Le mardi 27 novembre 2018 se tiendra à l’Hôtel de la Collectivité Territoriale de Guyane, le Congrès des Élus de Guyane. A la veille de cette journée, Outremers 360 vous propose des éléments de décryptage sur l’organisation de Congrès en Outre-mer et plus particulièrement en Guyane. Éléments de réponse avec Véronique Bertile, Maître de conférences en Droit public à l’Université de Bordeaux.
Le congrès, c’est quoi ?
Institution spécifique à l’outre-mer qui n’existe pas dans l’Hexagone, le congrès était, historiquement, dans les régions d’outre-mer monodépartementales, la réunion des membres du conseil général et du conseil régional à laquelle étaient conviés les députés et les sénateurs. Les sujets traités par le congrès étaient considérés comme si importants pour l’avenir du territoire qu’ils justifiaient la présence de tous les élus.
Cette pratique a été codifiée par la loi d’orientation pour l’outre-mer (la fameuse «LOOM») du 13 décembre 2000 et n’existe telle quelle encore aujourd’hui qu’en Guadeloupe.
La Réunion
En effet, La Réunion a toujours refusé l’institution du congrès. A l’initiative de M. Edmond Lauret, sénateur de La Réunion, le Sénat a adopté un amendement supprimant pour La Réunion l’institution du congrès. Deux raisons étaient invoquées :
– la première tenait à la perspective de la bi-départementalisation qui figurait dans le projet de loi. Le congrès était prévu pour les régions monodépartementales, ce qui excluait La Réunion pour laquelle une bi-départementalisation était envisagée. Mais cette disposition a été retirée en lecture définitive et La Réunion se trouvait à nouveau concernée par l’instauration du congrès ;
– la seconde était l’application de l’article premier, alinéa 4, de la LOOM qui, « respectant l’attachement des Réunionnais à ce que l’organisation de leur île s’inscrive dans le droit commun », n’accordait la capacité de proposer des évolutions statutaires qu’aux assemblées locales des départements français d’Amérique (DFA).
De l’opinion du sénateur, il y a à La Réunion une « volonté unanime de la population et des élus de rester dans le droit commun et de refuser toute possibilité d’évolution statutaire ».
Pour autant, de façon informelle, les conseillers généraux et régionaux réunionnais ont déjà eu l’occasion de se réunir, comme cela a pu être le cas, par exemple, en 2009 lors des états généraux de l’outre-mer, pour formuler une proposition commune.
Guyane et Martinique
En Guyane et en Martinique, au moment du passage à la collectivité unique, l’institution du congrès a été redéfinie : il ne s’agit plus du « congrès des élus départementaux et régionaux » puisque le département et la région ont disparu, mais du « congrès des élus», qui a été étendu aux maires. Ainsi, le congrès des élus de Guyane est composé des députés et sénateurs élus en Guyane, des conseillers à l’assemblée de Guyane et des maires des communes de Guyane. Pour sa part, le congrès des élus de Martinique est composé des députés et sénateurs élus en Martinique, du président du conseil exécutif et des conseillers exécutifs de Martinique, des conseillers à l’assemblée de Martinique et des maires des communes de Martinique.
Le rôle du congrès
Le congrès est une structure de concertation entre les élus du territoire, une instance de débats et de réflexion. Il est chargé de formuler des propositions d’évolution institutionnelle ou relatives à de nouveaux transferts de compétences de l’État vers la collectivité territoriale. C’est une formation solennelle qui a une grande autorité, de par la légitimité de ses membres et l’importance des sujets traités mais ses propositions n’ont pas de caractère décisionnel. Pour produire des effets, elles doivent être validées par l’assemblée de la Collectivité, dont les délibérations seront transmises au Premier ministre.
Il faut ainsi bien comprendre la nature du congrès : ce n’est pas une assemblée délibérante. Pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 décembre 2000 relative à la LOOM, le congrès permet de faciliter les échanges de vues entre les élus et n’est pas « un conseil élu par lequel administrerait une collectivité territoriale de la République ».
Le congrès des élus de Guyane : enjeux
Suite au mouvement social sans précédent de mars et avril 2017, l’accord de Guyane signé le 21 avril 2017 prévoit, « à court terme », que le président de la collectivité territoriale de Guyane convoquera un congrès pour l’ouverture des travaux des états généraux du projet Guyane. Un premier congrès des élus s’est ainsi réuni le 14 octobre 2017 et a proposé le lancement des états généraux du territoire, lancement entériné par une délibération de l’assemblée territoriale de Guyane en date du 23 octobre 2017. La proposition du congrès, comme la délibération de l’assemblée, renvoient expressément à un prochain congrès de « bilan d’étape » pour une première restitution des travaux. C’est dans ce contexte que par délibération en date du 8 octobre 2018, l’assemblée territoriale de Guyane a autorisé le président de la collectivité à convoquer le congrès des élus de Guyane le 27 novembre 2018, avec comme points à l’ordre du jour, la restitution des états généraux de Guyane et la présentation du livre blanc. Le « livre blanc des états généraux de la Guyane » dresse, dans une première partie, les comptes-rendus des commissions thématiques des états généraux et expose, dans une deuxième partie, la stratégie territoriale de développement. Il comporte, enfin, une troisième partie portant proposition d’une « loi Guyane ».
L’ensemble des élus de la Guyane sont ainsi invités à discuter des orientations de ce livre blanc et à formuler des propositions en vue de saisir le Gouvernement d’un projet d’évolution statutaire. L’Accord de Guyane indique que le Gouvernement devra répondre à ce projet en application de l’article 72-4, alinéa 2, de la Constitution. Cette disposition prévoit que le Président de la République peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Ainsi, si le congrès des élus de Guyane se prononce en ce sens, une consultation des Guyanaises et des Guyanais pourrait être prochainement organisée.
Véronique Bertile
Maître de conférences en Droit public à l’Université de Bordeaux