Départementalisation de 1946 : Dominique Larifla « Il fallait montrer à l’Etat que nous étions en mesure d’assurer nos responsabilités »

Départementalisation de 1946 : Dominique Larifla « Il fallait montrer à l’Etat que nous étions en mesure d’assurer nos responsabilités »

À près de 80 ans, Dominique Larifla, cardiologue de profession et ancien homme politique, a grandi en même temps que la départementalisation. Il revient sur ces évènements pour Outremers 360

Né en 1936, quelques années avant la Seconde Guerre Mondiale, le Guadeloupéen Dominique Larifla explique à Outremers 360 qu’il grandira avec l’évolution de la départementalisation. «Enfant,comme la majorité des Guadeloupéens j’avais développé une idée de l’État Français, de la Mère-Patrie. Finalement, j’ai vite considéré, sans être nationaliste ou indépendantiste, que la France a entretenu et entretient une relation particulière avec la Guadeloupe et d’une façon plus générale entre les anciennes colonies qui sont devenes des collectivités d’Outre-mer ».Quelques années après la départementalisation des « quatre vielles colonies » en 1946, la population locale reste dans l’attente de l’application de  politiques  sociales pour améliorer leurs conditions. Aimé Césaire va même dès 1948 critiquer ce principe d’assimilation qu’il avait lui-même défendu. De nouvelles revendications d’autonomie émergent un peu partout dans les territoires ultramarins.

Dans les années 50-60, Dominique Larifla alors étudiant en médecine observe d’un oeil attentif tous les bouleversements historiques en cours comme la montée des indépendances, du mouvement de décolonisation ou encore la Guerre d’Algérie. «J’étais de ceux qui pensaient en analysant les événements de l’époque qui se déroulaient en Afrique et en Asie et ceux qui se produisaient en Guadeloupe, qu’il y avait des orientations différentes à prendre », ajoute Dominique Larifla. Passionné très jeune par la chose politique, il va même participer à différents groupes de réflexion politique durant ses études à Montpellier. «J’étais dans des  groupes où il y avait plusieurs tendances : certaines personnes étaient favorables à la guerre d’Algérie, d’autres pour l’indépendance totale. Pour moi, l’indépendance n’était pas viable du moins à ce moment-là, pour la Guadeloupe qui était dans un contexte tout-à-fait différent ». Cette passion pour la politique le fera même intégrer l‘Association Générale des Etudiants Guadeloupéens (AGEG), un temps suspectée de subversion ou de dangereuse pour l’intégrité nationale.

«  Un transfert de compétences qui n’a pas été de tout repos »

Pour faire face à cette montée de revendications, le Général de Gaulle en 1960, par décret instaure plus de pouvoir aux conseillers généraux. Mais il faudra faire preuve de patience encore une vingtaine d’années pour voir une réel transfert de certaines compétences étatiques vers les collectivités territoriales. En effet, le 31 décembre 1982, la Guadeloupe devient une région mono-départementale, avec transferts de compétences à l’assemblée exécutif du Conseil Général et du Conseil Régional. « C’est une période où il y avait de gros enjeux avec la mise en place de la décentralisation. Les Outre-mer ont été en 1983, trois ans avant l’espace national, des laboratoires dans la mise en place des conseils régionaux ». En Guadeloupe, le cardiologue Dominique Larifla, alors conseiller général, est témoin de cette transition. « Le transfert de certaines compétences exercées par le Préfet vers la structure départementale n’a pas été de tout repos face au différents directeurs des services départementaux, rattachés au Préfet et qui avaient pour habitude d’exercer le pouvoir local. Alors que le transfert des compétences est actée dans les textes, au quotidien, cela se passait différemment». À cette époque, la Guadeloupe connaît une crise de son industrie sucrières, les usines se fermant les unes après les autres.  Face à ce processus de décentralisation, les guadeloupéens sont quelque peu désorientés à ce changement de repères au sein de l’autorité locale, jusque-là habitués à la conception de l’Etat souverain, représentée par le préfet.

« Il fallait montrer que le Président du département était la nouvelle autorité »

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Durant cette période Dominique exerce déjà en tant que médecin-cardiologue et deviendra maire de Petit-Bourg, conseiller général et premier sécrétaire du Parti socialiste en Guadeloupe. Trois ans plus tard, en raison d’un basculement de la majorité en faveur de la gauche, Dominique Larifla se retrouve propulsé à la tête du Conseil Général de la Guadeloupe. «Le candidat pressenti à la présidence du département était Réné-Serge Nabajoth. Sa jeunesse, sa motivation ainsi que ses idées visionnaires faisaient de lui, le candidat parfait. Mais sa hiérarchie abymienne va en décider autrement. Je me suis donc retrouvé président du conseil général cette année-là ».  À 42 ans, Dominique Larifla se confrontera aussi à la lourdeur de la mise en place de la décentralisation. « Nous étions à ce moment-là en pleine mise en oeuvre de la décentralisation. Je me retrouvais dans une situation de cardiologue, maire et conseiller général à celle d’un exécutif local. C’est donc toute ma vie qui allait changer». Il va donc s’atteler à mettre en place une nouvelle organisation départementale. « Il fallait montrer que le Président du département était la nouvelle autorité et non plus préfet et montrer à l’Etat que nous étions en mesure d’assurer nos responsabilités ». Dominique Larifla va présider cette assemblée départementale durant 13 ans. Aujourd’hui, Dominique Larifla estime qu’il faut tenir compte de notre environnement géographique. Selon lui, la Guadeloupe dispose de toutes les qualités, notamment à travers sa jeunesse diplômée pour se développer davantage. «Nous avons une richesse humaine qui peut se mettre ensemble et réfléchir à la bonne programmation pur que la Guadeloupe soit dans le  cercle du développement économique mondiale », conclut-il.