© Region Guadeloupe
Le 20 décembre 2019, les élus régionaux et départementaux étaient réunis en Congrès pour débattre de la question de la question de la gouvernance de la Guadeloupe. Quels enseignements retenir de ce Congrès des élus ? Réponse avec Pierre-Yves Chicot Maître de conférences de droit public et Avocat au Barreau de la Guadeloupe qui livre à Outremers 360 son décryptage.
Là ou il y a une volonté, il y a une chemin disait Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine.
La référence à une pareille personnalité de l’histoire du monde a deux fonctions dans le cadre de la présente analyse. Tout d’abord, cette pensée saisie par son esthétique, mais aussi par sa dimension atemporelle et trans-temporelle. Ensuite, il n’est guère possible de contester le lien qui existe entre la tentative d’abolition du statut de la région monodépartementale et l’idéologie autonomiste et indépendantiste, même si les justificatifs technocratiques sont davantage privilégiés aujourd’hui, singulièrement celle du renforcement de l’efficacité des politiques publiques, qui a été le myocarde pensant des XVème et VIème congrès des élus départementaux et régionaux en Guadeloupe.
La transformation institutionnelle et la transformation statutaire, sans emporter les mêmes conséquences juridiques interrogent le rapport des collectivité d’outre-mer avec le pouvoir central, notamment celles de droit commun de l’article 73 de la Constitution. En effet, celles qu’on a appelé pendant très longtemps les 4 vieilles : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion ont vécu une forme de décolonisation particulière qui réside dans l’érection de ces anciennes colonies en département. La décolonisation est donc intervenue par l’intégration institutionnelle terminale : la départementalisation puis la régionalisation. Dans le même temps, la norme fondamentale a bien entendu la belle formule de l’ancien parlementaire, feu Lamine Gueye, qui disait : « nous n’avons jamais réclamé l’uniformité qui serait synonyme d’absurdité ». C’est ainsi, qu’à la vérité, la départementalisation- régionalisation est dominée par l’adaptation, justifiée par « les contraintes et caractéristiques particulières ». Cette expression étant du reste, directement importée de l’article 349 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne relatif aux régions ultrapériphériques, catégorie à laquelle font partie, entre autre, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion.
Quel est le contexte politique en Guadeloupe aujourd’hui ? Sans être totalement exhaustif, celui-ci est principalement animé par une forme de contamination de l’idéologie autonomiste. Sans renier l’appartenance à la République, l’affirmation identitaire sert de lance de rampement général pour populariser la montée en responsabilité des élus locaux, des assemblées délibérantes locales et de la société guadeloupéenne. Ce n’est point miraculeux. La tendance vient d’en haut, du pouvoir central. Celui a, depuis 37 ans, impulsé un mouvement de réforme territoriale, visant, sans menacer l’unité de l’Etat, à transformer l’échelon local en décideur public. La co-construction et la co-exécution de l’action publique sur tout le territoire national pour satisfaire des besoins sociaux aussi cruciaux que l’éducation, la santé, la sécurité, l’économie n’ont pas abouti à un résultat neutre.
Par ailleurs, le discours de l’Etat sur son impécuniosité autant que sa conséquence directe, la baisse constante des dotations financières étatiques obligent, surtout les sociétés qui sont situées hors du territoire hexagonal, à s’organiser autrement.
C’est ainsi que dans l’article 1 er de la résolution adoptée à l’unanimité par le congrès guadeloupéen l’avenir de ce territoire devra être déterminé par une loi organique, ce qui laisse penser que le sujet à venir n’est pas afférent à un simple changement de couvre-chef mais à une transformation substantielle de style. La Guadeloupe doit apparaître dans la Constitution parce qu’elle est singulière, elle est unique au sein de la République. Cette position politique nourrit même la proposition en gestation du pouvoir central, celle de constitutionnaliser la notion de différenciation, parce qu’au fond l’histoire racontée par Jacques Legoff est celle d’une France construite sur une agrégation parfois très violente d’identités locales contrastées, à l’image de la Guyane.
La matinée s’est poursuivie avec les discours des sept parlementaires⤵️@Justine_BENIN, députée@SenatriceJasmin, sénatrice@VictorinLurel, sénateur@MaxMathiasin, député@olivier_serva, député@SenateurDTheoph, sénateur@HVainqueur, député pic.twitter.com/B6AZzWCp0C
— Région Guadeloupe (@CRGuadeloupe) December 20, 2019
La philosophie d’être enfin soi-même, véhiculée par les XVème ((26-27 juin 2019) et XVIème congrès en Guadeloupe (20 décembre 2019), ouvre des perspectives de s’adapter à un monde ouvert et multipolaire. La multipolarité affadit considérablement le principe de l’exclusif qui a présidé à la relation coloniale et irrigue encore des situations néo-coloniales.
Le discours étatique français qui transcende les clivages partisans fortement revêtu de thèses libérales et monétaristes n’est plus en phase avec la conception de l’impulsion unique et de la fabrication normative unique. Les territoires locaux outre- mer qui n’hésitent plus à s’appeler « pays » manifestent un désir ardent d’apporter des solutions endogènes à leur difficulté parce que tout simplement ils ne souhaitent pas mourir. Et ce n’est pas le débat vif sur la révision de la carte intercommunale en Guadeloupe ou les modalités revisitées de la coopération intercommunale qui sont susceptibles de contrarier la marche en avant de ce processus qui débute toujours par le nécessaire consensus politique minimal. Il est né le 27 décembre à Basse- Terre et a été confirmé le 20 décembre à Basse-Terre.
L’espoir est permis même si l’enthousiasme doit être nécessairement contenu pour toujours être exigent avec soi-même. Et, il me semble bien que c’est l’esprit de deux grands guadeloupéens qui ont été cités hier qui nous enseigne pareille sagesse : Rémy Nainsouta et Raoul Cyril Serva.
Pierre-Yves CHICOT
Maître de conférences de droit public – Habilité à Diriger les Recherches
Avocat au Barreau de la Guadeloupe