfin des sanctions en cas de non-respect des règles d’importation ou de mauvaise utilisation des quotas.
Réduction des délais d’instruction
La procédure d’instruction des demandes de régulation de marché est aujourd’hui longue et fastidieuse, « d’une durée pouvant atteindre deux à trois ans », constate le gouvernement qui a décidé de simplifier la procédure. Aujourd’hui, le dépôt du dossier se fait auprès de la direction des Affaires économiques et nécessite, au-delà de son analyse, la saisine des chambres consulaires puis du Comité du commerce extérieur (Comex), voire un passage au Congrès selon les cas. La loi du pays propose de raccourcir les délais d’instruction des dossiers entre trois et six mois en fonction de leur complexité. Le Comex sera supprimé. Les opérateurs économiques et les chambres consulaires concernées par les demandes seront consultés lors de l’instruction des dossiers. La DAE et l’Autorité de la concurrence seront également saisis pour avis. Nul doute que le sujet sera largement débattu au Congrès, mais également dans les foyers et les rayons calédoniens. La dernière fois que le cadre réglementaire de ce dispositif avait fait l’objet de débats au Congrès c’était en 2006.