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Nommée en 2017 au Ministère des Outre-mer, Annick Girardin laisse aujourd’hui sa place à Sébastien Lecornu, mais devient ministre de la Mer. Quel est son bilan aux Outre-mer après trois années au service de la ligne conductrice du couple Macron-Philippe ?
Rescapée du quinquennat Hollande, comme son collègue Jean-Yves Le Drian, Annick Girardin arrive au Ministère des Outre-mer après la Réunionnaise Ericka Bareigts, et après avoir occupé les fonctions de secrétaire d’État à la Francophonie et ministre chargée de la Fonction publique. Ses premiers mois rue Oudinot sont calmes. À l’été, elle présente les Assises des Outre-mer, promesses du candidat Emmanuel Macron, qu’elle portera jusqu’en juin 2018 avec la remise du « Livre Bleu Outre-mer ».
Tout bascule un certain 6 septembre 2017. Ce jour-là, l’ouragan Irma, d’une violence inouïe, déferle sur les petites Antilles. À Saint-Martin, 80% des constructions sont détruites. Depuis Paris, la ministre bouillonne et s’impatiente. Dès le lendemain, elle se rend sur place et pose les bases d’une ministre « de terrain ». En botte, pantalon kaki et débardeur, Annick Girardin progresse au milieu des débris, dans l’urgence et la précipitation. Et c’est finalement là, sur le terrain et dans l’urgence, que la ministre se montre plus à l’aise. Plus tard, elle débarque à Mayotte en pleine crise sociale et dans une atmosphère électrique. L’accueil s’annonce tendu. Et pourtant, dès son arrivée, la ministre retourne au front : assise dans l’herbe, elle tente les négociations avec les manifestants. Un face à face qu’elle semble affectionner.
Elle le renouvèlera fin 2018 à La Réunion. L’île est alors totalement paralysée par le mouvement des gilets jaunes. Envoyée en urgence par le gouvernement, Annick Girardin doit entamer les négociations pour une reprise de l’activité de l’île. La tâche n’est pas mince. Sur place, on ne veut pas de la ministre, on demande le chef du gouvernement. Attendue de pied ferme à l’aéroport international Roland-Garros, la ministre donne de l’image : au milieu d’une foule de gilets jaunes, protégée par quelques gardes du corps, Annick Girardin tente de désamorcer la crise. Il lui faudra finalement une semaine marathon pour calmer la situation. Mais sans conteste, d’Irma aux gilets jaunes, Annick Girardin est plus à l’aise sur le terrain et l’urgence que dans les dorures de Montmorin.
Un tempérament de feu qui s’est heurté aux élus et journalistes insistants. Quand elle donne une conférence à Paris sur la situation de Mayotte en mars 2018, sa patience est mise à mal face aux rumeurs répétitives d’une possible évolution institutionnelle de l’île ou pire, son prétendu retour sous le giron des Comores. Ce jour-là, la ministre encaisse la nomination de son Directeur de cabinet Dominique Sorain, « colonne vertébrale » de son Ministère, au poste de préfet et délégué du gouvernement à Mayotte. Il fallait bien une main de fer dans un gant de velours pour calmer les tensions sur place et préparer un plan d’urgence.
Face aux élus locaux et aux députés ultramarins, c’est bien souvent la bataille rangée, comme en 2018 lors des débats budgétaires, quand les parlementaires du Pacifique apprennent la disparition du financement du fonds vert ou encore, quand elle évoque « l’État associé » en parlant de la Nouvelle-Calédonie. Cette « Nord-américaine » savait parfaitement ce qu’elle disait.
Le monde économique ultramarin ne l’a pas non plus ménagée, jusqu’à très récemment, avec la crise sanitaire et économique liée au Covid. Qu’importe, Annick Girardin a été choisie pour exécuter les directives de l’Élysée et Matignon, quitte à prendre des coups. Ce qu’elle sait faire. Irma, crise sociale à Mayotte, gilets jaunes à La Réunion, nouveau PPRN à Saint-Martin, chlordécone et sargasses aux Antilles, indemnisations des essais nucléaires en Polynésie, référendum en Nouvelle-Calédonie, réforme des congès bonifiés, des aides économiques ou des retraites, coronavirus à Mayotte et en Guyane : son mandat de ministre des Outre-mer n’a pas été de tout repos. Appréciée ou pas, la Saint-pierraise aura marqué son Ministère. Passée par aucune grande école faiseuse de politique, Annick Girardin est certainement le profil le plus atypique du gouvernement.
Son successeur aura à charge des dossiers brûlants, d’autres moins. Il faudra surtout accompagner la Guyane et Mayotte, toujours sur le feu de l’épidémie de coronavirus. Il faudra aussi poursuivre la sortie de l’Accord de Nouméa avec le second référendum d’autodétermination en octobre prochain. Annick Girardin laisse également derrière elle la Trajectoire Outre-mer 5.0, qu’elle avait initié en 2019, et poursuivre la mise en œuvre des Assises des Outre-mer et du « Livre Bleu » qui en découle. Il faudra surtout à son successeur la même ténacité, le même cuir pour faire face aux élus des territoires et acteurs économiques prêts à en découdre avec la politique du gouvernement.
De son côté, Annick Girardin prouve encore, ce lundi 6 juillet, son indispensabilité et sa durabilité. Toujours comme Jean-Yves Le Drian, le Menhir, elle reste au gouvernement et récupère le portefeuille de la Mer, qui par la même occasion se voit promu en Ministère. Un souhait qu’elle portait d’ailleurs depuis le quinquennat de François Hollande, mais en le rattachant aux Outre-mer. Et qui de mieux pour incarner les mers françaises que la Saint-pierraise, qui trois ans durant, a écumé les Outre-mer qui représentent, rappelons-le, 90% des ZEE de la France.